Epilogue 1968-1984

Epilogue 1968-1984

  • Le 27 Mars 1971 : Lettre du lieutenant Delhomme au général Salan évoquant la dernière journée du coup d’Alger et la mémoire de René Villard


Pierre André Delhomme
Esplanade Saint Jean
-83- Boulouris

Boulouris, le 27 mars 1971,

Mon Général,

J’ai l’honneur de vous adresser mes remerciements au sujet de l’Editorial que vous avez bien voulu écrire pour « La Chaîne », périodique de la Fraternité Notre Dame de la Merci, dont je suis devenu Vice-Président.
Nous vous serions encore reconnaissants à la Fraternité, mon Général, d’avoir la bonté de nous encourager par quelques lignes, dans notre projet de consacrer entièrement le prochain numéro de « La Chaîne » aux condamnés de l’Algérie Française pour réclamer que justice complète leur soit rendue, particulièrement par la révision d’une loi, dite d’Amnistie, inacceptable. Nous projetons de tirer ce numéro spécial à 5 ou 10.000 exemplaires.
J’ai demandé la participation à plusieurs personnes. Hélas ! aucune réponse. Est-ce que réclamer aussi nos droits sous le drapeau de Notre Dame de la Merci, à laquelle nous devons tant, causerait-il quelque crainte ou du respect humain ? Sans Dieu, que pourrions-nous bien récolter !…
Par ailleurs, mon Général, je me permets, dans le cas où vous évoqueriez le cas de René Villard dans vos Mémoires, d’écrire ce dont je me souviens concernant ce Français d’Algérie qui fut tué durant la clandestinité, je ne sais pourquoi, et dont la femme est déboussolée, et dont le fils est ébranlé à la pensée, surtout, qu’on ait pu considérer comme traître ce patriote.
Puissent donc être utiles, subjectives sans doute ces quelques lignes :
J’ai connu René Villard à l’heure du maquis Montpeyroux-Souètre, début 1961, au réseau « France-Résurrection ». C’est grâce à lui que j’ai appris qu’un « putsch » se préparait ; c’est grâce à lui que j’ai fait participer à l’action, l’heure venue et résolument, le Commando Parachutiste de l’Air n°40, entraînant dans son sillage, avec notre chef le colonel Emery, les autres Commandos de l’Air ; c’est grâce à lui, dans une certaine mesure, que notre unité a eu l’insigne honneur d’être dissoute après l’échec.
René Villard a été l’un des rares civils que j’ai vus à l’œuvre dans la préparation du « putsch », notamment à la villa des Tagarins. Son plan était, en gros, de faire participer aux côtés de l’Armée la population (plan que, pour ma part, je croyais devoir être appliqué à tel point que j’ai foncé en ce sens ; arrêté sans prendre de gants plusieurs traîtres, et personnellement le colonel Bocquet ; me suis emparé de l’armement d’une Unité de l’Air au Bois de Boulogne en vue de le distribuer aux civils ; etc…)
Mais au cours même de la première nuit d’opérations, René Villard a été mis à l’écart, avec d’autres ; il m’a confié alors son dépit et ses craintes quant à la suite des événements, l’Armée seule agissant….jusqu’au moment où vous-même, mon Général, avez pu prendre en main la situation – hélas ! trop tard – et avez résolu de mobiliser les Français d’Algérie.

(Petit souvenir personnel évoqué au passage : quand, dans la dernière nuit du « putsch », au Gouvernement Général, je suis allé demandé des ordres au général Challe pour faire venir le Commando 40 du Quartier Rignot au Forum, le Général m’a remercié pour leur participation et m’a dit que tout était terminé et qu’il fallait retourner à Reghaïa, au cantonnement. Devant mon insistance à n’en rien croire, il m’a fait confirmer ceci par d’autres Généraux. Quelqu’un même, en civil, dans cette grande salle où vous étiez réunis, m’a dit que ce n’était plus le moment de faire le malin. Seul, mon Général, avec détermination – je ne puis l’oublier et vous en remercie – seul, vous avez dit : « Faîtes venir le Commando 40 au Forum ! ». C’était dans les derniers instants. Notre Commando a eu ainsi l’honneur de venir se placer sur le Forum aux premières lignes face aux Gendarmes Mobiles et devant la Légion, jusqu’au moment où l’ordre de décrocher a été donné…et où a commencé pour moi le combat clandestin.
Je dois à René Villard d’avoir vécu cela).

Je crois, mon Général, que si vous aviez été là dès les premières minutes, chef de l’affaire, René Villard vous eût été précieux, vous rejoignant sans doute en ceci : dès le départ, action militaire et civile menée à fond de concert.

(Pour définir mieux René Villard, je dois à la vérité d’ajouter qu’il était partisan de fusiller certains traîtres à la patrie, parmi nos prisonniers. L’eût-il fait ?)

Durant la période de combat clandestin, j’ai revu quelques fois René Villard. Il était à la tête de commandos et je ne sais rien de ce qui a bien pu lui valoir d’être exécuté tout à coup.
Je garde de René Villard le souvenir d’un patriote fervent auquel j’ai conservé mon amitié ainsi qu’à sa famille. Mon devoir était de vous l’écrire…
Je n’ai pu encore lire le premier tome de vos Mémoires dont on dit beaucoup de bien, ce que je ferai au plus tôt.
Personnellement et ce, depuis ma « reconversion » entre quatre murs d’une prison, j’aurais voulu écrire (hélas ! j’en suis fort incapable) un livre à la Gloire du Seigneur où j’aurais affirmé à travers ce que j’ai vu ou vécu, notre devoir de garder l’Algérie à la France ; déploré que la Fille Aînée de l’Eglise et Soldat de Dieu ait trahi sa vocation chrétienne et de ce fait ne pouvait plus conserver son Empire…mais que ressuscitée par le Sacré Cœur et le Cœur Douloureux et Immaculé de Marie, Roi et Reine de France, elle ira de nouveau de part le monde, les en faire aimer et sauver des âmes, sans doute après l’Intervention Divine proche, Miracle qui puit être hâté par l’emploi de l’arme toujours victorieuse du Très Saint Rosaire : le Chapelet quotidien, voilà ce que j’eus sans répit clamé…
J’espère, mon Général, vous écrivant n’avoir pas abusé de votre temps précieux et vous prie d’agréer, terminant là, mes respectueux et cordiaux sentiments :
 « Ex » S/Lt Pierre André Delhomme

  • 12 Novembre 1973 : Lettre de madame Pasteur Valléry-Radot  au général Salan
  • 9 Juin 2000 : Propos recueillis auprès du docteur Mugica à l’occasion du congrès Cardiostim 2000 et publiés dans l’hebdomadaire « Le Point »   

Jacques Mugica fait son service militaire comme aspirant-médecin au 1er régiment d’infanterie de Marine en Kabylie. Il participe au putch d’avril 1961 et rejoint l’OAS en Algérie en février 1962. Arrêté et condamné, il fait un séjour de deux ans en prison. Par la suite, il devient l’un des plus grands spécialistes mondiaux de la stimulation cardiaque.

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