BULLETIN 38 – 2EME SEMESTRE 2013

BULLETIN 38 – 2EME SEMESTRE 2013

SOMMAIRE :

  • Disparitions : Gérard Baudry, Charles Foury, Philippe Hartemann, Paul Merle des Isles et Monique Yrissou Fradkine
  • Recension d’ouvrages récents :

Salan, Quarante années de commandement : Biographie du Général Salan, Pierre Pellissier

Journal d’un prisonnier, André Zeller

Disparitions

Gérard Baudry

Gérard Baudry est né le 24 janvier 1929 à Thorigné d’Anjou. Il s’engage en 1948 à Angers et est affecté peu après au 1er R .C.P. stationné  à Sétif et à Djidjelli. Après 7 mois sous les drapeaux, il est réformé à titre définitif. Il s’engage dans la Légion Etrangère le 19 juin 1955 sous une nationalité d’emprunt. Il combat en Algérie, notamment au 2ème R.E.I. commandé par le colonel de Seze, et obtient le grade de sergent-chef, la croix de la Valeur Militaire avec trois citations à l’ordre de la brigade ou de la division. Il est blessé le 14 avril 1959 dans la région d’Aïn Sefra.

Il rejoint l’OAS, est arrêté et détenu à la maison d’arrêt de La Santé. C’est là que la médaille militaire, qui lui a été conférée à la date du 7 novembre 1962, lui est remise par le général Vanuxem, en présence du colonel de Seze. Lorsque Gérard Baudry passe en jugement devant la Cour de Sûreté de l’Etat, le général Vanuxem, acquitté après deux ans de détention, témoigne en sa faveur. Il est cependant condamné à mort le 29 avril 1964. Sa déposition au procès du capitaine Curutchet en juin de la même année est dramatique, ce dernier affirmant ne pas avoir donné l’ordre de l’opération qui a valu à Gérard Baudry sa condamnation à mort. Curutchet est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

Le 28 juillet 1964, la peine de mort est commuée en peine de réclusion criminelle à perpétuité que Gérard Baudry effectue au pénitencier de Saint Martin de Ré. I l en est libéré le 23 mars 1968. Gérard Baudry était dans les premiers adhérents à l’association des Amis de Raoul Salan et, tant que sa santé le lui a permis, assidu aux assemblées générales de l’association où il captivait l’auditoire par ses récits.

Gérard Baudry lors de la prise d’armes du 13-07-2008 

        Gérard Baudry et le général Pichot de Champfleury

En avril 2007, il est nommé chevalier de la Légion d’honneur. Il reçoit la croix le 13 juillet 2008 lors de la prise d’armes, maintenant traditionnelle, de la Légion étrangère dans le cadre le plus prestigieux qui soit, celui des jardins du Palais du Luxembourg, en présence du président du Sénat et des plus hautes autorités civiles et militaires.

Gérard Baudry est mort le 8 avril 2014. Ses obsèques ont été célébrées mardi 15 avril en l’église Saint Nicolas du Chardonnet à Paris. Son inhumation a eu lieu au cimetière russe de Sainte Geneviève des Bois, dans le carré des légionnaires. L’association était représentée par Jeanne-Marie Borloo Bazin, Pierre Chassin et Bernard Zeller.

Au cimetière russe de Sainte Geneviève des Bois près du Carré des Légionnaires où repose la dépouille du Général Zinovi Pechkoff, le Colonel Benoît Guiffray prononce l’éloge funèbre du sergent-chef Gérard Baudry en présence des porte-drapeaux.

Charles Foury

Charles Foury est né à Thonne-le-Thil dans le département de la Meuse le 30 décembre 1927. En 1943, sa famille se replie de Lorraine en Charente Maritime. Dès le 10 janvier 1945, il a 18 ans et onze jours, Charles Foury s’engage dans l’armée française. Il participe aux combats de la poche de Royan au sein des Forces Françaises du Sud-Ouest commandées par le colonel Adeline. Par la suite, il rejoint la 2e Division Blindée de Leclerc, en Indochine. Le 15 octobre 1945, le groupement de marche de la 2ème D.B. a débarqué à Saïgon. Le 18 mars 1946, Leclerc entre dans Hanoï. Charles Foury reste en Indochine jusqu’en 1947. Démobilisé à son retour en métropole, il entre dans la police et est affecté en 1950 à la Compagnie Républicaine de Sécurité 91 à Poitiers. Un grave accident, en service commandé, conduit à une amputation de la jambe gauche. Dès lors, Charles Foury commence une carrière au Tribunal de commerce de Poitiers, carrière qu’il termine comme greffier en 1992.

En parallèle à ses activités professionnelles, il se consacre aux associations patriotiques de la Vienne : l’Association Nationale des Anciens d’Indochine, l’Association des Combattants de l’Union Française, l’Union Nationale des Combattants, le Souvenir Français. De 1956 à 2011, il a été à la tête du comité de liaison des associations d’anciens combattants de Poitiers.

Il est décédé le 23 janvier 2014 ; ses obsèques ont été célébrées le 27 janvier en l’église de Vouneuil-sous-Biard. Chevalier de la Légion d’honneur, Charles Foury était membre de l’Association des Amis de Raoul Salan depuis l’origine.

Philippe Hartemann

Philippe Hartemann est décédé le 8 novembre 2013 à l’âge de 83 ans. Ses obsèques ont été célébrées le 12 novembre dans l’église de Loupchat, dans le département du Lot.

Philippe Hartemann était le fils aîné du général André Hartemann, disparu lors d’un vol dans le nord du Tonkin en avril 1951. Sa famille a été durement frappée par le sort. Outre la disparition de son père, sa mère est morte à Saïgon d’une maladie foudroyante en mars 1951. Lui-même et son épouse ont été cruellement éprouvés.

Toute sa vie, Philippe Hartemann a essayé de savoir la vérité sur la disparition de son père, initialement avec l’espoir qu’il aurait survécu.

La courte biographie du général Hartemann, qui suit, extraite du site Internet consacré au général Salan, met en lumière sa haute figure.

André Hartemann est né le 23 juillet 1899 à Colmar (Haut Rhin) dans une vieille famille alsacienne établie dans le Sundgau. Son père, magistrat, s’était replié en Lorraine après la défaite de 1870. Après des études au lycée de Nancy, il entre à Saint Cyr en 1917  (promotion Sainte Odile-La Fayette) et combat sur la Somme dans les dernières semaines de la guerre. Jeune officier de tirailleurs marocains, il participe à l’occupation de la Haute-Silésie avant de rejoindre le Maroc en 1924, pour les opérations de pacification de la région de Taza et du Rif. Il suit l’enseignement de l’Ecole de Guerre en 1929, puis, officier d’état-major à Oran, passe son brevet d’observateur aérien. Après un temps de commandement dans un régiment de tirailleurs algériens à Constantine, il est nommé, en 1933, à l’état-major de la 5 ème région aérienne à Alger.

Septembre 1939 le trouve au cabinet militaire du ministre de l’Air, Guy La Chambre. Muté à sa demande dans l’Armée de l’Air, il passe son brevet de pilote au début de 1940. En mai 1940, avec le grade de commandant, il prend le commandement en second du groupe de reconnaissance I/22 basé à Metz-Frascaty. Après l’armistice du 22 juin 1940, il commande le groupe I/22, replié à Rabat-Salé. Sanctionné pour le départ pour Gibraltar d’un avion de son groupe, André Hartemann se retrouve à Oran-La Sénia, puis, à Alger, au 3ème bureau de l’étatmajor de l’Air dont le chef est le général Bouscat.

Après le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942 qui lui vaut une blessure par un obus américain, il reprend pour quelque temps son poste à l’état-major, puis obtient le commandement de l’aviation de débarquement et crée le 1er régiment de chasseurs parachutistes à Fez. Il y passe son brevet de parachutiste avant de remettre le commandement du régiment au commandant Sauvagnac. De retour à l’état-major à Alger avec le grade de lieutenant-colonel, il est membre de la Joint Air Commission qui regroupe Américains, Anglais, Canadiens et Français et y travaille, au profit de l’Armée de l’Air, à la création d’unités opérationnelles qui participeront à de nombreuses missions de parachutage en métropole, en faveur des maquis.

Après la libération, l’état-major de l’Air se réinstalle Boulevard Victor à Paris et le colonel Hartemann continue son travail d’organisation au Plan et au Service de Liaison Interallié.

Promu au grade de général de brigade en juin 1945, il participe à plusieurs missions aux EtatsUnis et en Angleterre avant de prendre, en décembre 1945, le commandement de la 1ère Division Aérienne à Lahr, en Allemagne occupée. De retour à Paris en septembre 1946 comme chef d’état-major, puis comme major général, il organise l’Armée de l’Air en tenant compte de l’expérience acquise au contact des alliés, avec comme adjoints les colonels Jouhaud et Challe.

Le Général Hartemann avec le Général de Lattre

En août 1949, général de division aérienne, André Hartemann prend la direction du Centre d’Enseignement Supérieur Aérien et le commandement de l’Ecole Supérieure de Guerre Aérienne. Le 1er avril 1950, il est nommé à Saïgon, commandant des Forces Aériennes Françaises en Extrême Orient, succédant au général Bodet. Il y gagne la confiance du général de Lattre de Tassigny lors du pont aérien de Lai-Chau et, peu après, lors de la bataille de Vinh-Yen en janvier 1951. Le général Hartemann avec le général de Lattre Retourné en France pour les funérailles de son épouse décédée brutalement en mars 1951 à Saïgon, il reprend son poste dès le début d’avril 1951. Le 27 avril 1951, le général Hartemann part de Saïgon pour Hanoï pour participer à une journée d’opérations au Tonkin. Le 28 avril au matin, en provenance de Hanoï, il se pose sur la base de Cat-Bi, au Sud-Est d’Haïphong. Il en redécolle à bord d’un bombardier B26 pour une reconnaissance aérienne sur la frontière chinoise. Nul ne l’a jamais revu ni aucun des trois autres membres de l’équipage. Le bombardier s’est vraisemblablement écrasé dans la région de Cao Bang, mais aucune trace n’en a été retrouvée. André Hartemann était commandeur de la Légion d’Honneur.

André Hartemann et Raoul Salan sont camarades de promotion à Saint Cyr. Ils se retrouvent à Alger en 1943. C’est en Indochine qu’une étroite et confiante collaboration s’établit entre les deux hommes qui exercent de lourdes responsabilités, l’un comme commandant de l’aviation en Indochine et l’autre comme adjoint opérationnel du général de Lattre. Très touché par sa disparition, le général Salan écrira dans ses Mémoires : « Hartemann, mon camarade de promotion, était adoré dans l’Armée de l’Air où l’avenir le plus haut l’attendait.

Pour l’Indochine, c’est une lourde perte. »

L’Aurore du lundi 30 avril 1951

            Le Parisien Libéré du mardi 2 mai 1951

Télégramme du 5 mai 1951 du général de Lattre à son épouse

Lettre écrite de la prison de Tulle par le Général Salan à Philippe Hartemann à propos des conditions de disparition de son père. Le Général Salan conclut qu’il n’y a pas de doute : l’appareil, un B26, s’est écrasé dans les calcaires au nord-nord-ouest  de Langson. Cela lui a été confirmé en 1953, avant son retour en métropole, par des agents très sûrs de la région.

Paul Merle des Isles   (biographie rédigée par son fils Paul que nous remercions)

Paul Merle des Isles (1924 — 2013) 

Paul Merle des Isles naît en 1924 à Oued Athménia. Issue du Bourbonnais (Châtel-de-Neuvre), sa famille s’est installée au milieu du XIXe siècle sur les Haut Plateaux du Sud-Ouest de Constantine, en bordure du Rhumel, entre les villages de Oued Athménia et Châteaudun du Rhumel. Trois propriétés y seront créées : Le Val d’Or (actuellement englouti sous les eaux d’un barrage du Rhumel) ; Le Kharba (« ruines », en raison des ruines romaines de Pompeianus) ; Le Moulin du Val d’Or, dont les fondations remontent aussi à l’époque romaine, et où les indigènes apportent leurs grains à moudre.

Mobilisé dans la cavalerie à la guerre de  1914-1918, son père se porte volontaire pour l’infanterie. Au «Chemins des Dames », lors d’une attaque, un camarade et lui restent seuls survivants de leur régiment.

Paul Merle des Isles suit ses études primaires puis secondaires à Philippeville. Il passe en 1942 son bachot Math-élem. Âgé de 17 ans et demi, il obtient de son père l’autorisation de s’engager dans la Légion des volontaires français (LVF) contre le bolchevisme. Mais, intercepté, son dossier d’engagement n’aboutit pas.

Il décide de présenter à Alger le concours de l’École des officiers des Affaires militaires musulmanes (AMM), qu’il réussit en juin 1943. C’est alors qu’appelé au poste de garde du quartier militaire, il est encadré par deux civils et emmené devant le commissaire Achiary. Mis au secret dans une cave, parmi une trentaine de prisonniers politiques, il subit pendant un mois interrogatoires et passages à tabac.  Motifs : sa lettre d’engagement dans la LVF, son adhésion au PPF de l’ancien communiste Doriot, ainsi qu’au mouvement fondé par le physicien George Claude.

La légalité de ces choix interdisant toutefois de l’inculper ouvertement, décision est prise de l’abattre sommairement. Seule la présence d’un inspecteur qui connaissait sa famille lui sauve la vie. De retour à la caserne, il se voit en outre infliger trente jours d’arrêts de rigueur « en prévention du Conseil de guerre », puis une affectation disciplinaire au 2e RSAR (régiment de spahis) stationné à Bordj Bou Arredidj et à Casablanca (Camp Bouleau). Pendant ce temps, et pour les mêmes motifs, son père est interné pour trois ans à Mecheria dans le Sud oranais, à la prison Barberousse, réservée jadis aux esclaves chrétiens des corsaires ottomans. Laissés seuls sur leur exploitation agricole, son frère cadet (l’aîné étant mobilisé), sa mère et ses sœurs parviennent à s’en sortir grâce à la fidélité du personnel indigène.

En 1944, tandis que sa future épouse, Luce Farny, s’engage avec rang de lieutenant dans les Auxiliaires féminines de la 1ère armée du général de Lattre de Tassigny (où elle sera citée deux fois), Paul Merle des Isles est rappelé à l’école des AMM à la demande du chef de Corps, qui manque d’officiers arabisants.

De 1946 à 1949, sa carrière d’officier des AMM le conduit successivement à Khemisset (Maroc) comme commissaire du gouvernement de Mohamed V auprès des tribunaux coutumiers des tribus berbères « Zemmours » ; Khenifra, (Moyen Atlas) auprès des Berbères « Zaïan » ; Batna, comme officier au Centre de renseignements (2e bureau) du Sud Constantinois ; enfin Saint-Louis du Sénégal, comme chef de la section musulmane à la direction des Affaires politiques du gouvernement du Sénégal ; c’est là qu’il rencontre sa femme, secrétaire de direction d’un « comptoir » de la société bordelaise Peyrissac.

En avril 1949, il démissionne de l’armée, n’y trouvant pas d’âme. Il entame une carrière civile comme chef du personnel aux mines de phosphates du Kouif sur la frontière algéro-tunisienne (1951-1952) ; chef du personnel musulman aux mines de Zellidja (Boubeker) sur la frontière algéro-marocaine (1953-1955), où il se mêle aussi de « renseignement » avec l’aide d’un ancien militaire musulman bientôt égorgé et émasculé. Informé de la préparation d’un soulèvement en Oranie, il croit de son devoir de prévenir — en vain — les autorités. Le parti de l’indépendance marocaine demande sa tête. Marié, déjà père de quatre enfants, il est contraint de s’enfuir nocturnement par les pistes de montagne.

Début 1956, il débarque à Marseille par moins 17°, gagne Paris où il découvre la discrimination à l’embauche en raison de ses origines « pieds-noirs » : le secrétaire général de la Société d’Études de la Propulsion par Réaction lui offre un salaire dérisoire dans l’espoir qu’il refuse le poste de chef du personnel à pourvoir ; aux abois, le père de famille accepte néanmoins, en attendant le jour où le secrétaire finira par lui avouer : « Vous étiez le meilleur candidat potentiel, pourtant je ne voulais pas de vous comme collaborateur ». De toute façon, le dégoût de la capitale (et des grandes villes en général), la perte imminente de l’Algérie de son enfance, lui font déjà tourner les yeux vers d’autres grands espaces : Canada, Chili ou Australie. Mais la santé de sa femme, atteinte sans le savoir encore de tuberculose, lui interdira de partir s’y installer.

Cependant, la France vient de découvrir un immense gisement de gaz et de pétrole au Sahara. En 1957, Paul Merle des Isles devient chef du personnel adjoint de la Compagnie Française des Pétroles Algériens (CFPA), basée à Alger. Tandis que déjà sa maison familiale du Moulin est pillée par les fellaghas, et qu’à Alger se multiplient les manifestations pour l’Algérie française, il fait publier des déclarations incendiaires au nom des mouvements européens jugés trop frileux.

De 1958 à 1959, volontaire pour partir en plein Sahara à Hassi Messaoud, il est responsable en second de la base de « Maison Verte » où en quelques mois sont installés bureaux, aéroport, jardins, piscine, tennis, restaurants, bars, cinéma, tandis que les pipelines commencent à remplir les tankers du port de Bougie ; en 1959, un mémorable discours de dupe vaudra au ministre André Malraux les acclamations de trois cents manœuvres indigènes qui ne comprennent pas le français, recrutés par le chef du personnel pour les besoins de la claque —  et de la cause antigaulliste. C’est à cette époque que commencent probablement ses activités dans l’OAS, activités sur lesquelles nous manquons malheureusement de renseignements.

Sous la pression des « évènements », il retourne en France et, inscrit comme rapatrié agricole, achète à crédit une ferme de 50 hectares près d’Aire-sur-l’Adour, qu’il doit quitter lorsque sa femme entre au sanatorium. Il poursuit sans enthousiasme sa carrière de chef du personnel aux usines Bailly de Lyon, puis devient, à Châlons-sur-Saône, directeur d’un entrepôt frigorifique et responsable des transports frigorifiques (1967-1971) ; bon salaire, villa, voiture de fonction, billets en 1ère classe et autres repas fins lui font craindre de s’embourgeoiser, aussi décide-t-il, en 1971, d’émigrer en Argentine avec l’aide du Service International des Migrations Européennes (Genève).

L’Argentine — immensité, climat chaleureux, tempérament latin — marque son retour à la vie rurale qu’il a connue enfant en Algérie, et qui représente à ses yeux la meilleure des activités. Encore doit-il compter avec les alea du campo argentin, où la spéculation et les affaires véreuses lui font rechercher vainement, de 1971 à 1976, la propriété de ses rêves. Ses économies s’amenuisent, sans parler de ses perspectives de retraite assez préoccupantes, puisqu’il a quitté relativement jeune son emploi de cadre.

Entre 1977 et 1987, l’Argentine est donc mise entre parenthèses, pour racheter les indispensables « points ». Après un bref retour en Algérie, pour encadrer le personnel du barrage de Blida (1977), il part au Niger comme directeur des cités des mines d’uranium du Centre de l’Énergie Atomique d’Akokan (1978), puis en Iran pour la Société Générale d’Entreprise qui y construit une usine électrique (1983-1985).

En 1988, il peut enfin s’installer sur une propriété de 3000 hectares au Nord de Córdoba, où il élève des bovins de façon extensive et traditionnelle — le travail se faisant à cheval. Après la mort de son épouse (1993), il revend ce campo pour se rapprocher d’amis espagnols installés au Sud de la Pampa, et en rachète un autre, de 10 000 hectares, auquel il donne le nom doublement symbolique de Nuestra Señora de la Luz — par dévotion à la Vierge et en mémoire de sa femme, qui portait le prénom de Luce.

Quand ses forces lui interdisent d’en poursuivre l’exploitation, il le cède à ses amis et va s’installer plus près d’eux, sur une centaine d’hectares au bord du Rio Colorado. Jusqu’à la fin, il conserve un troupeau de chevaux à demi sauvages, et s’occupe à leur préparer de nouveaux pâturages dans un campo de 5000 hectares qu’il n’a pu se retenir d’acheter, au seuil quasi désertique de la Patagonie.  N’avait-il pas confié un jour à ses enfants : « Je rêve que je me suis retiré à Iférouane » — Iférouane, l’oasis de l’Aïr, à 600 km au sud de Tamanrasset. Dans les renseignements généalogiques qu’il avait commencé de rassembler sur sa famille, on peut lire, en regard de son propre nom : « Paul Merle des Isles, nomade ».

Paul Merle des Isles est décédé le 16 décembre 2013 à Rambouillet, lors d’un  voyage en France. La messe de funérailles a été célébrée par l’abbé Garcia Llorente-Gallardo le 19 décembre en la Chapelle Saint Hubert des Essarts-le-Roi en présence de Sixte Henri de Bourbon Parme. Il a été inhumé le 20 décembre au cimetière de Moulins sur Allier.

Monique Fradkine, dite Monique Difrane, (Madame Henri Yrissou)

Monique Fradkine est née en 1923. Très jeune, elle écrit des poèmes. Dans la nuit du 14 au 15 décembre 1940, le cercueil de l’Aiglon, le fils de Napoléon 1er, rendu par Hitler à la France est accueilli aux Invalides. Monique Fradkine, qui signe Monique Difrane, étudiante à Grenoble, écrit un poème appelant à la résistance.

Dès 1941, elle est en relation avec Aubanel, l’éditeur bien connu d’Avignon. En 1956, fiancée à Henri Yrissou, elle participe à sa campagne dans le Tarn pour les élections législatives du 2 janvier 1956 (première tentative d’Henri Yrissou, non couronnée de succès). Le mariage a lieu à Rome, le 14 février 1956, à Sainte Marie-Majeure, en présence du cardinal Tisserant.

Ses débuts littéraires sont encouragés par Albert Camus et Daniel-Rops. Poète classique et spiritualiste dans la lignée de Marie Noël (selon Pierre de Boisdeffre), elle publie en 1959 chez Gallimard un recueil de poésies préfacé par Daniel-Rops, Du Cyprès à l’Olivier, son œuvre poétique majeure.

Monique Yrissou décède le 30 janvier 2014, cinq années après son mari. La messe de funérailles est célébrée le 5 février 2014 en l’église Saint-Eugène Sainte-Cécile. Membre de la Société des Gens de Lettres, Monique Yrissou était aussi une adhérente convaincue de notre association. Ses interventions aux assemblées générales insufflaient aux participants un dynamisme et une foi sans équivalent.

Biographie du général Salan, de Pierre Pellissier

La biographie du Général Salan par Pierre Pellissier n’est pas la première mais restera comme la plus complète. Son auteur journaliste au Figaro et historien avait déjà écrit de nombreux livres dont certains consacrés à des personnalités (Pétain, de Lattre, Brasillach, Massu). Il était donc bien placé pour traiter de notre général d’autant qu’il a fait des recherches, rencontré des témoins, dont Dominique Salan, et largement puisé dans nos archives et notre bulletin. Je peux ajouter qu’il a fait une brillante guerre d’Algérie dans un régiment de tirailleurs. Quarante  années de commandement est le sous-titre du livre. On peut ajouter : et de combats, avec des interruptions. En témoigne la reproduction des dix-sept citations que le général a récoltées. Ces titres commencent à la fin de la guerre de 1914-18. Elles  constituaient un magnifique  placard épinglé sur sa poitrine.

De la première à la seconde guerre mondiale

Sorti de Saint-Cyr en 1918, il se bat à  SaintMihiel et au Mort-Homme. « Excellent chef de section remarqué par son entrain et sa bravoure ». Le général a demandé qu’après sa mort il y ait sur sa tombe « Soldat de la Grande Guerre » et le casque des poilus de 14. A peine sorti du conflit, le jeune lieutenant part servir en Syrie. Une Syrie dont la France a hérité mais où elle va se heurter à des tribus guerrières (Alaouites, Druzes, etc. qui la contestaient. En utilisant guérillas et embuscades.  En  1921,  à  la  tête  de  sa compagnie, le lieutenant Salan  tomba dans un guet-apens bien monté.  Ses hommes, des Sénégalais, exterminés ; lui, grièvement blessé au bras. Il en conservera des traces toute sa vie et s’en souviendra. Guéri, il demande sa mutation pour l’Indochine, « la perle de nos colonies ». Il va y servir plus comme colonisateur et administrateur qu’en guerrier et s’en éprit profondément (voir le chapitre : le chemin de l’exotisme). Dans cette  Indochine tranquille (encore que la révolte de Yen Bay en 1930 fut un avertissement), Salan se familiarise avec les tribus, leurs mœurs, leur langage. Il y écrit un manuel franco-laotien Quand il revint en France en 1937, il sera accompagné  de son fils Victor et sur le bateau fit la connaissance d’une dame, Lucienne Bouguin, qui devint son épouse après avoir divorcé. En France, c’est une autre guerre qui l’attend, celle du renseignement.  En effet, il est affecté au Service de renseignement impérial rattaché au Ministère des colonies dirigé par Georges Mandel  dont on connaît le destin tragique. Il sera même  envoyé en mission pour monter des maquis harcelant les troupes italiennes en Ethiopie. Le renseignement va le marquer à jamais. Sa fille Dominique l’a dit : « Il gardera toute sa vie l’habitude de ne rien laisser traîner, de parler peu, de ne rien laisser paraître ». Et son abord froid. Comme d’avoir fumé de l’opium et appartenu à la puissante francmaçonnerie coloniale. Il aura beau démentir..

1940-45  Salan de retour est tout de suite plongé dans la guerre contre l’Allemagne qui nous envahit, se bat bien, toujours à la tête de ses Sénégalais  et y gagne trois citations qui saluent « sa bravoure et son courage remarquables », « sa haute intelligence tactique », « a fait son devoir jusqu’au bout ». Il accepte l’armistice (qui sauve l’Afrique du Nord) mais ne rejoint pas de Gaulle à Londres. Il a des préventions à son égard, lui reproche Mers El Kebir et surtout son expédition contre Dakar et le conflit franco-français du Levant. A Vichy, Salan a rejoint le Deuxième Bureau. Il a de nombreux contacts avec des réseaux, notamment ceux du Colonel Groussard qui avait arrêté Laval et gagne ensuite Genève où il travaille pour les Anglais. Salan se sent menacé ; c’est pourquoi, il accepte d’être muté à Dakar, toujours dans le renseignement. C’est à Dakar qu’il reçoit la francisque (numéro 1480).  Pierre Pellissier n’a pas retrouvé ses « parrains ». Ils sont cités dans un annuaire de la Francisque publié dans un Crapouillot de mars 1972 sur le « Vrai Mitterrand ». Raoul Salan a été parrainé par l’amiral Platon (qui n’était pas encore collaborationniste mais le paya plus tard, exécuté par des FTP) et un certain Moedes (illustre inconnu). Le colonel Salan n’a pas tenu compte de la francisque et même l’a oubliée. En Afrique noire, il sert dans la légalité avec parfois des contacts avec des éléments gaullistes de la France Libre. Il écrit aussi un petit manuel de contre-guérilla. Après le débarquement  des Alliés en Afrique du Nord, il gagne  Alger où il se tient à l’écart des complots et intrigues mais dirige la publication Combattant 43. Il y aura des ennuis et rejoindra l’armée De Lattre en formation. A nouveau la guerre en Corse, à l’ile d’Elbe, puis en France. Débarquement en Provence, la vallée du Rhône, l’Alsace, le Rhin, l’Allemagne. De Lattre a besoin d’effectifs. Il accepte qu’ils viennent des maquis. Mais ceux-ci sont communistes. Il faut éviter qu’ils ne constituent une  armée dangereuse car politisée. Cela se fera grâce à « l’amalgame »  pratiqué par Salan; Salan n’a rien contre eux (son frère résistant et déporté est du Parti). Il dialogue avec eux et les considère comme des combattants. Il connaitra le « colonel » Fabien » (tué en manipulant une mine) et surtout André Malraux, résistant tardif à la tête de sa brigade Alsace-Lorraine. Salan en récoltera une réputation « de gauche ». Son épopée lui vaudra plusieurs citations saluant son « courage personnel ». Et en plus le  grade de Commandeur de la Légion d’Honneur.

Mulhouse, 10 février 1945. De gauche à droite : Général Béthouart, général X, général Bondis, général Salan, colonel Y

 L’Indochine recommencée

C’est la paix en Europe mais la guerre s’est allumée ailleurs. En Indochine.

Le parti communiste jouant du nationalisme  aux ordres d’un certain Ho Chi Minh  que Salan connait un peu car avant 1930 il avait lu son pamphlet  « Procès  de la colonisation française ». Le 28 juin 1945, Salan a été contacté par Leclerc pour l’aider à commander un corps expéditionnaire envoyé en Extrême Orient. Ce qui suit, la période 1945-47 est d’une complexité inouïe. L’Indochine de 45 n’est plus celle de 39. De Gaulle veut la reconquérir. Mais des erreurs sont commises. Dont celle, peu mentionnée par Pierre Pellissier, d’avoir considéré les européens pris au piège en 1940 d’avoir été des « vichystes ». Certains seront plus tard réhabilités. Les troupes envoyées sur le terrain sont aux prises avec des guérillas menées par les Viets d’Ho Chi Minh  et d’autres incontrôlés. De Gaulle commet l’erreur de séparer  les  commandements  militaire et civil. A la tête de ce dernier, son fidèle, l’amiral Thierry D’Argenlieu, qui tient la Cochinchine quand Leclerc domine le Tonkin au Nord. Finalement Leclerc qui ne reçoit pas de renforts partira et se fâchera avec de Gaulle l’accusant d’avoir bradé l’Indochine. Pour trouver un compromis, « l’oncle Ho » est invité à une conférence à Fontainebleau en 1946. Salan (en qui il a confiance) l’accompagnera  dans son voyage. Il aura avec lui des entretiens confiants. Mais ce sera un échec Et le 19 décembre 1946 il y aura à Hanoï un  massacre d’Européens (civils et soldats par les Viets gagnant ensuite les maquis. Guerre à outrance. Maquis. Salan conclut « Si Leclerc avait été le seul responsable de l’Indochine pendant la période 1945-46, nous sauvions l’Indochine, sous une forme différente de celle du passé, mais, nous la sauvions ».  Ensuite, le stade de la guérilla va être vite dépassé car, aidé par la Chine, Ho  a monté de véritables divisions, bien armées et très disciplinées. De plus, terrorisant les populations civiles. Salan dispose d’un réseau d’honorables correspondants civils bien renseignés  mais il comprend que la guerre va durer d’autant que les renforts demandés sont insuffisants, d’où des coups durs. D’ailleurs en France, l’Indochine ne passionne pas l’opinion. C’est une « sale guerre » pour les communistes et leurs alliés « progressistes ». Salan fait des va-et-vient Indochine-France.  Le général de Lattre,  qui prend en main l’Indochine fin 1950, lui a demandé de l’accompagner. Salan sera un  excellent second. De Lattre a réussi un exploit, sauver le delta (nourricier), obtenir  un soutien militaire des Américains, commencer à former une armée vietnamienne avec l’appui de l’empereur Bao Daï. Mais atteint par un cancer, désespéré par  la  mort de son fils au combat, il doit quitter l’Indochine pour mourir à Paris. Auparavant il a nommé  le général Salan  « commandant en chef par intérim des forces terrestres, navales et aériennes ». Salan contre le Vietminh utilise la stratégie des « hérissons », des bases militaires bien choisies  sur lesquelles le Vietminh se casse les dents et a des pertes.

  Mais il faut les évacuer au bon moment. Ce sont des victoires  momentanées et non des défaites comme il en sera accusé. Il gagne, notamment à Nghia Lo, et à Na San. Salan soupçonne le Vietminh de préparer une offensive sur le Laos. Exaspéré par une presse qui accumule les fuites dont profite le Vietminh, il rompt avec elle, ce qui lui attirera son animosité. Finalement, fatigué, ayant largement dépassé son temps, il sera remplacé en mai 1953 par le général Navarre qui ne connait rien à l’Indochine, a choisi, pour arrêter les Viets sur le chemin du Laos, la cuvette de Dien Bien Phu. Une position éloignée et ouverte. Salan ne l’aurait jamais fait. En France, Salan a compris que le régime veut lâcher après une victoire. D’où le siège de Dien Bien Phu et une terrible défaite. La presse défaitiste  pourrit l’opinion. Exemple L’Express qui publie des rapports secrets mais  mal intentionnés. Le coupable : le général Salan, traité de « défaitiste » » Un journaliste bien placé Jean Planchais, spécialiste militaire du Monde, a témoigné lors d’un colloque (tardif) «  Les Militaires en République, 1870-1962 » (Publications de la Sorbonne) que Salan n’a jamais été l’informateur du journal  qui n’a jamais été découvert. Il y aura les accords de Genève, le partage du Vietnam entre le Nord au Vietminh et le Sud à des nationalistes vietnamiens antifrançais et proaméricains.  Salan accompagnera le Général Ely dans une dernière  mission où il doit accueillir et traiter les milliers  de prisonniers français captifs des Viets après Dien Bien Phu. Dans  des  camps de la mort  qui sur le plan du bilan ont été comparés à certains camps nazis. Leurs compagnons vietnamiens ont été eux exterminés. Le cœur lourd, Salan baissera le drapeau. Il dit : «Les premiers symptômes de l’abandon de notre empire viennent de  se manifester »  De bonnes âmes dans l’armée comme dans le civil le traiteront de « bradeur ».

Salan Commandant  en chef en Algérie

Le général Salan est nommé fin 1956 commandant en chef en Algérie. A la surprise générale. Il remplace le général Lorillot. La situation que ce dernier laissait  aurait mérité d’être précisée. Elle n’était pas brillante.  Il avait  obtenu des renforts mais dans les débuts du conflit il faut savoir qu’il a fallu « quadriller » le territoire (très vaste) et qu’une  partie des effectifs n’est pas composée de troupes opérationnelles. Du coup, la rébellion a gangrené le pays  avec ses katibas et surtout l’OPA (Organisation  politico-administrative) qui tient la population par la terreur. Pour Salan, cela évoque l’Indochine. A nouveau, le renseignement est utilisé et l’action psychologique. De plus les frontières du Maroc et de la Tunisie sont ouvertes. Quand Salan arrive à Alger  avec sa femme et sa fille, le climat est malsain pour lui. Une campagne de démoralisation a été lancée contre lui par des groupes ultra. On en connait les thèmes (le bradeur, etc.) ; Salan a voulu l’ignorer mais le 16 janvier à son PC en plein Alger, il échappe à un attentat. C’est le coup du bazooka. Il a été monté contre lui par un groupe contre-terroriste. Parmi eux,  il y a un personnage trouble, le docteur Kovacs. Et en arrière-plan, il y a eu en métropole  un complot  politique activé par des sympathisants gaullistes. Salan éliminé aurait été remplacé par Cogny. Un coup d’état aurait suivi. Possible. Il y eut une enquête, des arrestations. Le dossier est envoyé à Paris. Il y aura à la fin de l’été 1958 (de Gaulle au pouvoir) un procès scandaleux. Le docteur Kovacs a été jugé et même condamné à mort mais mal surveillé ( ?), il s’est enfui et a gagné l’Espagne où il vivra tranquillement. Salan a eu beau protesté.  Fin 1961, Salan à la tête de l’OAS lancera une grave accusation  contre Michel Debré (premier ministre) pour sa responsabilité dans l’affaire. Au procès Salan, le bazooka sera évoqué. Mitterrand témoignera que, pour lui,  les gens  qui s’acharnent contre Salan sont les mêmes qui ont voulu l’éliminer à Alger en 1957. Il semble que ce rappel ait troublé certains juges d’où  les circonstances atténuantes reconnues  à Salan et qui l’ont sauvé. Retour en Algérie. En 1957, c’est la bataille d’Alger livrée par les paras. La  première défaite du FLN voulant mettre  Alger à feu et à sang. Salan  a lancé  des instructions nettes : Sortez la nuit, évitez les embuscades, démantelez l’OPA. Il s’est inquiété  des frontières qui seront peu à peu bouclées. Par des barrages efficaces qui nécessitent des régiments spécialisés. Surtout du côté tunisien… Car avec la complicité de Bourguiba, des bases FLN se sont installées  sur son territoire. Il  fut même prévu une opération militaire partie d’Algérie pour les attaquer. Salan va profiter d’un incident pour lancer notre aviation sur le village tunisien de Sakiet Sidi Youcef, base FLN camouflée. Mais Bourguiba ayant lancé un appel au secours, il y aura une crise diplomatique qui aggrave le conflit algérien. Salan est un officier républicain, loyal. Il s’entend bien avec Robert Lacoste, représentant du gouvernement… Ainsi il interdit  à Alger une manifestation activiste contre la loi-cadre changeant le statut de l’Algérie. En France et en Algérie la crise s’aggrave. Le régime est en cause. L’explosion se produit à Alger le 13 mai avec la prise du GG et l’apparition des comités de salut public. Mais le 15 Salan prend la situation en mains avec un appel au général de Gaulle. Il est faux de dire qu’il ait été contraint sous la menace d’un revolver. Encore une désinformation imbécile. Salan a d’ailleurs reçu de Paris les pleins pouvoirs.  Il appuiera sans réserve le mouvement lancé au nom de l’Algérie Française. En écartant des personnalités compromettantes. Il enverra des émissaires au général de Gaulle pour l’appuyer si la situation devient dramatique. C’est l’Opération Résurrection  en métropole, un véritable coup d’état militaire, mais Salan est resté prudent. Finalement l’arrivée au pouvoir de De Gaulle sera légale.

Salan délégué général Algérie

On connaît la suite ; le voyage triomphal du général de Gaulle en Algérie. Avec le « Je vous ai compris » et le « Vive l’Algérie Française » à Mostaganem. De Gaulle nomme le général Salan Délégué Général du gouvernement. Il est chargé de faire le reste, c’est-à-dire à l’automne le référendum et les élections législatives qui confirment le changement de régime. Salan quittera l’Algérie fin décembre 1958. Mais il est dommage que n’ait pas été précisé ce qui s’est passé dans les coulisses. Raconté dans l’ouvrage de Jacques Valette « La fin de l’illusion »[1]. L’agitation en France et en Algérie ne s’est pas calmée immédiatement après le voyage gaulliste. Des militaires et des civils estiment  que le 13 mai a été trahi. Le général de Gaulle ne s’engage pas vraiment sur l’intégration. Salan calme l’agitation. Mais en juin 1958 il a envoyé en Métropole une mission d’information discrète et restée secrète, révélée par ses archives… Salan voulait connaître le climat politique en métropole. Mais la mission a été éventée et Salan a dû rappeler ses envoyés spéciaux. De Gaulle a refusé les renforts que lui demandait Salan pour réaliser la pacification totale. Car si le FLN n’a pu empêcher la fraternisation franco-musulmane  suivant le 13 mai, dans le bled et aux frontières il y a des combats et l’OPA n’a pas disparu. Même si elle n’a pu empêcher les opérations électorales qui sont un succès total. Le général Gaulle a félicité Salan mais celui-ci a été déçu par l’attitude modérée  du général de Gaulle envers Bourguiba. Il retire même les troupes françaises de Tunisie. Il y avait encore beaucoup à faire, notamment l’application du Plan de Constantine. Le général de Gaulle ayant  rétabli la  dualité des pouvoirs, Salan sera remplacé par le général Challe, les pouvoirs  civils passant à un inconnu technocrate Paul Delouvrier. Salan va quitter l’Algérie un peu dans l’indifférence. Il promet de revenir, ayant acheté une villa à Alger où il installera plus tard sa femme et Dominique. De Gaulle le couvre de fleurs, lui témoigne son estime mais lui donne des fonctions secondaires. Peu à peu Salan perdra sa confiance en de Gaulle. Il suit attentivement la situation en Algérie et dispose en France d’une organisation d’anciens d’Indochine, l’Association des Combattants de l’Union Française (ACUF) dont le secrétariat général est assuré par le fidèle Yves Gignac, son homme de l’ombre. L’ambiguïté  gaulliste disparaît le 16 septembre 1959 quand de Gaulle révèle son programme pour l’Algérie,  programme qui sera proposé aux Français bientôt. C’est « l’autodétermination » avec trois options, la francisation (l’ex-intégration),  l’indépendance (c’est à dire le chaos, la misère, le régime communiste) et l’association France-Algérie, qui a sa préférence et qui ouvre la voie à l’indépendance. En Algérie les réactions sont explosives Les résistances s’organisent. Une explosion se prépare. Elle se produira le 24 janvier 1960 où  il y aura un choc meurtrier entre gendarmes mobiles et les unités territoriales armées. S’ensuivra une crise dont De Gaulle, mobilisant l’opinion en France, sortira vainqueur et en profitera pour une épuration des civils et de l’armée. Salan a tout suivi et prend de plus en plus parti contre cette politique. A la fin de l’année, il y a des procès qui démontrent le trouble de l’opinion. Celui des réseaux des collaborateurs du FLN aux ordres de Francis (et non Henri) Jeanson qui indigne le général Salan et son association. Et le procès des Barricades, indulgent pour les accusés. Mais Salan n’a pas attendu le  verdict. Interdit  de retour en Algérie, craignant d’être arrêté il est passé en Espagne où il va s’installer. C’est le début – mais il ne le sait pas encore – du « glissement vers l’illégalité ».

La lutte finale

 En Espagne, son hospitalité est garantie mais elle a des limites. Le Général va attendre les événements. Mi-décembre 1960, De Gaulle est de retour en Algérie. Son  dernier voyage qui évite les grandes villes et sera accompagné de violents incidents. De la part des activistes qui paralysent les services d’ordre. Mais pas plus, faute d’une intervention de l’armée. Et dans la rue, la poussée d’éléments FLN, peut-être manipulés par certains services. Ilse produit des manifestations durement réprimées. Désormais, De Gaulle a les mains libres pour négocier avec le FLN. En France une conspiration militaire se prépare pour l’en empêcher. Elle cherche un chef. Massu refuse. Salan est au courant mais pas contacté et cherche un moyen de quitter l’Espagne par avion. Finalement c’est Challe qui accepte. Challe a été légaliste mais il ne pardonne pas à de Gaulle l’échec de l’opération Tilsit (Si Salah). C’est-à-dire le ralliement de certains chefs de la Wilaya IV et peut-être de la Willaya III. Ce fut un échec. Une tentative qui a  inspiré Michel Déon dans ses «  Poneys sauvages ». Les polémiques  durent  encore. A Madrid le général a été rejoint par Pierre Lagaillarde et Jean Jacques Susini. Les deux hommes ont décidé de lancer une organisation  secrète, l’OAS. Le sigle fera fureur sur les murs d’Alger. Finalement cela aboutira à un « putsch » plutôt un pronunciamiento. Fort du ralliement annoncé de régiments derrière leurs chefs, l’affaire se déclenche le 22 avril. Salan, in extremis, la rejoindra par avion. Alger est prise mais les civils sont tenus à l’écart par précaution. Une erreur. Et très vite c’est l’enlisement. Les putschistes ne voulaient pas renverser de Gaulle  mais créer un pouvoir qui briserait ce qui restait de la rébellion. Impossible  devant l’immobilisme des chefs militaires. Et en France le général de Gaulle profite de l’indignation de l’opinion de plus en plus

fatiguée de la guerre et désireuse d’en finir. L’affaire s’effondre et le général Challe, suivi quelques jours plus tard par le général Zeller, décide de se rendre. Quand Jouhaud et Salan  passent à la clandestinité. Ce sont désormais des rebelles et leur combat va durer jusqu’en mai-juin 62. Pierre Pellissier en traite honnêtement.  Il n’en donne pas une image d’Epinal parfois cultivée par certains nostalgiques. Les chefs OAS sont traqués. La répression est dure. Toutes les forces policières et même militaires (avec des réticences) sont lancées contre eux. Il y aura des échecs, des erreurs, des divisions, parfois des succès. Les véritables combattants ne sont pas nombreux. Susini a donné des chiffres : « deux mille militants, cent combattants, finalement regroupés au bout de douze semaines s’élèveront à trois mille militants et un millier de combattants lors de notre apogée. Jamais ces chiffres ne seront dépassés ». Si en Algérie l’organisation pouvait compter sur la population, il n’en sera de même en métropole  à cause en partie des « plasticages » que Salan dénonçait. Il y aura aussi une crise intérieure dans l’Organisation qui sanctionnera par la mort des chefs imprudents ou manipulés. La « résistance », terme très utilisé par l’OAS s’effondrera après  le blocus impitoyable de Bab El Oued, la fusillade par l’armée de la population européenne à Alger le 26 mars 1962, et le fiasco de l’opération Maquis dans l’Ouarsenis. D’ailleurs l’exode massif  de la population européenne a commencé, Elle n’a plus confiance pour sa sécurité prétendument garantie par les « accords d’Evian »  qui n’ont empêché ni la spoliation des biens, ni l’enlèvement de milliers d’Européens et plus tard le massacre des harkis. Susini a essayé une dernière  carte. Celle de négocier avec le GPRA (l’exécutif algérien) une transition tranquille. Mais le GPRA est lui-même divisé. Les durs comme Boumediene, chef militaire, l’emportent sur les « modérés ». A noter que de leurs prisons Jouhaud et Salan ont approuvé cette tentative et conseillé aux Pieds Noirs d’accepter la paix. Jouhaud est le premier à être jugé et condamné  mort. Le Général Salan a droit à un procès qui a porté devant l’opinion bien des aspects troubles du conflit. Comme le bazooka. Salan a échappé au sort fatal qui lui était promis. Et Jouhaud de même. A la suite de très hautes pressions qui ont empêché  le scandale de son exécution. Mais des centaines de prisonniers de tous âges, vont être enfermés pendant des années. Après 1965 il y aura des « grâces » mais Jouhaud et Salan à Tulle ne seront  libérés qu’en 1968. La  véritable amnistie  sera celle du président Mitterrand en 1983 qui a eu le courage de l’imposer  à ses partisans.

 Rendu à la liberté, le général Salan écrira ses Mémoires.  En quatre volumes mais le cinquième – sur la période 1961-62 – manquera. Le général n’avait pas assez de documents et ne voulait pas raviver des blessures qui ne se fermeront jamais. Le  général est mort au Val de Grâce en 1984 (et non 1974, erreur  involontaire du livre) Le gouvernement aurait voulu pour lui des honneurs officiels. Sa famille refusa. Il est inhumé dans le  cimetière de Vichy  où chaque année, le 10 juin, hommage lui est rendu. Le livre de Pierre Pellissier en est un autre, désormais indispensable. 

Jean-Paul Angelelli

Salan. Quarante années de commandement

600 p., 26 €, cartes, cahier de photos, annexes, index.   Perrin 2014

Pierre Pellissier lors de l’émission « Historiquement show » diffusée sur la chaîne Histoire

Journal d’un prisonnier, du général André Zeller

Ce prisonnier c’est le général André Zeller. Il s’est mis à la disposition de l’autorité militaire dix jours après l’échec du putsch, a été condamné à 15 ans de détention criminelle qu’il a effectuée  jusqu’au 13 juillet 1966, principalement à la prison de Tulle. Pendant son emprisonnement, le général a écrit des notes quotidiennes, un témoignage extraordinaire. Retrouvé après sa mort (en 1979) par hasard, d’après Bernard Zeller, quelque part dans la propriété de Menetou-Salon (Cher). Un éditeur le publie. Il est à votre disposition.

Le livre est précédé d’une introduction  de 40 pages signée par un grand universitaire, Serge Berstein, enseignant à Science Po, spécialiste entre autres de la Troisième République et en particulier du parti radical (sa tendance politique). Il retrace la biographie du général en l’accompagnant de commentaires sur l’ouvrage Aucun sectarisme.

Un jugement mesuré. Pour Serge Berstein, « Ce journal de captivité nous présente l’autoportrait d’un de ces vaincus du processus de sortie de la crise algérienne… assez différent de l’image stéréotypée du militaire  aux vues « expéditives et limitées » qu’en a conservé l’histoire ». Tout est dit sobrement. Le livre est une somme de six cent pages en six chapitres (un par an) ; Il est annoté par Bernard Zeller qui  situe  hommes et événements dans leur contexte .Ce qui éclaire et facilite la lecture. Vous en jugerez.

Situons d’abord l’environnement. Tulle est une prison moderne. Mais située (et c’est sans doute voulu) à l’écart des grands axes de communication.. Les visites sont, en priorité autorisées directement pour les familles proches (épouse, enfants), ce qui a beaucoup compté pour le général. Les prisonniers (15 au début) disposent de deux cellules  chacun. Le général reconnait que le régime était « libéral » mais ce n’est pas un « trois étoiles ». La surveillance externe est très stricte. Il fut même aménagé (en détruisant des arbres) un glacis surplombant la prison tenu par des gendarmes mobiles (pour un tir à vue ?) A l’intérieur, d’après le général, les surveillants et le directeur de la  prison sont corrects. La cuisine est faite par des droits communs attirant  la sympathie des prisonniers et réciproquement. Les repas sont pris en commun et ils bénéficient collectivement d’un téléviseur qui leur permettra de suivre l’actualité  mais il y a un point qui soulevait la colère du général : les lettres  sont ouvertes au départ et à l’arrivée. Et sans doute envoyées en haut lieu. Conséquence. Tout le monde n’a pas eu le courage d’envoyer des missives… La solidarité entre les condamnés est remarquable. C’est une amitié sans failles (1964, p. 287-290)[1] .Pour le général Zeller c’est même là qu’il a compris  la véritable amitié. Au-delà des salamalecs ordinaires (« Mon cher ami ».. etc.).

Passons maintenant au contenu du livre. C’est copieux. Le général  s’intéresse à tout, la politique, l’économie, la religion, l’actualité. Il lit beaucoup de journaux, revues, livres. Il commente le calendrier, les dates historiques (14 juillet, etc.) et tous les anniversaires qu’il a des raisons de bien connaître, coïncidant avec sa vie. Par exemple, la guerre de 14-18, très jeune, avec ses débuts dans l’artillerie  du côté de Verdun (voir l’annexe 1), le débarquement d’août 1944, le 13 mai, le putsch. Il y revient souvent. Il raconte en détail. Sévèrement pour ceux qui ont failli. En annexe 2 on trouve un document intéressant sur l’attitude des généraux d’Algérie pendant  les événements. Rédigée à chaud en 61. 

Ailleurs, dans cet ensemble, il faut dégager quelques pistes. Pas inédites. Serge Berstein nous a précédés. La cible privilégiée  est tout au long du livre le chef de l’Etat, le général de Gaulle. On s’y attendait mais au-delà du ressentiment et des invectives, l’auteur se livre à de sévères critiques  sur sa personnalité et ses apparences : « On est en face d’un anormal, probablement d’un malade » (61, p.85).  De Gaulle à Mexico : « Hurlant en espagnol, gesticulant, un dictateur, un énorme mannequin » (64, p.282). Il y a pléthore mais c’est un autre ton pour la critique systématique et souvent technique de la force de frappe d’autant que le général Zeller redoute une guerre nucléaire qui détruira la France et, au-delà, la planète si l’arme nucléaire essaime dans le monde, à l’exemple de la France. Le général croit à une Europe fédérale pourvue d’une supranationalité qui supprimerait les frontières (62, p.151). Il estime périmée la notion d’indépendance nationale. Il faut  remettre  ces propos dans leur contexte. Dans les années 60-70, en France, tous les partis d’opposition à de Gaulle (des communistes aux centristes en passant par les socialistes) auraient approuvé le général… 

Autre sujet sensible, le général Zeller et ses compagnons sont sensibles à leur possible libération. Mais pas à n’importe quel prix. Il y eut en 1963 une manifestation nationale de « réconciliation » organisée par le colonel  Rémy dans la cathédrale de Chartres. André Zeller s’en entretient avec l’évêque de Tulle qui manifestement le sonde. Il est  question de pardon. Le général réagit. Il y a deux pardons celui du pouvoir  et celui des condamnés. Pour Zeller, « Le seul pardon devait émaner des soldats, des prisonniers, des algériens meurtris, abandonnés, trompés » (63, p.257). Et si De Gaulle était chassé du pouvoir à la suite d’un échec électoral ? Les condamnés (Zeller en tête ont suivi à la télévision la campagne électorale de 1965. Zeller analyse finement les candidats de l’opposition (il n’y a pas de communistes). Tous évoquent l’amnistie. Il les dépeint avec un avis favorable pour Mitterrand. Pour lui le plus efficace dans ses attaques contre le chef de l’Etat… André Zeller se risque à un pronostic avant le deuxième tour où il prévoit son échec : «  Les « honnêtes gens » hésitent  à voter Mitterrand. Crainte  de « front populaire », un mythe périmé. Un Mitterrand au pouvoir serait, avant tout, de Gaulle basculé. Ensuite on verrait..» (65, p. 490). Même si le pouvoir en 1966 commence à libérer des prisonniers (ceux condamnés en dessous de 10 ans), l’amnistie est très discutée en 1966 à propos d’un projet soutenu et voté par les députés gaullistes (UNR) avec le soutien des communistes. Une loi qui à l’issue d’un long aller-retour (Assemblée-Sénat) autorise le chef de l’Etat à accorder « une grâce amnistiante ». Ce n’est pas une véritable amnistie. Les chefs du « putsch » l’ont compris. Pour Zeller, nous voici donc remis entre les mains de Charles de Gaulle, super-geôlier. A Foyer, ministre de la Justice, les clefs de notre Bastille (66, p.544). Il  faudra donc attendre.

Relevons un peu au hasard des jugements  Le salut à Bastien-Thiry fusillé. Il a « connu ce garçon, droit, honnête,  courageux.. En cherchant à mettre  hors  d’état  de nuire de Gaulle, il a voulu servir son pays. Il n’était pas non plus un exalté. Il avait fait le sacrifice de sa vie. Et Dieu l’accueillera » (63, p. 220).

Un salut au général Salan. Il a mis en balance sa personnalité, ses biens, sa famille. Salan est un homme. Il s’est engagé progressivement poussé par  les circonstances (62, p.175). Le général a admiré  Hélie de Saint-Marc respecté par tout le monde et même des droit-cos dont il s’occupait.

Le général André Zeller, à son domicile du 125 Bld de Grenelle, à Paris à la fin des années 1970

Le général a un jardin secret : des recherches historiques sur  la Commune et les Communards qui ont sa sympathie. Ceci donnera plus tard un livre  « Les hommes de la Commune ». Qui lui attireront la sympathie d’un historien communiste, Maurice Choury. En tête une figure étonnante. Louis Rossel. Un officier de carrière qui rejoignit la Commune pour reprendre la guerre contre les Prussiens. Mais il échoua devant le désordre communard. Arrêté par les Versaillais, condamné à mort et fusillé. (62, p.206 et 66, p.498) Le général vitupère « la masse inerte des profiteurs, des généraux combinards, des états-majors incrédules ». Il compare Rossel à La Bédoyére et à Bastien-Thiry : « Leur sacrifice brille comme une flamme dans la nuit des abandons » (66, p.498).

Autre personnalité historique qui n’a pas cessé de peser sur la mémoire nationale. Celle du Maréchal Pétain ; Pétain, le général Zeller l’analyse longuement en deux fois (64 et 66) à partir de ses souvenirs de la période 40-45. Dans les deux cas, très longuement et sincèrement. Il faut résumer. Le général Zeller rend hommage au maréchal pour l’armistice de 1940, pour préserver les Français « des pires maux dans leur pays occupé par les Allemands.. » mais ensuite, le ton change : « Je crois que sa vieillesse, son usure, peut-être un certain attachement sénile au pouvoir l’ont entraîné, à partir de 1942, dans des voies funestes. Peut-être en s’accrochant au pouvoir a-t-il  préservé du pire la France occupée ? Mais il y avait une limite, un point critique ne pas dépasser. »  Il conclut « Il les a franchis et sa mémoire restera ternie non point tant par ce qu’il a fait mais par ce qu’il a laissé faire » (p.547-548). A noter qu’il stigmatise le refus de de Gaulle d’enterrer le Maréchal à Douaumont et souligne la responsabilité gaulliste  dans l’épuration (qu’il réprouve) de la Libération.

Dans le  texte de 1964, il y a, à notre avis, une erreur. Il refusait la comparaison entre les hommes de l’Algérie Française et les réprouvés d’après 1945 et il s’en prenait à trois journaux Rivarol, à La Nation Française et à Aspects de la France (p.330). Outre qu’il y avait de fortes différences dans leur attitude vis à vis de l’Occupation, Rivarol étant le plus ultra, ces journaux, isolés, avaient payé cher (par des procès et des saisies) leur combat pour l’Algérie Française. A l’époque, cela seul comptait. L’Algérie avait remplacé les « années sombres ». Il reste à dire sur l’opinion du général, catholique fervent, concernant des glissements religieux. Michel  de Saint-Pierre lui avait envoyé son livre, « Les nouveaux prêtres ». Le général le félicite et va dans son sens : « La vie des âmes n’est pas leur souci principal ; ils espèrent adapter leurs efforts – certes désintéressés et probes – au courant qui entraîne le monde vers le progrès et le bien matériel. Aussi suivent-ils, en connaissance  de cause, un chemin parallèle à celui du marxisme ».(64, p.337).

Pour conclure, je regrette d’avoir oublié ou négligé bien d’autres réflexions, opinions, critiques  du général. Les lecteurs les découvriront. Mais sans tomber dans une  hagiographie, je crois que nous avons là, en suivant le général, l’un des plus grands livres écrit par un témoin capital. Libéré en juillet 1966, décédé à Paris en septembre 1979, les obsèques du général furent célébrées à Menetou-Salon au milieu des siens qui l’avaient constamment soutenu dans ses épreuves et de ses nombreux amis. C’est le Commandant de Saint-Marc qui prononça son éloge funèbre. C’est lui qui avait conseillé à Bernard Zeller en 2012 de publier le livre. Comme il avait raison !

Jean-Paul Angelelli

605 p., notes, index, 25,50 €, Editions Tallandier, 2014.


 [1} Jacques Valette, Salan Délégué général en Algérie,  Esprit du livre, 105 p. , 15euros.

 J’ai précisé les citations en donnant d’abord l’année  où elles furent écrites suivies d’extraits courts du texte. »

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