BULLETIN 32 – 1ER TRIMESTRE 2012

BULLETIN 32 – 1ER TRIMESTRE 2012

SOMMAIRE :

15 Ouvrages sur l’OAS analysés par Jean-Paul Angelelli

Un Silence d’Etat, de Jean-Jacques Jord

  • Lettre du général Salan, chef de l’OAS, au directeur du Monde, en septembre 1961
  • Notes et correspondances du général Salan internes à l’OAS
  • 26 Janvier 1962, Time Magazine censuré en France

Ouvrages sur L’O.A.S.

L’historiographie de l’O.A.S. est encore incomplète. Plusieurs raisons à cela : il s’agit d’un mouvement clandestin, principalement actif en Algérie et qui a été finalement vaincu. Les archives sont donc rares du côté de l’organisation ; elles sont conséquentes du côté du gouvernement et du système judiciaire de l’époque, sous l’angle nécessairement déformant de la répression, mais commencent tout juste à être partiellement communicables. 

Conséquence de son échec et l’histoire étant écrite, au moins pendant un temps, par les vainqueurs, les raisons de la naissance et du développement de l’O.A.S. sont souvent occultées, ses buts et son action sont très fréquemment présentés de façon uniquement négative. 

De plus, l’Université et la grosse presse ayant été dominées très longtemps et étant toujours dominées par des personnalités en général favorables à un degré plus ou moins marqué au nationalisme algérien et au F.L.N., il  a été et il est toujours difficile à un historien honnête de publier une étude objective sur l’O.A.S., au risque d’être taxé de fasciste ou de nostalgique de la colonisation avec les conséquences personnelles que peuvent comporter ces qualificatifs. 

Enfin, l’O.A.S., comme tout mouvement de résistance, a connu des divisions, plus ou moins marquées : l’O.A.S. d’Alger n’était pas celle d’Oran, ni celle de Constantine ; l’O.A.S. d’Espagne n’était pas celle de la métropole, elle-même parcourue de courants divers ou même concurrents. Le général Salan, jusqu’à son arrestation, a été le symbole de l’unité de l’O.A.S., reconnu par la très grande majorité de ceux qui s’étaient engagés dans ce dernier combat pour l’Algérie française. 

Il est donc ardu d’écrire une histoire exhaustive de l’O.A.S.. Cette histoire générale et complète de l’O.A.S., qui n’existe pas aujourd’hui, aurait en tout état de cause à s’intéresser à toutes ses composantes.  

 Jean-Paul Angelelli et Bernard Zeller ont sélectionné et analysé une quinzaine d’ouvrages historiques ou à contenu historique spécifiquement consacrés à l’O.A.S. Ils peuvent se classer en quatre catégories :

  • les ouvrages écrits par des acteurs, dirigeants centraux ou régionaux de l’O.A.S., ou par des témoins proches,
  • les ouvrages écrits par des journalistes plus ou moins historiens ou par des historiens plus ou moins journalistes,
  • les ouvrages écrits par des adversaires actifs de l’organisation clandestine.
  • les ouvrages écrits par des historiens,

Les ouvrages des trois premières catégories sont assez nombreux ; ceux de la quatrième beaucoup moins. Ce sont ceux qui s’approchent le plus de cette histoire générale de l’O.A.S. qu’il faudra écrire un jour.  

Outre les livres présentés ici, il en existe de nombreux où il est question de l’O.A.S., en particulier écrits par des membres de l’organisation (Colonel Argoud, Armand Belvisi, Gilles Buscia, Jean Ferrandi, général Jouhaud, Rémy Madaoui, Jean-Claude Perez…), de responsables politiques et militaires ayant combattu l’O.A.S. (Jean Morin, Vitalis Cros, général Ailleret, général Katz) et aussi de policiers ayant lutté contre l’O.A.S. (Jacques Delarue). 

Un peu à part, les comptes-rendus sténographiques des procès du général Salan, du général Jouhaud, du capitaine Curutchet et de l’ingénieur en chef de l’Air Bastien-Thiry sont autant de sources précieuses d’informations sur l’O.A.S. qui ne sont pas analysées ici. 

Note : nombre de ces ouvrages sont épuisés. Il est généralement possible de se les procurer via les sites Internet spécialisés.

2008, 155p.,   20€ port compris. A commander à Mme Claude Cognet-Biesse, Le Corbet, Impasse du Chena, 74540 Grussy

L’ouvrage de Roger Biesse comble une lacune dans l’histoire de l’Algérie française et de l’O.A.S. : celle de Constantine et du Constantinois, spécialement à partir de la révolte des généraux Challe, Jouhaud, Salan et Zeller d’avril 1961. Roger Biesse, disposant pourtant de la situation stable de contrôleur financier à Constantine, n’hésite pas à rejoindre l’O.A.S. qui le désigne  comme responsable (sous l’autorité du colonel Gardes) de l’Organisation des Masses dans la région. Avec le lieutenant Michel Alibert, puis en février 1962 avec le colonel Château-

Jobert, et avec quelques autres dont Pauc et Garceau, ils seront l’OAS dans le Constantinois, travaillant en particulier au ralliement à l’OAS d’unités stationnées dans la région, ceci jusqu’à l’apocalypse finale de juin 1962. Un témoignage clair et sans emphase pour comprendre la nature et les ressorts de la résistance française dans le Constantinois et plus généralement en Algérie. 

Olivier Dard, Voyage au cœur de l’OAS,  Perrin, 2005, 423 p. 22,50 €

Olivier Dard, universitaire à Metz, est spécialiste notamment des  mouvements de la droite nationale. Ce livre est remarquable par sa richesse documentaire (index, bibliographie, notes),d’autant qu’Olivier Dard a bénéficié des archives de Jean-Jacques Susini. Personnage  controversé. Mais l’une des meilleures têtes du mouvement… L’OAS est suivie minutieusement. Il y a sa « préhistoire », sa mise en place difficile, sa montée en régime, ses turbulences, son effondrement et même un certain  héritage de 1962 à nos jours. Style clair, ton serein. Olivier Dard refuse les règlements de comptes et les jugements faciles a posteriori. Dans sa conclusion, il démontre que l’échec était inévitable pour l’OAS. Pas ou peu  de soutien en métropole (sauf à l’extrême droite) ; sur place elle est prise entre deux feux : l’état et le FLN. Une stratégie discutable entre l’utopique réédition du 13 mai jusqu’à l’utopie d’une sécession, l’armée restant (sauf exceptions) légaliste. Sans négliger les luttes  internes  entre civils et militaires de l’Organisation. Le livre d’Olivier Dard doit être conseillé en priorité à   ceux voulant  s’instruire sur ce qui reste un drame national sur lequel il y a encore à dire.. Comparaison n’est pas raison mais l’OAS n’a-t-elle pas été  il y a cinquante ans une sorte de Commune algérienne ?

Arnaud Déroulède, OAS  Etude d’une organisation clandestine, Editions Jean Curutchet, 1997, 350 p.

 C’est un livre tiré d’une thèse de doctorat en Sorbonne ayant nécessité six ans de recherche. L’auteur, Arnaud Déroulède, a eu accès à des archives conservées par des membres de l’O.A.S.. Il a recueilli des témoignages de nombreuses personnalités engagées d’un côté ou de l’autre. Il étudie l’organisation clandestine en suivant la chronologie (la naissance de l’O.A.S., ses moyens,  son action, la lutte anti-O.A.S.). A propos de ce dernier chapitre, il met en cause les différents aspects de la répression anti-OAS et la collusion entre les organismes officiels et des milieux clandestins.  On mesure la différence avec ce que fut la propagande anti-OAS des années 60. Arnaud Déroulède  voit dans l’OAS une « révolte ethnique, militaire, politique » et refuse l’image « caricaturale » d’un complot pour renverser l’Etat. Pour tout dire, un livre lucide d’une  honnêteté remarquable. 

Pierre Descaves, Une autre histoire de l’OAS, Atelier Fol’fer, 2007, 212 p. , 20 €

Lecteur qui recherchez un regard froid et dépassionné sur l’histoire de l’O.A.S., ce livre n’est pas pour vous ! L’auteur qui a fait partie de l’O.A.S. en métropole garde, cinquante ans après les événements, toute la fougue et la passion de sa jeunesse. Après avoir entendu tant de contre-vérités sur la défense et les défenseurs de l’Algérie française, Pierre Descaves a décidé d’écrire son histoire de l’O.A.S. sous forme d’une cure de « contre-désinformation ». Son ouvrage est construit autour de six chapitres intitulés : La désinformation :

1) sur le droit du peuple à disposer de lui-même,

2) moyen utilisé pour conduire le peuple de l’Algérie française à la révolte,

3) sur les buts de l’OAS,

4) sur la légalité des actions de l’OAS,

5) sur les combattants de l’OAS,

6) sur les victimes de la guerre d’Algérie. Il démonte ainsi toute une série de » bobards » devenus vérité officielle.  

Georges Fleury, Histoire secrète de l’O.A.S., Grasset, 1042 p., 2002

C’est l’ouvrage le plus copieux sur l’O.A.S., quatre-vingt-treize chapitres et  plus de mille pages ! Depuis le 16 septembre 1959 jusqu’aux années ayant suivi l’indépendance de l’Algérie. L’ouvrage est organisé en dix grandes parties : Le creuset/Les barricades/les complots des colonels/L’O.A.S. et le putsch/La montée en puissance/Vers la fin d’un monde/Le temps des barbouzes/La guerre totale/Vers l’inévitable fracture/De l’agonie à la vengeance. La forme adoptée mêle le récit et les dialogues des acteurs du drame. C’est ainsi que le lecteur vit les événements d’Alger, d’Oran, de la métropole. Il fait aussi quelques incursions en Espagne et en Italie en y suivant certains des protagonistes.  L’ouvrage est exhaustif, sympathisant, fondé surtout sur des témoignages. La bibliographie cite une quarantaine d’ouvrages. Index fourni et utile mais renvoyant au chapitre et non à la page.                                                                                              

OAS, aux armes citoyens Pascal Gauchon et Patrick Buisson Un volume 22×31, Editions Jeune Pied Noir, 168p., 1984  

Sous deux aspects, le livre de Pascal Gauchon et de Patrick Buisson publié en 1984 tranche sur les autres ouvrages répertoriés : il est de grand format et très abondamment illustré de photographies alors inédites et il a été le premier à être écrit par un universitaire, Pascal Gauchon, qui, favorable à l’O.A.S. (le sous-titre en est : Histoire de la résistance française en Algérie), n’en reste pas moins historien. Près de trente années après sa publication, il conserve tout son intérêt : une petite moitié de l’ouvrage présente les prémices de l’O.A.S., depuis 1959 jusqu’au coup d’Alger. Le reste est découpé en chapitres : Un démarrage difficile/La crise de septembre 1961/ Une seule O.A.S., laquelle ?/Succès/L’O.A.S. pour quoi faire ?/Terrorisme ou politique ?/Le début de la fin/La dernière bataille/La défaite/Le départ/La vengeance. Ils sont suivis d’annexes présentant une statistique sociologique des membres de l’O.A.S., les passés de résistants de nombreux cadres de l’organisation et, pour finir, une anthologie des plus beaux textes de l’Algérie Française.

L’OAS et la presse française, Editions Galic, 1962, petit format, 158 p.

Ce petit livre fait partie d’une série comprenant également Le Procès Salan et la presse française, Les pieds noirs et la presse française, tous titres parus en 1962. Il couvre la période s’étendant d’août 1961 à mai 1962. Des articles, souvent complets, publiés dans plus de trente journaux, dont de très nombreux quotidiens régionaux, sont présentés chronologiquement. Les journaux les plus cités sont Le Monde, Nord-Matin, Le Populaire de Paris, L’Humanité, La Croix et Paris-Normandie. L’Aurore et le Parisien, les plus proches de la thèse de L’Algérie Française, ne sont pas cités ; l’esprit de l’ouvrage n’est cependant pas foncièrement hostile à l’O.A.S. alors que les articles cités, en particulier de la presse socialiste ou communiste, le sont. On retiendra les appels à l’exécution du général Jouhaud de Jean-Jacques Servan-Schreiber, d’Emmanuel d’Astier, de Claude Bourdet, de Claude Fuzier et de Michel Soulié.

Au total, un ouvrage donnant une vision de l’organisation clandestine et, plus encore, de la presse métropolitaine sous un angle instructif.   

Rémi Kauffer, OAS Histoire d’une guerre franco-française, Le Seuil, 452 p. 2002

Journaliste d’investigation, enseignant à « Sciences Po », Rémi Kauffer a écrit un premier ouvrage sur l’O.A.S. en 1986 avant de le refondre et de le publier de nouveau en 2002. La méthode de travail de Rémi Kauffer est l’entretien avec des acteurs des deux bords (ou leurs proches) de l’histoire de l’O.A.S. (une centaine), et le dépouillement de la bibliographie sur le sujet (environ cent cinquante livres).  L’ouvrage vaut par quelques révélations  sur les actions anti-O.A.S. de la gauche métropolitaine (qui a tendance à surestimer leur impact) ; sur les complicités réelles ou supposées de responsables politiques ; par l’affirmation par l’ancien commandant FTP Roger Pannequin que Degueldre a été un résistant et non un membre de la Waffen SS.  Environ 80 résumés biographiques ; peu de notes.

Claude Micheletti, Fors l’honneur, Editions Jean-Louis Pons, 2003

 L’auteur : l’un des patrons de l’OAS oranaise. Son livre, un document extraordinaire appuyé sur les archives de l’OAS d’Oran qu’il put emporter dans son exil (d’où  des documents dont pas mal d’officiels cités in extenso)  et d’une sincérité totale. L’auteur ne tombe dans aucune repentance. S’il regrette quelques bavures (comme l’exécution par erreur du Général Ginestet), il en revendique d’autres comme  celle du colonel Rançon. A Oran, les ennemis déclarés ou camouflés de l’OAS étaient exécutés sans pitié. D’autant que l’OAS, bien  organisée, avait des informateurs haut placés. De 61(après le putsch) jusqu’aux derniers jours  de 62 Oran fut la véritable  capitale de l’OAS. D’une franchise totale, Claude Micheletti met aussi en cause les dirigeants  militaires (Jouhaud, Guillaume) qui pour lui ont accumulé les « imprudences » dans leurs  contacts avec les forces militaires légales. Ce qui a conduit à leurs arrestations… Il justifie sa stratégie jusqu’au-boutiste. Et  le projet d’Oran « plate forme territoriale ». Un échec sans un soutien de la France.   C’est un ouvrage violent et passionné.. . Qui ne cache rien et ne regrette rien.

Histoire de l’Organisation de l’Armée Secrète, Julliard, 1964, 605p.  

C’est un gros livre, 600 pages, sans interruption (pas de chapitres, pas d’index, peu de notes). Il est signé Morland, Barangé, Martinez. Vraisemblablement des policiers (ou le bien connu  commissaire D.), « républicains », anti-OAS, qui ont utilisé  certaines archives des Renseignements Généraux.  En fait, et dès le début, ils (?) annoncent la couleur. L’O.A.S. est présentée  comme un complot de « l’extrême droite »  pour renverser le régime républicain. Et pour cela, elle aurait utilisé le désespoir des pieds noirs et de certains militaires On les désavoue mais on les plaint doucereusement. L’O.A.S Métro est davantage étudiée que l’O.A.S Algérie (avec documents). Et surtout, il n’y a aucune allusion aux moyens légaux et illégaux (les barbouzes) utilisés pour écraser l’O.A.S. Ce livre est une entreprise d’intoxication. Peu vendu à l’époque. Qui l’a financé ?  Il est  cité  maintenant avec précautions.

Axel Nicol, La bataille de l’OAS, Les Sept couleurs, 1963, 224 p.

 La Bataille de l’O.A.S. est un livre un peu étrange ; son auteur caché derrière un pseudonyme se présente comme un obscur militant de l’O.A.S. d’origine métropolitaine. L’ouvrage a été publié dès décembre 1963, soit très peu après la fin de l’Algérie française. Le récit, à la première personne, concerne principalement l’O.A.S. d’Alger. En sa qualité d’imprimeur, l’auteur, non clandestin, réalise plusieurs affiches dont celle, fameuse, où apparaissent, sur fond noir, deux yeux blancs à pupille noire et, en-dessous, la mention « O.A.S. veille ». Se disant proche de Jacques Achard, de Roger Degueldre et de Jean-Jacques Susini, il rapporte, sans que l’on sache très bien s’il les a vécus directement, ou non, la plupart des événements survenus dans la ville blanche : combat victorieux contre les « barbouzes », émissions pirates, bouclage de Bab-el-Oued, massacre de la rue d’Isly. Jusqu’à la fin. Un livre où l’auteur se garde de se mettre en valeur et qui vaut par le récit de certains épisodes peu connus. 

OAS parle, Collection Archives, Julliard, 353 p., 1964

La genèse de ce petit livre publié à la fin de l’année 1964 n’est pas banale. L’éditeur Julliard a reçu un épais dossier de documents internes à l’O.A.S., déposé par un correspondant anonyme avec une lettre explicative d’une douzaine de pages. Il est établi aujourd’hui que le déposant était l’historien Raoul Girardet, engagé dans l’O.A.S. en métropole. Parmi les documents présentés, des instructions du général Salan, dont la fameuse instruction 29 du 23 février 1962 diffusée en prévision de la signature des « accords d’Evian » ; les lettres du général Salan à Debré, Frey, Mollet, aux préfets, au directeur du Monde, aux conseillers généraux, aux gérants de débits de boisson ; les appels en métropole aux jeunes de France, aux policiers parisiens ; de nombreux courriers internes à l’O.A.S. ; des tracts ; les textes d’émissions clandestines ; le dernier texte du lieutenant Roger Degueldre, rédigé quelques jours avant son exécution.  Un ensemble passionnant et pathétique.

Vincent Quivy, Les soldats perdus, Seuil, 243 p. , 2003

Un livre de témoignages recueillis par Vincent Quivy, journaliste d’investigation. Parmi les témoins : Michel Alibert (que nos adhérents connaissent bien), Armand Belvisi, Gilles Buscia, Pierre Chassin (ancien administrateur de l’association), Jean-François Collin, Jean-Marie Curutchet, Pierre Dubiton, Jean Favarel (membre de l’association), Tassou Georgopoulos, Yves Gignac (notre président fondateur), Pierre Guillaume, Serge Jourdes (membre de l’association), Nicolas Kayanakis, Marguerite Lombard, Pierre Montagnon, Jean-Claude Perez, Joseph Rizza, Marcel Ronda (membre de l’association) et Jean-Jacques Susini. Qu’en ressort-il ? Une série de personnalités aux origines et aux destins variés s’est retrouvée avec un objectif commun : tenter de sauver l’Algérie et une certaine idée de la France.                                                                            

Pierre Sergent, La bataille, La Table Ronde, 347 p., 1968

Le livre de Pierre Sergent fait suite à « Ma peau au bout de mes idées » un premier ouvrage fameux. Il débute à Alger, quelque temps après l’échec du coup d’avril 1961, par un dialogue entre Roger Degueldre et l’auteur. Pierre Sergent et Daniel Godot quittent Alger en juin pour la métropole où ils estiment que le combat doit se poursuivre.  Suit le récit de la montée en puissance de l’O.A.S.- Métropole, la précarité des liaisons avec le général Salan, la difficile unité – jamais totalement réalisée – des trois composantes du mouvement ayant respectivement à leur tête, Yves Gignac, Pierre Sergent et André Canal. L’apogée, selon Pierre Sergent se situe entre décembre et février 1962. C’est l’époque où il a des entretiens qui font grand bruit avec des journalistes suédois et allemands. Vient la défaite, de mars à juillet 1962. Faut-il continuer à se battre ou arrêter ? En juin 1962, la question divise l’O.A.S.. Mais c’est la fin. Nombreux documents en annexe. Indispensable.                                                           

J.J. Susini, Histoire de l’O.A.S., La Table Ronde, 396 p., 1963

Avec l’histoire de l’O.A.S. de Jean-Jacques Susini, publiée en 1963, le lecteur est au cœur de l’O.A.S. à Alger. Sous-titré « tome premier », le livre couvre la période avril-septembre 1961. Trois tomes étaient prévus, le troisième étant consacré aux annexes. Trois parties pour ce premier tome : la naissance, le regroupement, l’essor. Le tableau brossé par J.J. Susini du développement de l’O.A.S. à Alger alors que le général Salan est encore « chambré » par Martel dans la Mitidja, des problèmes de toutes sortes – en particulier financiers – qui l’assaillent, des tiraillements et plus, des ambitions individuelles, des relations et de la crise avec l’O.A.S madrilène font le grand intérêt de cet ouvrage. Avec aussi la reproduction de très nombreux courriers et notes rédigés par le général Jouhaud, le général Gardy, les colonels Gardes et Godard, le capitaine Ferrandi, Jean-Claude Perez. Il a fallu quatre mois à l’O.A.S. pour prendre une place de premier rang dans les acteurs du drame qui se joue et va se terminer en cauchemar. Aussi indispensable que le livre de P. Sergent

Un silence d’état

Un silence  d’état. 200p. 25€, en librairie ou aux Editions SOTECA–Service Commande. BP 230,  92 212 Saint-Cloud Cedex.

Un demi-siècle après la fin de la guerre d’Algérie  le dernier tabou tombe. C’est celui qui entourait un drame aussi affreux que le massacre des Harkis. Celui « des disparus civils européens de la guerre d’Algérie ». Sous-titre de ce livre  récemment paru et signé Jean Jacques Jordi, historien, spécialiste de l’Algérie et autres sujets. Pour lui, sur autorisation du Premier Ministre, des archives se sont ouvertes. Nationales, diplomatiques, militaires. Elles ne devaient être accessibles qu’en 2022. Ce qu’il nous apprend ne sera pas pour beaucoup d’entre nous une découverte. Nous avons su dès 1962 par nos informations personnelles et ou par certains journaux (Combat, Carrefour, La Nation française, une fois le Monde) évidemment qualifiés d’extrême droite qu’après les accords d’Evian en Algérie, dans les grandes villes comme dans le bled, des groupes armés du FLN pratiquaient des arrestations et nombreux enlèvements  d’Européens isolés et de familles entières. Sans que les forces de l’ordre (armée, police) encore importantes sur le terrain ne réagissent sur ordre officiel… De plus, il aurait dû y avoir six mois entre les accords d’Evian et l’indépendance .Ce délai, de Gaulle le raccourcit pour évacuer le plus vite. Ce qui facilita les choses pour les forces FLN. Avant et  encore plus après la proclamation de l’indépendance. 

 Dans son livre, l’auteur démolit des désinformations émises à l’époque. Ainsi, ce n’est pas l’anarchie qui explique les enlèvements, une « bavure » pour certains historiens. Grâce à leurs services de renseignement  restés actifs  jusqu’au bout, l’armée et le gouvernement savaient…. Jordi approuve Jean Monneret qui, le premier, qualifia les enlèvements d’« épuration ethnique ». Son but était d’accélérer l’exode de la Communauté européenne d’Algérie.  L’armée savait souvent où les malheureux survivants étaient prisonniers. Ainsi que les supplices qui leur étaient infligés (tortures, viols des femmes, jusqu’à des hommes vidés de sang)..  Mais des ordres très stricts venus du sommet la paralysèrent… Il ne fallait pas gâcher la prétendue paix et ce qui apparut comme « le premier demi-échec des accords d’Evian » (Guy Pervillé). Après l’indépendance et jusqu’en 1963, la pratique des enlèvements  s’amplifia d’autant qu’il fallut attendre la fin de l’été 1962 pour qu’un  pouvoir réel aux mains de Ben Bella et Boumediène ne s’installe. Le gouvernement  français ne pouvait plus nier la réalité. Il adressa aux nouvelles autorités des  admonestations lénitives. Il y avait  des moyens de pression financiers. Ils ne furent pas utilisés. Le FLN, ou niait les faits ou empêcha les recherches menées par la Croix Rouge qui n’eut pas accès aux camps de prisonniers que la France connaissait… Il y eut parfois des libérations discrètes ou précédées de mises en scène par le pouvoir algérien… En 1964, le  ministre de Broglie dut répondre devant le Sénat à des interpellations directes et renseignées. Il convint de son impuissance en affirmant qu’il y avait peu d’espoir qu’il y ait encore des disparus vivants… Ensuite, ce fut un très long silence sauf de la part d’organisations rapatriées peu écoutées. Ce silence fut levé en 2007 à Perpignan par l’inauguration du « Mur des disparus ». A partir d’une longue liste où, inévitablement, il y avait des erreurs. Confrontant les résultats de ses recherches, Jordi, à la  fin de son livre, établit trois recensements. Le plus important (1600 noms), la liste des « personnes disparues présumées décédées ». Ensuite  celle  des « personnes  dont le sort reste incertain à ce jour » (170 noms), Enfin  celle « des personnes enlevées dont les corps ont été retrouvés  et inhumés » (123).   Bilan : 1600 victimes. Ces listes sont précises (noms, prénoms) mais pas les âges, ce qui les aurait  rendues  encore plus sinistres.  

Dans les chapitres de son livre l’auteur  donne de multiples exemples de cas significatifs d’enlèvements appuyés sur des documents classés « Secret »,  irréfutables.

Il a aussi traité avec les disparus d’autres sujets sensibles. Celui des massacres d’Oran en juillet 1962. Ou celui sur « Barbouzes et  Mission C » qui ont travaillé contre l’O.A.S. Les Barbouzes ont été l’objet d’un opprobre général et connurent de lourdes pertes. On a été plus indulgent avec la Mission C (des policiers légaux installés dans un bâtiment protégé) qui n’est pas innocente non plus de pratiques illégales. Par des intermédiaires, elle échangea (et vice versa) des renseignements avec le FLN. Une collaboration « fructueuse ». Conséquence : des arrestations ou des enlèvements, des exécutions précédées de tortures. 

Le document ci-contre  a été émis le 29 mai 1962 par un service du Commandement Supérieur des Forces en Algérie  à destination du 2ème Bureau de l’Etat-major Interarmées. Il fait état d’un renseignement obtenu le 28 mai auprès d’une source de qualité C, (sûreté de la source  décroissante de A à F ; C assez sûre), l’exactitude du renseignement étant, quant à elle, cotée 3, (exactitude décroissante  de 1 à 6 ; 3 possible). Il a été vu par le chef de l’Etat-major Interarmées et aussi par le général Fourquet, commandant supérieur interarmées en Algérie.

Sans oublier la Sécurité Militaire, service d’état, qui participa sans complexe à cette chasse honteuse. Et le paya à l’occasion. On n’a pas fini d’en apprendre…..Ce livre sort avant la commémoration des accords d’Evian qui sera sans doute officiellement élogieuse. Mais la vérité est en marche. La stature  de l’homme  qui mit fin à la guerre en  sacrifiant les harkis et en ne protégeant pas les pieds-noirs en prend un sacré coup. Le livre de Jordi est à lire absolument. Il a été réimprimé après un premier tirage. A noter qu’il a recueilli dans « la presse nationale » (rien dans le Monde) des échos favorables mais rien à la télévision.., le media essentiel. Une coïncidence sans doute…

Jean Paul Angelelli

Lettre du général Salan, chef de l’O.A.S., au directeur du Monde

Le 15 septembre 1961, le général Salan, à Alger, écrit une lettre au directeur du journal « Le Monde », Hubert Beuve-Méry. Celui-ci avait publié dans son journal, paru le 11 septembre 1961 mais daté du 12 septembre,  un article intitulé « Le temps des assassins ». Il y accusait le général Salan d’être derrière l’attentat de Pont sur Seine du 8 septembre 1961.

Dans le numéro daté du 20 septembre du quotidien du soir, Hubert Beuve-Méry insère en page six la lettre du général Salan sous le titre « Une lettre de Raoul Salan ». Celui-ci dément être l’instigateur de l’attentat, ce qui est exact. En première page, HBM publie l’article cicontre. Pour se faire pardonner a priori d’avoir ouvert ses colonnes au général Salan[1], chef de l’O.A.S., HBM compose un chef d’œuvre d’hypocrisie dont Le Monde a fait et fait toujours sa spécialité.  

Exemples : HBM se retranche derrière des informations officielles pour expliquer qu’il a accusé le général Salan. Il prend prétexte que la lettre de Raoul Salan n’est pas uniquement consacrée au démenti pour y dénoncer une manœuvre. Il ose écrire que les jeunes du contingent meurent en Algérie pour la défense du territoire, lui qui soutient la cause d’une  Algérie indépendante. Il se fait défenseur de l’application de l’article 16 encore en vigueur six mois après le coup d’Alger, tout cela en usant et abusant de points d’interrogations…

[1] A la seule vue du titre, François Mauriac  manque de s’étouffer

Notes et correspondances du général Salan internes à l’OAS :

B.L. : boîte aux lettres ; Y.08 : capitaine Sergent ; biffés Y.09 : lieutenant Godot, Y.13 : capitaine Curutchet  

B65 : capitaine Pierre Sergent 

 Villiers : Vicomte Jacques le Jolis de Villiers, père de Philippe de Villiers, 

membre du réseau O.A.S.- Ouest du comte Horace Savelli

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TIME Magazine censuré

Le magazine Time du 26 janvier 1962 tel que l’ont vu les américains …  

Le numéro daté du 26 janvier 1962 du magazine Time, très largement diffusé aux Etats-Unis, présente en couverture un portrait en civil du général Salan avec  pour titre : 

« Le terroriste Salan ».

Au cours du mois de novembre de 1961, la chaîne américaine C.B.S. avait diffusé une interview télévisée d’une vingtaine de minutes du général Salan réalisée le 2 novembre 1961 dans des conditions peu banales aux environs d’Alger par un de ses reporters, Richard Kallsten. S’adressant en conclusion aux américains, le général Salan s’était exprimé ainsi : « J’aimerais que les Etats-Unis nous comprennent et nous aident dans la lutte que nous menons, car c’est avant tout une lutte pour la liberté. Je défends votre liberté, car Alger n’est qu’à deux pas de Marseille, et nous ne devons pas oublier que c’est de là que vous, américains, êtes partis pour reconquérir  l’Europe.« 

…et tel que l’ont vu les français

Le long et dense article de TIME – six pages sont consacrées à l’O.A.S. et à son chef – semble survenir à point pour contrebalancer l’effet de l’interview de C.B.S. . De fait, l’article reprend tous les poncifs sur les défenseurs de l’Algérie française : des colons accrochés à leurs privilèges, des pieds noirs hâbleurs et indisciplinés, des officiers rétrogrades.. L’action de l’O.A.S. est présentée uniquement sous l’angle du terrorisme. La biographie – assez détaillée – de Raoul Salan n’est pas totalement  négative  mais, surtout, contrairement à l’effet recherché, il ressort de l’article que le pouvoir, dans les grandes villes d’Algérie, apparaît comme aux mains de l’O.A.S.. Décembre 1961-janvier 1962 marque en effet l’apogée de l’O.A.S.

Time diffusait en Europe une édition dite  « Atlantic Edition ». Le gouvernement français interdit sa diffusion telle quelle en France (y compris en Algérie). Le magazine parut avec un badigeon noir sur la couverture (voir montage à gauche) et la mention « Special Edition » fut apposée sur celle-ci. 

                                                       


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