Bulletin 20
LES AMIS DE RAOUL SALAN LE BULLETIN
Nos adhérents ont publié
Missions en France en juin 1958 (2/2) par Jean-Paul Angelelli
Biographie / Alain de Bougrenet de La Tocnaye
La cour militaire de justice 1962-1963
Serges Jourdes et le colonel Godard
Nos amis ont publié
Une fois n’est pas coutume, l’ouvrage dont nous rendons compte n’a pas été écrit par l’un de nos adhérents. Il intéressera et en touchera sûrement beaucoup, particulièrement parmi les anciens d’Indochine. Dominique de la Motte, jeune lieutenant SaintCyrien de la promotion 1945-1947, « Nouveau Bahut », est nommé en février 1951, près de Câu Khoi, non loin du Cambodge, à la tête du commando 12 composé uniquement d’Annamites, de Cochinchinois, de Khmers et d’un Tonkinois. Il y restera dix-huit mois. Près de cinquante ans après, cette année et demie reste la plus intense de la vie de l’officier qui a, ultérieurement, assumé de hautes responsabilités. Ce livre est étonnamment vrai, pas l’ombre d’un effet : les hommes, les paysages, les situations. Avec une grande délicatesse et une grande sensibilité. Et ce supplément qu’apporte une spiritualité apparaissant en filigrane. Sans oublier un humour discret mais toujours présent. Dominique de La Motte, De l’autre côté de l’eau, Taillandier, 166 pages, 18 € |
Après « Le 13 mai du général Salan » et « La guerre d’Algérie du général Salan« , Jacques Valette, se fondant sur l’analyse d’archives originales, décrypte cette période extrêmement complexe et instable, de novembre 1945 à juillet 1946 qui vit le retour des Français au Tonkin en 1945-46, le départ des troupes de Tchang Kai-chek, la cohabitation et la négociation avec le Viet-minh. Le général de brigade Raoul Salan, grand connaisseur du Tonkin et du Laos, appelé par Leclerc commandant en chef en Indochine, y a joué un rôle essentiel, à Kunming, à Tchoung King, à Hanoï, à Dalat, à Paris et à Fontainebleau avec Lou Han, Hô Chi Minh, Giap, Sainteny, Leclerc et Thierry d’Argenlieu. Parution au printemps 2009 aux Editions L’Esprit du Livre
Missions en France en juin 1958 (2)
Jean-Paul Angelelli
Une région très sensible : la 9ème R.M.
Première partie : Rififi à Marseille
Les trois envoyés du Comité de Salut Public (C.S.P.) d’Alger (Crespin, Moreau et Parachini) sont d’abord arrivés à Lyon, le 13 juin au soir. Ils sont reçus par le capitaine Marnillat qui les a amenés chez le général Descour[1], mécontent de la motion 20 du C.S.P. d’Alger… Ils le rassurent.
Ensuite, ils partent pour Marseille où ils arrivent le 14 juin au matin. Là aussi, les premiers contacts se font par l’intermédiaire de militaires comme le commandant Chapelier qui leur organise des rendez-vous avec des organisations civiles qui militent en faveur de l’Algérie française.
Mais des difficultés apparaissent. Car ils sont en présence de pas moins de quatre mouvements qui ne s’entendent pas entre eux. C’est l’impasse et, pour en sortir, grâce au commandant Altieri, le dimanche 15 juin, une réunion commune est organisée dans le bureau d’un avocat, maître Glard, chargé par les militaires de liaison avec les responsables des différentes organisations, soit :
- Monsieur Gaillet, à la tête du « Front de liberté gaulliste », 1500 hommes organisés et encadrés ; « l’homme le plus valable » pour les militaires,
- Le colonel Chevalier, ancien d’Indochine, et responsable local de l’Association des Combattants de l’Union Française, l’A.C.U.F., 50 hommes et quelques étudiants – Monsieur Blanc, président du C.S.P. de Marseille ; 200 hommes, paraît-il, « de choc ». Des anciens d’Afrique du Nord et des Corses ; un représentant des dockers ; un autre des ateliers métallurgiques Terrin.
La réunion du 15 juin aboutit à un Comité de Coordination (clandestin) devant préparer le référendum. Il sera placé sous les ordres de maître Glard, lui-même sous le contrôle de l’armée. Rien ne se fera (tracts, affiches, motions) sans l’accord des militaires.
Les auteurs du rapport rendent hommage à cette « petite minorité nationale très agissante » de 4000 hommes (source militaire) « ne voulant que les ordres d’Alger » (c’est-à-dire des généraux Salan et Massu). Le reste de la population est favorable à de Gaulle mais « sans le système » et contre les politiciens « indésirables ».
Mais la gauche est très puissante à Marseille. Ont été créés un peu partout (quartiers, entreprises) des comités de défense républicains organisés en cellules, soutenus « matériellement et financièrement » par Gaston Defferre, maire de Marseille, et le préfet I.G.A.M.E., beau-frère de Jules Moch. Son nom n’est pas prononcé ; il s’agit du préfet HaasPicard. Ces C.D.R. sont évalués à 4 à 5000 hommes. A noter, ironie de l’Histoire, que c’est sous le sigle C.D.R. que des comités de soutien à de Gaulle et à la 5ème République apparurent après mai 1968 en réaction contre la « chienlit gauchiste ».
Il y a dans le rapport une allusion à un état d’alerte que Marseille a connu fin mai 1958. S’agit-il de ce projet de prise de la préfecture organisé par Charles Pasqua et Gérard Kappé, avec des éléments armés du service d’ordre du Rassemblement du Peuple Français (R.P.F.) qui devait se déclencher en même temps que l’opération Résurrection si celle-ci avait lieu ? (voir « Histoire du S.A.C. » de François Audigier, Stock, 2003, p.64). C’est possible…En tout cas, Marseille est un point chaud.
Parachini et Moreau[2], après un circuit passant par Antibes et Nice (voir plus loin), reviennent à Marseille le 17 juin pour préparer et se joindre à une manifestation prévue le lendemain à l’occasion de la commémoration du 18 juin. Le 17, ils constatent d’après leur contact (Lavest, d’Air Algérie, sans doute le chef d’agence) que l’union ne s’est pas faite, Blanc étant « impopulaire ». Un colis d’affiches est arrivé chez maître Glard par l’intermédiaire d’Air Algérie. Des équipes ont été formées pour le collage. Moreau et Parachini ont silloné (en taxi) Marseille la nuit pour voir son efficacité. L’affichage n’a pas été aussi complet que celui attendu. Il est le fait des gars du C.S.P. . La police s’en prend aux colleurs et arrache les affiches. Dans la matinée du 18 juin, les C.S.P. ont un contact avec Lavest et joignent, difficilement, un certain « A », avec qui ils prennent rendez-vous pour le 20.
A 18h30, la manifestation commence par une prise d’armes. Elle rassemblerait 30.000 personnes (estimation des envoyés du C.S.P.). Tout au début, elle est troublée par l’intervention d’une centaine de « compagnons » avec des banderoles et des slogans (Vive Salan, Vive Massu, Vive de Gaulle, La Corse patriotique (sic), Le Comité du 13 mai), mais pas repris par la foule « silencieuse ». La police intervient, saisit les banderoles et procède à des arrestations. L’appel historique de De Gaulle est lu dans une « ambiance glaciale ». Lors du défilé des troupes, il y a des cris saluant l’armée et l’Algérie Française. La manifestation officielle terminée, une autre s’organise pour porter une gerbe au monument du Quai des Belges. La foule est évaluée à 10.000 personnes. Les forces de l’ordre (gardiens de la paix et C.R.S.) bloquent l’entrée de la Canebière. Elles entrent en action contre les manifestants qui lancent des slogans (Vive de Gaulle, Vive Salan, Vive Massu, Algérie Française) et, d’après les observateurs des C.S.P., se montrent particulièrement brutales (matraquages). Ce qui les indigne. Ils dénoncent ces méthodes contre une manifestation « légale » faite par des nationaux « représentant une masse presque entièrement composée de déportés algériens et indochinois ». On peut se demander qui sont ces déportés. Confusion avec d’anciens prisonniers de guerre ?
Finalement « force est restée au service d’ordre » et les deux membres du C.S.P. quittent le soir même Marseille pour Cannes et Nice. Nice où ils ont un observateur, Claude Grandjean, qui va leur rendre compte de ce qui s’y est passé le 18 juin. Les deux délégués du C.S.P. signalent que, dans l’après-midi du 18 juin, un « Journal du 13 mai » a été mis en vente par une organisation se réclamant d’un docteur Moreau. Au grand ahurissement des représentants du C.S.P. de Marseille. Encore un concurrent ?
Deuxième partie : Equivoque à Antibes
Entre Marseille et Nice, il y a Antibes. Où le 17 juin, les missionnés du C.S.P. d’Algérie entrent en contact avec un personnage qu’ils nomment « l’Archiduc ». Ils le font sur la recommandation de « Grand-père » (c’est le pseudonyme du commandant Vitasse qui a joué un grand rôle en mai 1958 en Métropole dans la préparation de l’opération « Résurrection ») et de Claude, c’est-à-dire Claude Grandjean, leur correspondant à Nice. Celui-ci a signé leur rapport qui a été écrit (et envoyé ?) à Nice le 17 juin à 01h50. Sans doute une erreur de date. Puisque c’est le 17 juin à 11h00 qu’a lieu la rencontre avec l’Archiduc sur ce qui est son lieu de travail, le Restaurant des Pêcheurs, à Antibes.
Extrait du rapport de mission rédigé par Moreau et Parachini : Antibes
L’Archiduc est présenté comme un ancien attaché de mission du général de Gaulle. En mai 1958, il a monté une organisation travaillant au retour au pouvoir du général de Gaulle. En liaison avec Ponchardier[3] qui faisait la liaison entre lui et Paris.
Le véritable nom de l’Archiduc n’est pas donné. En fait, il s’agit d’un homme au pedigree très riche (voir les éléments de sa biographie dans « Les Résistants, 1944-1989 » de Faligot et Kauffer, Fayard, 1989).
Il s’agit de Claude Rayon, ancien barman. Résistant courageux, chargé des parachutages dans le sud-est pendant l’occupation. Après la guerre, il a été l’un des éléments les plus actifs du S.O. (Service d’Ordre) du R.P.F., futur S.A.C (Service d’Action Civique) et fut mêlé, en 1948 à Grenoble, à une fusillade meurtrière anticommuniste lors d’une tournée du général de Gaulle. Ponchardier a évoqué son action en mai 1958 dans un livre-témoignage (signé Antoine Dominique) très intéressant sur les réseaux gaullistes en mai 1958, « Le Gorille en Révolution »
où le nom de Rayon et de son établissement sont camouflés sous des noms d’emprunt. Rayon sera ensuite mêlé, fin 1958-début Dominique Ponchardier
1959, à une affaire restée mystérieuse, le scandale
« Lacaze-Guillaume ». Il était alors maire-adjoint d’Antibes. En 1972, en liaison avec un notaire de Nice, maître Michard-Pélissier, grand ami de Jacques Chaban-Delmas (alors premier ministre), il aurait essayé de monter « une sorte de S.A.C. clandestin » (voir l’histoire du S.A.C. , livre cité) en récupérant d’anciens du S.A.C. (épurés sur l’ordre du président de la République Georges Pompidou) et même d’anciens de l’O.A.S.). Ce qui aurait porté tort à Chaban-Delmas et attiré sur lui le courroux de Pompidou. Rayon se serait ensuite marié à une Américaine et installé à Los Angeles. Evidemment, les envoyés d’Alger ne peuvent connaître le passé de Rayon. Mais leur témoignage n’en est que plus intéressant sur sa personnalité et sur ses idées.
Un nouveau document exclusif sur l’affaire Lacaze : « Je ne suis pas un tueur » déclare le commandant Rayon qui confirme et précise son accusation contre le docteur Lacour |
D’abord, il est contre les Comités de Salut Public. Et surtout leur étiquette. A l’origine clandestins, ils ne sont pas « représentatifs ». Ensuite, ils sont nombreux et divisés. Enfin, le terme « Comité de Salut Public » soulève en France une « vive opposition de gauche »
et dessert l’union des « nationaux ».
Rayon, lui, est partisan d’une organisation à l’échelle nationale, inspirée de « l’esprit du 13 mai ». Il propose pour la désigner le nom de « Coordination pour l’Union Nationale » et, avec Ponchardier, travaille dans ce sens dans le sud-est et même à Marseille.
Bien renseigné sur ce qui se passe à Paris (sans doute par le canal de Ponchardier), Rayon considère que le général de Gaulle est « prisonnier du Système ». Mais fait confiance à André Malraux et annonce que, bientôt, « Monsieur Soustelle » sera nommé à un poste gouvernemental (ce qui se révèlera exact)[4]. Rayon approuve Delbecque d’avoir nommé Murraciole délégué général du C.S.P. du 13 mai et Gantois délégué départemental. Il les considère comme les mieux qualifiés pour diriger « une organisation valable ». Les envoyés d’Alger font part (dans leur rapport) de leur surprise. Car, à Marseille, on leur avait donné comme directive de « saper la position de Murraciole ». Et même de le remplacer. Rayon ajoute qu’il existe à Nice d’ex-R.P.F., mais ne veut pas que les C.S.P. d’Alger les contacte ; cela froisserait des « susceptibilités ».
Il a participé ensuite, dans les années 1960, à des activités « Algérie Française » mais apparemment pas dans l’O.A.S.. Exilé en Espagne, il y meurt en 1983 d’un cancer du poumon (biographie dans le livre de Roger Vétillard : Sétif mai 1945, Editions de Paris, 2008).
Ensuite, l’Archiduc leur présente Gantois accompagné d’un certain Achiari (ex-commissaire de la D.S.T. à Alger). Il s’agit d’André Achiary, effectivement patron de la brigade de la Sûreté du Territoire à Alger entre 1940 et 1942, sous-préfet de Guelma en mai 1945 ; son activité dans la répression très meurtrière de l’insurrection nationaliste autour de cette ville lui a valu de sévères critiques. Et des menaces de mort du F.L.N.. Après 1954, il aurait participé à des activités de renseignement et de contre-terrorisme. Puis quitté l’Algérie pour la France, sans doute mêlé après le 13 mai aux complots gaullistes.
Achiary n’intervient pas mais Gantois donne à ses deux interlocuteurs André Achiary des détails sur un coup de force visant à s’em parer de la préfecture de Nice, en mai 1958, si l’ordre en avait été donné par l’Archiduc. Coup qui aurait eu des appuis dans l’armée avec deux généraux (en poste mais non nommés), dans la police avec le chef départemental de la sûreté (son nom est précisé, monsieur Ambrosi), à la préfecture (le chef de cabinet du préfet). Est-ce exact ou une manière d’impressionner les gens d’Alger ?.. Evidemment, le coup n’a pas lieu. Maintenant, il faut se consacrer à
la « propagande pure » sous les ordres de Murraciole. Qui recevra les consignes de Paris où se prépare un mouvement gaulliste coordonné sur le plan national. Gantois tient à se « différencier nettement » d’Alger. Il a 600 hommes « actifs » sous ses ordres et désapprouve les anciens Républicains Sociaux Teisseire et Durandy. Qui ne le suivent pas. Une surprise attend Parachini et Moreau. Au cours de leur entretien avec Gantois et Rayon, ils apprennent que ceux-ci ne sont pas pour l’intégration (de l’Algérie à la France métropolitaine) mais pour un système fédératif à statut
spécial, pour éviter que 150 députés algériens viennent siéger à la Chambre, 150 députés qui pourraient faire une majorité en Murraciole « s’associant aux communistes et aux socialistes ». Ce qui provoque une protestation des délégués du C.S.P. d’Alger qui craignent, si l’intégration est remise en cause, que cela n’entraîne un recul des Musulmans et que la préparation du référendum ne soit compromise. Or, pour Rayon, ce référendum est essentiel et il revient sur son idée de « noyautage » de tous les mouvements. Sous une étiquette qui importe peu. Ponchardier et lui seraient officiellement en dehors tout en couvrant le mouvement. Ceci en cas de coup dur, « s’il y avait une action des gens du Système ». Néanmoins, ils restent en liaison avec Alger et Paris et leurs responsables départementaux. A la fin de leur rapport, les délégués du C.S.P. d’Alger estiment que Rayon, Ponchardier, Achiary sont « une force sérieuse dans les Alpes Maritimes ». Mais, grâce à Claude Grandjean, ils entreront en contact avec d’autres organisations. Ce qui déplaît à l’Archiduc. De plus, ils font remarquer qu’ils n’avaient aucun point de chute dans les Alpes Maritimes. Ils prennent acte que les gaullistes et les ex-R.P.F. font un « effort d’hégémonie pour se placer en bon rang dans le futur Système ». Une constatation réaliste qui, par la suite, s’est confirmée.
Le compte rendu sur Antibes a été fait à Nice le 17 ou le 18 juin et est signé ParachiniMoreau-Grandjean. Il est accompagné d’une liste de responsables gaullistes (nom-adressetéléphone) : Archiduc, Ponchardier, Gantois, Achiari(y), Murraciolli, Astoux [5] (avec la précision : chez Simca). Il est également mentionné Pasquini, avocat à Nice.
Troisième partie : Nice, en accord avec Alger
Le 18 juin, à Nice, c’est Claude Grandjean (sur lequel nous n’avons aucune information) qui est sur place. Il a été chargé par Moreau et Parachini (M et P) d’entrer en relation avec messieurs Valero et Tournier, recommandés par le comité Blanc de Marseille. François Valero est président de l’Association Nationale des Français d’Afrique du Nord et d’Outre Mer (ANFANOMA) qui fut la première association de repliés du Maroc et de Tunisie. C’est une association « apolitique ». Valero est un homme « dynamique » mais aussi juge que l’étiquette « Comité de Salut Public » n’est pas valable. De plus, Valero est en conflit avec une autre association « L’Union des Français d’Algérie », pour lui trop marquée politiquement, dirigée par maître Pasquini (prénom Pierre, né à Sétif en 1921). Cependant, Valero estime qu’est seul valable le C.S.P. d’Alger dirigé par le général Massu et accepte d’en recevoir les directives. Pour lui, il faut faire « une propagande choc » pour le référendum. A noter qu’il n’a jamais reçu une lettre de Blanc, envoyée de Marseille, dont Claude Grandjean lui remet une copie. Claude Grandjean a un autre rendez vous avec un groupe dirigé par trois hommes, Gallardo, Ottavi, Bilterling (GOB en abrégé), qui ont organisé à Nice une manifestation couplée à la commémoration du 18 juin 1940. Elle a réuni 15000 personnes (estimation Grandjean), n’a pas été troublée, les communistes se cantonnant dans la Bourse du Travail. A l’écart du parcours de la manifestation qui a regroupé des anciens combattants (ex-FFI et Rhin et Danube, des déportés et internés, des jeunes paras, des étudiants et des membres du groupe GOB. L’armée est applaudie comme le général Cluset2 qui commande la subdivision de Nice ainsi qu’Ambrosi pour la police. Les cris sont : « Vive Massu ! Vive Soustelle ! Vive de Gaulle ! » Et aussi, plus politiques : « Les cocos au poteau ! La mafia au poteau ! (sic) Mendès au poteau ! » Le préfet Moatti[6] s’est fait « un tantinet » huer.
Grandjean est étonné de ne voir personne du groupe Gantois. Il fait l’éloge du groupe GOB qui a su « canaliser » cette manifestation, « un petit succès pour Nice », et qui s’est bien passée, en accord avec la police. En fin de son rapport rédigé à chaud le soir du 18 juin 1958, Grandjean revient sur le cas Pasquini qui, le 20 mai précédent, est accusé d’avoir envoyé un télégramme de soutien au président Pflimlin. Pasquini sera élu député U.N.R. des Alpes maritimes (1ère circonscription) de 1958 à 1967.
Le 19 juin, Moreau et Parachini sont à Nice. Ils approuvent le rapport Grandjean. Rencontrent Valero, « sceptique » sur une union de nationaux mais d’accord pour recevoir les directives d’Alger. Moreau et Parachini ont aussi pris contact avec le groupe GOB qui, lui aussi, veut recevoir les directives du C.S.P. d’Alger, « seule autorité valable ». Ils ont aussi reçu des informations sur les origines de GOB. Il est issu d’un comité (clandestin) qui s’est constitué à Nice le 14 mai, avec des Français d’Afrique du Nord (sans étiquette politique), des poujadistes, d’anciens R.P.F. et même des éléments militaires actifs. Des noms sont donnés : colonel Guilleret, commandant Legendre, capitaine Canal. Le GOB dispose d’une troupe de choc de 200 personnes. A l’origine, Pierre Pasquini appartenait à ce groupe qu’il a voulu réunir au groupe Gantois ; mais son attitude « équivoque » a amené la scission des adhérents qui n’ont pas voulu le suivre pour obéir à Alger. Désormais les GOB veulent être « sous les ordres directs du général Massu ». Il y aura, le 20 au soir, une réunion des membres en mission du C.S.P. où G. (Grandjean) fera un exposé sur la propagande pour le prochain référendum. Moreau et Parachini demandent (à Alger) d’adresser « d’extrême urgence » du matériel (tracts, etc.) à Valero ainsi que des exemplaires des conférences (sur la guerre subversive) du colonel Trinquier et du commandant
Cogniet. Cependant, il y a une difficulté. Il faut désormais « sortir de Pierre Pasquini la clandestinité ».
Pourquoi pas, comme titre du nouveau C.S.P., « Mouvement de Rénovation Nationale » ou « de Salut National » ? Moreau et Parachini ont compris pourquoi l’Archiduc et Gantois ont fait le « black out » sur le C.S.P. de Nice. Ils ont aussi confirmation de la lettre que le groupe GOB avait adressée à Soustelle alors à Alger le 23 ami 1958.
Moreau et Parachini, dans la matinée du 20 juin retournent à Marseille pour joindre « A ». qui ne les rencontre pas mais leur envoie à leur hôtel un adjudant. Pour « A », ils lui remettent un pli , lui conseillant de se mettre en rapport avec Grandjean à Nice qui lui donnera les résultats de leur mission. En effet, en fin d’après-midi à Marseille, Lavest leur transmet un message d’Alger. Il leur faut rentrer d’urgence. Ce qu’ils font par Air Algérie. Départ à 17h30, arrivée à Alger à 19h15. leur dernier rapport est rédigé à Alger le soir même.
Conclusion
Il faut saluer l’intense activité (sautant d’une ville à l’autre) de Moreau et Parachini qui, en quelques jours, se sont informés et ont présenté un tableau probablement sincère de leurs contacts et rencontres dans des villes clés comme Marseille et Nice. On peut noter qu’il existe un héritage des complots ou conspirations du mois de mai 1958 au cas où l’Opération Résurrection aurait été nécessaire. Mais il y a une nette séparation entre des groupes proAlger et le groupe gaulliste qui dispose d’un avantage. Il a un homme à lui (Ponchardier) à Paris, dans les coulisses du nouveau pouvoir. A noter que le général de Gaulle n’est pas mis en cause, du moins ouvertement.
Des questions. Pourquoi cette méfiance (même chez des gens favorables) à l’étiquette C.S.P. ? Paraît-elle trop « activiste » ? Et qui est ce « A » dont l’ombre plane sur la mission ? Probablement une personnalité militaire. Le plus curieux, c’est la prise de position de responsables gaullistes (comme l’Archiduc) contre l’intégration, alors que le terme en Algérie fait fureur jusqu’au référendum [7] et même au-delà. Il est aussi beaucoup question du référendum sur lequel tout le monde est d’accord. Mais pas encore des élections législatives probables[8]. Même s’il y a des arrière-pensées électoralistes (pas avouées). Peut-on entrevoir déjà une rupture entre les opinions des deux côtés de la Méditerranée ? Il est permis de le penser. Mais nous ne connaissons que trop la suite de l’histoire.
Alain de Bougrenet de La Tocnaye
Alain de Bougrenet de La Tocnaye est né le 13 novembre 1926 à Neuilly sur Seine, fils de Gilles de Bougrenet de La Tocnaye et de Jeanne-Lucie Dupin.
Descendant d’une famille [9] qui a participé aux croisades, aux campagnes d’Henri IV, à l’émigration et à la défense des états du pape, Alain de La Tocnaye assiste adolescent à l’exode et à la débandade d’une partie de l’armée française en juin 1940.
Arrivé à Alger en mars 1956 comme maréchal des logis-chef rappelé au service, il est promu sous-lieutenant en octobre. En 1957, il est affecté à un petit port de Kabylie, Port Tifrit, près de Tizaga. Il a sous ses ordres des harkis d’origine kabyle. Muté aux Beni-Tamarzit, il crée une nouvelle harka. Il constate la trahison des Pères blancs du voisinage au profit du F.L.N.
Le 14 mai 1958, il envoie un télégramme enthousiaste au général Massu. Il fonde un comité de salut public avec le maire de Fort Ighil. Il est cependant sceptique sur les événements, leur rapidité, leur superficialité. Le 4 juin 1958, il est à Alger ; il y voit le général Salan au balcon du Gouvernement Général. Salan « flegmatique et en même temps compréhensif et chaleureux comme toujours ». Il entend le discours de De Gaulle. Dès ce jour, il est persuadé qu’il abandonnera l’Algérie.
Il rencontre Robert Martel, donne sa démission du C.S.P. de Fort-Ighil, fait la connaissance du général Faure à Tizi-Ouzou qui partage la même analyse, tout comme le commandant Charrié-Marsaines. Il s’inscrit au M.P. 13 de Robert Martel mais ne tarde pas à en être déçu en raison de la présence d’ambitieux et de l’esprit « société secrète ».
Marié avec Isabelle d’Arnal de Serres, c’est en 1958 que naît son fils Thibaut.
Alain de La Tocnaye est muté à la fin de 1959 à l’Ecole d’Artillerie de Châlons sur Marne. Après la semaine des Barricades de janvier I960 à Alger, sa position est arrêtée : il faut éliminer de Gaulle. Il rencontre un représentant du « Vieil Etat-major », il est prêt à aller jusqu’au bout. En janvier 1961, il est promu lieutenant, muté en Algérie et affecté au 1er R.A.Il rencontre André de Montpeyroux qui créera un maquis éphémère en Oranie ; il entre en relation avec un officier attaché au général Salan alors en Espagne, avec le capitaine Souètre, avec le bachaga Boualem. Il suit un stage à Arzew avant de rejoindre son régiment. II prend conscience de l’apathie de l’armée et estime à 5% au plus le nombre de ses cadres susceptibles de suivre un mouvement. Ayant rejoint les Aurès, il y apprend le déclenchement du « putsch ». Il prend position en sa faveur, ayant toute confiance dans le général Salan : »Le général Salan n’est pas de ceux, évidemment, qui hésitent devant le sacrifice suprême« . Il pose sa démission au colonel commandant le 1er R.A. qui la refuse et le met en permission. Persistant dans son attitude, il est arrêté et consigné à Biskra. Il s’évade au bout de trente-huit jours grâce à l’aumônier de la forteresse. Le 31 juillet 1961, arrêté de nouveau, il est transféré à la maison d’arrêt de la Santé à Paris où il est détenu à la 4ème puis à la 6ème division. Grimé, il s’en évade en sortant par la porte le mercredi 31 janvier 1962. Peu après, il est mis en relation avec « Didier », l’ingénieur militaire en chef de l’Air Jean
Bastien-Thiry. Sous le pseudonyme de « Max », il est chargé des aspects opérationnels tandis que Didier est chargé des aspects « renseignements, reconnaissances, logistique ». Acceptant 1’hypothèse d’un enlèvement puis d’un jugement du chef de l’Etat jusqu’au 1er juillet 1962 (indépendance de 1’Algérie), après cette date, il la rejette en faveur d’une élimination pure et simple. Il étudie avec Didier les parcours et les dispositifs à mettre en place pour stopper le cortège présidentiel et neutraliser le chef de l’Etat dès avril 1962. Il met en place plusieurs embuscades sans succès (convoi changeant d’itinéraire, forte surveillance policière). Le 8 août 1962, au retour du général De Gaulle de Colombey via Villacoublay, La Tocnaye, à bord d’une ID 19 avec Georges Watin, course le cortège avenue de Versailles et
Fiche extraite d’un répertoire photographique quai Blériot mais ses de la Direction des Renseignements Généraux compagnons ne peuvent ouvrir le
L’administration est d’une logique irréfutable : de La Tocnaye est feu et il abandonne la poursuite déserteur à partir du jour où il s’est évadé de La Santé au souterrain du Trocadéro.
Le 22 août 1962 au matin, une nouvelle tentative échoue au retour de Villacoublay; le convoi présidentiel ne peut être rattrapé sur l’axe Maine-Invalides-Elysée. Le 22 août, en fin d’aprèsmidi, après le Conseil des Ministres, deux possibilités se présentent pour le trajet vers Villacoublay: soit la R.N. 187, auquel cas l’embuscade se fera à la sortie du bois de Meudon, soit la R.N. 306 et elle se fera à Clamart. Le cortège présidentiel se compose de deux DS 19, dont celle de De Gaulle immatriculée 5249 HU 75. L’informateur indique que c’est le 2ème itinéraire qui a été choisi. La DS19 échappe au tir d’arrêt déclenché trop tard; La Tocnaye se lance à la poursuite du convoi mais ne peut s’insérer qu’entre la 2ème DS et les motards tandis que Georges Watin vide les chargeurs de ses armes. Son ID 19 ne parvient pas à remonter le convoi et vire brutalement pour aller rejoindre la route de Verrières.
Le Nouveau Candide, semaine du 12 au 19 septembre 1962
Légende de la photographie : Il y a deux ans, muté d’Algérie en métropole après les barricades de janvier 1960, le lieutenant de La Tocnaye fut affecté à Châlons sur Marne. Là, le 11 novembre, le général Huré le décore pour sa conduite en Kabylie
La Liberté
Le journal du Massif Central
Mardi 5 mars 1963
Paris…Cent quarante et une questions…
Quand la Cour militaire de justice se retira, hier soir, pour délibérer, elle avait à examiner cent quarante et une questions sur la culpabilité des neuf accusés présents et de cinq accusés en fuite de l’affaire du Petit-Clamart.
En fait, elle n’avait à apprécier qu’une seule question : accorderait-elle, oui ou non, les circonstances atténuantes aux hommes qui, le 22 août dernier, ouvrirent le feu au fusil-mitrailleur sur la voiture du président de la République ? Les accorderaient-elles aux deux chefs – le colonel Bastien-Thiry et le lieutenant Bougrenet de la Tocnaye – contre lequel le général Gerthoffer, procureur militaire, avait requis la peine de mort ? Maître Tixier-Vignancour venait de plaider pendant plus de quatre heures et demie. Quatre juges – le général Binoche, les colonels Reboul et Bocquet, l’adjudant-chef Latreille – à la suite de leur président, le général d’armée Gardet, restaient seuls en face du devoir
de juger…
La Liberté
Le journal du Massif Central
Mardi 12 mars 1963
Paris – Bastien-Thiry a été fusillé hier au fort d’Ivry. Le chef du commando du Petit-Clamart, condamné à mort huit jours plus tôt par la Cour militaire de Justice, avait été réveillé, peu avant 5 heures, par ses avocats qui lui avaient annoncé le rejet de son recours en grâce par le Président de la République. A 6h 42, une salve claquait, que purent entendre les premiers cyclomotoristes et usagers des autobus qui, de Choisy ou Vitry, montaient sur Paris. Le corps devait être ensuite inhumé au carré des suppliciés du cimetière de Thiais.
Deux heures plus tard, l’Agence France-Presse publiait le communiqué suivant du ministère des Armées :
Son recours en grâce ayant été rejeté par le président de la République, Bastien-Thiry a été passé par les armes le 11 mars à 6h 40. Les condamnations à mort prononcées le 4 mars par la Cour militaire de justice contre Bougrenet de la Tocnaye et contre Prévost ont été commuées par le chef de l’Etat en détention….
La Tocnaye est arrêté le 4 septembre 1962 avec Prévost, est interrogé par le commissaire Ottavioli puis par le commissaire Bouvier. Il prend sur lui 1’organisation de 1’attentat jusqu’à l’arrestation de Bastien-Thiry qui en revendique la responsabilité. Conduit au dépôt, il y est rejoint par le commandant Niaux qui est retrouvé, le lendemain matin de son arrestation, pendu dans sa cellule. Il retrouve la maison d’arrêt de La Santé, au « mitard ». Transféré à la 5ème division, il y retrouve les lieutenants Godot et Delhomme.
Il comparaît avec ses compagnons le 28 janvier 1963 devant la Cour militaire de justice créée le 1er juin 1962 pour remplacer le Haut Tribunal militaire dissout par le président de la République car n’ayant pas condamné le général Salan à mort. Déclarée illégale par le Conseil d’Etat le 19 octobre 1962 (arrêt Canal), la Cour militaire de justice devait être remplacée par la Cour de sûreté de l’Etat créée par la loi du 15 janvier 1963. Mais cette même loi prolongeait la Cour Militaire de Justice jusqu’au 25 février 1963. Le 20 février 1963, le procès n’étant pas fini, un vote de l’assemblée nationale prolonge de nouveau son existence. Alain de La Tocnaye (défendu par maître Tixier-Vignancour, maître Le Coroller, maître Engrand et le bâtonnier Lemaignen) est condamné à mort le 4 mars 1963, de même que Bastien-Thiry et Prévost, sur réquisitoire de l’avocat général Gerthoffer.
Le 11 mars, Bastien-Thiry est exécuté tandis que La Tocnaye et Prévost voient leurs peines commuées en détention criminelle à perpétuité. Isolé pendant 9 mois à Fresnes, transféré ensuite à la prison d’Ensisheim où il connaît le régime cellulaire intégral durant 18 mois. Il n’est extrait de sa cellule que pour comparaître le 12 février 1964 devant la Cour de Sûreté de l’Etat qui le condamne à quatre ans d’emprisonnement supplémentaires pour complot contre l’autorité de l’Etat, tentative d’homicide volontaire et complicité de contrefaçon de documents administratifs. En avril 1965, il est transféré au pénitencier de Saint Martin de Ré d’où il ne sortira qu’en juin 1968, lorsque le gouvernement gaulliste dut ouvrir les portes des prisons après les événements de mai 1968.
Alain de La Tocnaye est mort le vendredi 9 janvier 2009 à Cavaillon. Ses obsèques ont été célébrées dans l’église de Gordes le mardi 13 janvier 2009 ; une messe de requiem a été dite le vendredi 30 janvier en l’Eglise Saint Nicolas du Chardonnet à laquelle, outre sa famille, assistaient, entre autres, Hélène Bastien-Thiry, Louis de Condé, Armand Belvisi, Jean-Marie Le Pen, Alain-Michel Zeller…
Titulaire de la croix de la valeur militaire avec deux
citations, Alain de Bougrenet de La Tocnaye est l’auteur
d’un ouvrage « Comment je
n’ai pas tué de Gaulle » publié
par les éditions Nalis en 1969
La Croix, mardi 13 janvier 2008
La Cour militaire de justice
Suite chronologique des lois, ordonnances et décrets relatifs à la Cour militaire de justice, depuis sa création jusqu’à son remplacement par la Cour de sûreté de l’Etat 1) Suppression du Haut Tribunal militaire
Le 23 mai 1962, le Haut Tribunal militaire rend son verdict au procès du général Salan. Celui-ci n’est pas condamné à mort, les circonstances atténuantes lui ayant été reconnues à la majorité des voix. Le 26 mai, le Haut Tribunal militaire est supprimé par ordonnance
2) Création de la Cour militaire de Justice
La Cour militaire de justice est créée par ordonnance du 1er juin 1962. Aucun recours n’est admis.
3) Nomination des membres de la Cour et du responsable du ministère public
4) Nomination du Président de la Cour militaire de justice
Nomination du général Gardet après le suicide du général de Larminat, le 1er juillet 1962
5) Loi activant la Cour de sûreté de l’Etat
Le 19 octobre 1962, une décision du Conseil d’Etat (Arrêt « Canal ») avait déclaré illégale la Cour militaire de justice
6) Loi maintenant provisoirement la Cour militaire de justice
La Cour de Sûreté de l’Etat devant être installée le 25 février 1963 et prendre le relais de la Cour militaire de justice, le gouvernement fait voter par l’Assemblée (le Sénat ayant voté contre) une loi (du 20 février) qui maintient la Cour militaire de justice jusqu’à la fin du procès du Petit-Clamart qui intervient le 4 mars 1963
Souvenirs sur Yves Godard par Serge Jourdes
I – Repères chronologiques
Yves Godard est né le 21 décembre 1911 à Saint Maixent. Il sort de St Cyr en 1932.
Il est affecté au 27éme Bataillon de Chasseurs Alpins. Prisonnier en 1940, il réussit à s’évader au bout de la 3éme tentative. Il reconstitue le 27éme B.C.A. dans les maquis savoyards et termine la guerre à sa tête. Après une période d’occupation en Autriche, il commande le 11éme Bataillon de Choc de 1948 à 1952.
En Indochine, il sert sous les ordres du Général Gilles, du Général Gardet et du Colonel de Crèvecoeur. Il commande la colonne « Crévecoeur » qui, au printemps 1954, se dirige, à partir du Laos, en direction de Dien Bien Phu avec pour mission de recueillir les possibles rescapés ayant réussi à sortir du camp retranché.
En 1955 c’est l’Algérie, il est Chef d’Etat-
major du Groupe Parachutiste d’Intervention commandé par le Général Massu qui deviendra 10éme Division Parachutiste. A l’automne 1956, il participe à la campagne d’Egypte à Port Fouad et Port Saïd.
En 1957, au cours de la bataille d’Alger, il est nommé Commandant du secteur d’AlgerSahel par le Général Massu et participe activement à la bataille d’Alger.
Le 17 mai 1958, il est nommé par le Général Salan, Directeur général de la Sûreté en Algérie.
Après les Barricades de janvier 1960, il est muté à Nevers. Au moment du Putsch d’Alger le 22 avril 1961, il est à Alger avec les quatre
généraux et prend le commandement de la
zone Nord-Algérois. Le colonel Godard
Après son échec, il entre dans la clandestinité dont il devient l’un des principaux responsables en Algérie.
Il quitte l’Algérie à l’été 1962 et disparaît jusqu’en 1967. Pour ses activités au moment du putsch d’Alger et dans l’OAS, Yves Godard est condamné à mort.
Amnistié en 1968, il termine sa vie en Belgique à la tête d’une petite entreprise de revêtement de sol.
Il meurt le 3 mars 1975 à Lessines, en Belgique, et est enterré à Thônes (Savoie).
Ses archives sont déposées à la Hoover Institution de l’Université de Stanford en Californie.
II – Nos rapports – Souvenirs
1956
Comme beaucoup de français de métropole vivant en Algérie, je suis rappelé sous les drapeaux le 25 octobre 1955. Lieutenant parachutiste, je suis muté au 2ème RPC (Régiment de Parachutistes Coloniaux) commandé par le Colonel Château-Jobert dit « Conan » dont le PC est à Boufarik. Un capitaine, trois lieutenants, un sous-lieutenant et une soixantaine d’hommes constituent le « CORO » (Commando de Réserve Opérationnel) affecté à la 1ère Compagnie du 2éme RPC commandé par le Capitaine Angels à Souma à quelques kilomètres de Boufarik
Mi janvier
Inspection du Général Massu avec son chef d’Etat-major, le Colonel Yves Godard.
Début février
Saut d’entretien. Départ de l’aérodrome de Blida à la tête de notre stick, le Colonel Yves Godard. Le vol est annulé car trop de vent sur la D.Z. (Zone de Saut).
Réaction du Colonel Godard : « Pas question, on saute sur les pistes d’envol, pour la forme, êtes-vous d’accord ?« . Une cheville foulée par un para mais une certaine connivence amicale est née entre Yves Godard et moi.
Lors de ma libération fin mars 1956, Yves Godard me convoque : « L’Algérie Française, c’est pas encore gagné. Vous allez être rappelé dans les Unités Territoriales dont le patron est le colonel Thomazo qui vous a jugé après l’opération de Sakamody. Restez en contact avec le Lieutenant Gérard Garcey. Quant à moi, je saurai toujours où vous joindre« .
Le 4 juillet
Je suis rappelé au titre de l’Unité Territoriale 156 commandée par le Capitaine Marcel Ronda.
1957
Deuxième trimestre
Le Colonel Yves Godard est nommé Commandant du secteur Alger-Sahel. Je le retrouve à sa demande au bar de l’Aletti. « Après l’Unité Territoriale Blindée (UTB) et l’Unité Territoriale Marine (UTM), décision de créer une compagnie opérationnelle au sein du 11e B.U.T. (5 sections de volontaires) et de vous en confier le commandement. Vous serez sous la seule autorité militaire du Colonel Thomazo. Nous sommes bien d’accord ? Massu sera le parrain de la Compagnie Opérationnelle« .
1958
Le 13 mai
Bien sûr, pas question de mobiliser ma compagnie, je vais seul à la manifestation prévue sur le forum. Après la prise de l’immeuble du Gouvernement général par Pierre Lagaillarde et ses étudiants, le Général Massu arrive avec le Colonel Godard. Je suis dans les escaliers de l’immeuble, réaction de Godard en me voyant : « Qu’est-ce que vous foutez là, suivez moi, vous allez être utile« . Avec Jacques Cenac, lui aussi lieutenant de réserve, nous devons garder les trois adjoints de Robert Lacoste ; Messieurs Chaussade [11], Maisonneuve [12] et Peccoud [13], en attendant leur « livraison » à des officiers de la Sécurité Militaire.
Notre mission : les protéger et pas de téléphone. Après leur départ, deuxième mission que me confie le Colonel Yves Godard : investir un bureau pour le Général Massu qui aura de nombreuses conversations téléphoniques avec d’autres généraux, notamment en poste en Algérie pour expliquer la situation, le rôle que lui confie le Général Salan : prendre la tête du Comité de Salut Public.
Le 14 mai
En arrivant au GG, je retrouve le Colonel Yves Godard qui est le responsable de la Sécurité. Le 17 mai, il sera nommé Directeur Général de la Sécurité en Algérie. Il me présente son adjoint Claude Dumont, Sous-préfet. En fin de journée, je rejette toute collaboration avec ce dernier. Dans les bureaux du Gouvernement Général, ça grenouille sec. Si le 13 au soir c’était la grande prudence pour être sur la liste du Comité de Salut Public, le14, la liste est largement complète avec beaucoup de volontaires qui font la gueule.
Le 4 juin
Arrivée de De Gaulle à Alger. La Compagnie opérationnelle avec d’autres Unités Territoriales est chargée du Service d’ordre boulevard Baudin.
Le soir, je suis invité à une réception chez Monsieur Marcel Weckel, Directeur Général de l’Electricité et du Gaz (EGA). C’est son épouse qui nous reçoit car M. Weckel est au Palais d’été avec De Gaulle.
Mme Weckel me présente à Madame Soustelle qui me dira « Si les Algérois avaient eu connaissance des propos du Général tenus à mon mari, dans l’avion qui nous a amenés à Alger, concernant l’avenir de l’Algérie, ils ne l’auraient certainement pas accueilli avec des vivats ». Quelques jours plus tard, je ferais part au Colonel Yves Godard des propos de Madame Soustelle, pas de commentaire, mais il me demandera de prendre contact au plus tôt avec le Colonel Gardes me précisant à nouveau que la compagnie opérationnelle était sous la seule autorité militaire, mais de trois colonels : Gardes, Thomazo et lui-même.
1959
Je rencontre, courant mai, le Colonel Gardes : « J’ai vos coordonnées« .
1960
Le 23 janvier à 20 heures, je me rends avec mon adjoint opérationnel Jean Lalanne chez le Colonel Gardes qui me demande de convoquer la Compagnie Opérationnelle en armes pour le lendemain avec pour mission : protéger les civils lors la manifestation.
Ce seront les Barricades, le Commando Alcazar, la prison, le procès avec le Colonel Gardes à Paris, mon acquittement et mon interdiction de retourner en Algérie.
Février 1960, commando Alcazar : les volontaires de la compagnie opérationnelle du 11ème B.U.T.
A droite, Serge Jourdes
1961
Après mon acquittement, je reste en contact avec le Capitaine Pierre Sergent qui m’informe que les anciens colonels ayant eu un commandement en Algérie et aujourd’hui mutés en métropole préparent un clash, parmi eux, Godard et Gardes.
22 avril
C’est le déclenchement du putsch des généraux en Algérie. C’est l’échec, le plan élaboré avec beaucoup de sérieux a été remis en cause par le Général Challe qui a refusé, notamment, la participation des civils, c’est-à-dire les Unités Territoriales.
Pour moi, c’est l’opération sur Orléans, mon arrestation, la Santé, un nouveau procès aux côtés du Général Faure, un deuxième acquittement après celui des Barricades.
Octobre
Pierre Sergent me transmet un message du Colonel Yves Godard : Rejoindre l’OAS à Alger.
1962
Retour à Alger avec le Colonel de Sèze.
Fin janvier
Je retrouve le Colonel Yves Godard à Alger, il est très déçu.
« Après un bon départ, aujourd’hui je n’y crois plus, l’armée ne bougera pas, sauf quelques cas isolés qui viendront nous rejoindre. Quant aux civils, ils seront pour l’OAS, mais pas dans l’OAS. Bien sûr, pas question d’abandonner notre combat, si vous restez en Algérie car vous avez la possibilité de repartir avec le Colonel de Sèze. Demandez à rester dans l’Algérois où vous travaillerez avec Gardes, le Docteur Perez et Roger Degueldre« .
Quelques jours plus tard, je prendrais le commandement de la zone OAS – Ouest Mitidja.
Mars
C’est le prétendu « Cessez le feu ». C’est l’échec du maquis de l’Ouarsenis.
Avril
Ce sont les arrestations du Général Salan et du Lieutenant Roger Degueldre.
L’Algérie Française vit ses dernières semaines. Cent trente années de présence française sont sur le point de disparaître.
Mai
Grâce au Colonel Gardes, je reverrai une dernière fois le Colonel Yves Godard à Alger, une petite heure d’entretien en tête à tête dans un petit salon avec deux verres et une bouteille de « Vat 69 ».
« Après le discours de De Gaulle sur l’autodétermination, le 16 septembre 1959, les choses étaient claires, l’armée cocufiée aurait du intervenir et renvoyer De Gaulle à Colombey. Après l’échec du putsch, l’OAS aurait du mobiliser les Unités Territoriales dans les grandes villes et principalement à Alger« . « Aujourd’hui, je sais que Gardes s’occupera de votre retour en métropole, attention aux pièges en France, retrouver Pierre Sergent au plus tôt, quant à moi, impossible de rentrer en France, ce sera l’exil« .
Je garde de ce brillant officier, le souvenir d’un homme qui a choisi l’honneur et le respect de la parole donnée.
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La direction du magazine trimestriel « Guerre d’Algérie magazine » est entrée en relation avec l’association des Amis de Raoul Salan et a proposé d’envoyer gracieusement aux adhérents qui en font la demande un exemplaire du magazine en question. Certains d’entre vous connaissent cette publication, d’autres, non.
En contrepartie de l’insertion de cette offre, l’Association a la possibilité de publier dans le numéro de juin-juillet-août 2009 une annonce présentant l’association et ses réalisations.
Le conseil d’administration qui s’est réuni le 28 février 2009 a décidé de répondre positivement à cette offre. La majorité des articles publiés dans ce magazine répond à un souci d’objectivité que l’on ne trouve plus dans les journaux et revues diverses dès qu’il s’agit de l’Algérie. Une minorité agacera, ou plus, à juste titre, nos adhérents. Le bilan, à l’avis du conseil, est cependant positif. Il permettra de plus à certains de nos adhérents de réagir, de proposer leurs témoignages ou même des articles, bref de s’exprimer.
Le directeur de la rédaction est Christian Castellani ; l’un des contributeurs réguliers est le professeur Jacques Frémeaux.
Vous trouverez au verso de cette page un formulaire à remplir, à découper (ou à copier si vous souhaitez garder intact ce numéro du bulletin) et à envoyer à l’adresse indiquée. Une demande téléphonique est également possible.
A titre d’exemple, le sommaire du numéro de mars-avril-mai 2009 s’établit ainsi :
- Dossier : le commando Guillaume, par le général Hamel et le colonel Vernet, pp . 4 à 19
- Le char léger M 24 Chaffee, pp. 20 à 23
- Projets et tentatives d’attentats contre de Gaulle, pp. 24 à 31
- Album photos, pp. 32-35
- A l’heure française : l’Algérie des élites
- Boire, manger, se soigner, pp. 42-55
- Bab El Oued, le faubourg de la joie de vivre, pp. 56-59
- Robert Randau, l’Algérianiste, pp. 60-63
Marcel Descour, né en 1899, saint-cyrien de la promotion 1918-1920, a été à la tête de l’O.R.A. pour la région de Lyon en 1943, puis au cabinet d’Edmond Michelet, ministre des armées, en 1946. Il a commandé la 1ère D .B., la 7ème Région Militaire, puis la 8ème (Lyon) à partir de 1956.
Après Marseille, le nom de Crespin n’apparaît plus dans les signataires des rapports
Né en 1917, en poste à la D.G.E.R., au conseil de direction du R.P.F., ambassadeur en Bolivie de 1964 à 1968, plus connu comme auteur de la série des « Gorilles ».
Le 7 juillet 1958, Jacques Soustelle sera nommé ministre de l’Information dans le gouvernement De Gaulle
André Astoux, né à Cannes en 1919, officier de marine jusqu’en 1955, a tenu divers postes chez SIMCA, dont celui de directeur du personnel en 1959, avant de devenir directeur général-adjoint de l’O.R.T.F. en 1964. 2 Saint-Cyrien de la promotion 1920-1922
Né en 1912 à Constantine, préfet des Alpes Maritimes depuis le 24 janvier 1955
Le 28 septembre 1958
Elles interviendront les 23 et 30 novembre 1958
D’or au lion rampant de gueules chargé de macles d’or sans nombre
Serge Jourdes est délégué régional de l’Association des Amis de Raoul Salan en région Provence Alpes Côte d’Azur
Pierre Chaussade, né en 1913, après un début de carrière dans les cabinets de ministres, est chargé de mission en novembre 1940 au cabinet du chef de l’Etat, Philippe Pétain. Nommé sous-préfet de Brive le 27 juillet 1943, il est directeur de cabinet du président du conseil, Henri Queuille de septembre 1948 à octobre 1949. Le 2 mai 1956, il est nommé, auprès de Robert Lacoste, secrétaire général du gouvernement général de l’Algérie. Après les événements de mai 1958, il est nommé préfet de l’Hérault en août 1958 et termine sa carrière préfectorale à la tête de la région Lorraine.
Pierre Maisonneuve, né en 1902, après une carrière dans l’administration jusqu’en 1944, est nommé préfet du Tarn et Garonne en 1946. En position de service détaché, il est président du conseil d’administration d’Electricité et Gaz d’Algérie (E.G.A.) de 1949 jusqu’au 10 février 1956, date à laquelle il devient conseiller technique de Robert Lacoste, ministre de l’Algérie, qui, en juin 1957, le prend comme directeur de ses cabinets civil et militaire. Il reprend ses fonctions à E.G.A. après les événements de 1958.
Peccoud, directeur de la sûreté en Algérie, prédécesseur immédiat du colonel Godard à ce poste (voir bulletin n°19)