Bulletin 26
les amis de raoul salan le bulletin
Nos adhérents ont publié
Colonel Puga
/ compléments
Le général Salan : président de l’A.C.U.F.
Missions en Espagne
(A. de Gorostarzu)
Nos adhérents ont publié
Michel Alibert, lieutenant au 13ème Régiment de Dragons Parachutistes en Algérie (il nous semble le reconnaître sur la première de couverture), a rejoint l’OAS dès 1961. Il est devenu l’adjoint du colonel Château-Jobert quand celui-ci est venu prendre, en février 1962, le commandement de l’Organisation dans la région de Constantine (voir le numéro 8 de notre bulletin du 1er trimestre 2006). Il préface l’exhaustif et excellent historique de son ancien régiment pendant la période 1955-1962. Régiment d’élite, qui a crapahuté de la Kabylie à la frontière tunisienne. Cet ouvrage est l’exemple de ce qu’il faudrait faire pour toutes les unités engagées en Algérie, alliant la précision et la rigueur de l’information à la vigueur des récits.
Mark Bruschi, 208 p. grand format, Heimdal, 2010, 39 €
René Mayer, polytechnicien, ingénieur du corps des Ponts & Chaussées, a choisi de revenir à Constantine après ses études pour construire des ponts et des routes dans la région qui l’avait vu adolescent. Il a, par la suite, occupé les plus hauts postes dans l’administration, y compris à la Délégation Générale en Algérie. Ce livre est né du désir de connaître le destin de sa famille, du pourquoi et du comment de sa venue en Algérie, de son installation qui fut un calvaire et de son enracinement sur cette terre difficile. Enracinement qui s’est transformé en passion. Au-delà de l’histoire familiale, c’est de l’Algérie et des Algériens sacrifiés qu’il est question dans ce livre vrai.
René Mayer, 296 p., L’Harmattan, 1999, 28 €
René Mayer a réalisé un travail considérable de collecte d’informations sur des centaines de Français d’Afrique du Nord, exilés en France métropolitaine après 1962. Plus que des démonstrations plus ou moins pertinentes, cette énumération-description de talents et même, dans quelques cas de génies (cf. Claude Cohen-Tannoudji, prix Nobel de physique), dans tous les domaines de l’activité humaine révèle la richesse de cette population trop souvent caricaturée et décriée. Avec un classement par rubriques professionnelles suivi d’un classement alphabétique, cet ouvrage est aussi un outil de travail précieux.
438 p., Editions René Mayer, 2bis rue de Buzenval,
92210 Saint-Cloud, 20€
Colonel Puga Compléments
Yves Gignac, après lecture de l’article consacré au colonel Puga dans le numéro 25 de notre bulletin, a retrouvé un document d’intérêt, il s’agit de la réponse de Michel Debré, Garde des Sceaux, à une demande du général Salan concernant les procédures engagées en mai 1958 contre le général Chassin, le colonel Puga et Yves Gignac. Sans commentaires…
Nos lecteurs ont à l’esprit le parcours du lieutenant Puga au sein du 2ème Régiment de Dragons après qu’il y eût été muté le 1er février 1942, en provenance du 152ème Régiment d’Infanterie – le fameux 15-2 des Diables Rouges. L’épopée de l’étendard du 2ème Dragons et du capitaine de Neuchèze a été rapportée par le général Henri Zeller, frère ainé du général André Zeller et chef de l’O.R.A. pour la zone Sud, dans un récit publié en 1961 dans l’Almanach du Combattant.
Le Général Salan, président de l’A.C.U.F
Au tout début de l’année 1960, le général Salan, gouverneur militaire de Paris, adresse ses vœux aux membres de l’Association des Combattants de l’Union Française.
En ce jour de l’an 1960, mes pensées ce sont tournées vers vous, anciens combattants d’Indochine, de Corée, d’Afrique du Nord, groupés au sein de notre association ; et tout particulièrement vers ceux qui poursuivent la lutte sur le sol de notre belle province d’Algérie qu’aucune force au monde ne pourra arracher à la Mère-
Patrie.
Par votre action si
inlassablement généreuse, en maintenant les plus hautes traditions de notre Armée, vous avez enrayé les manœuvres des forces de subversion.
Tout au long de l’année écoulée, j’ai suivi vos efforts en Métropole et au-delà des mers : vous êtes parmi les bons ouvriers, vous comptez au nombre de ceux qui auront œuvré efficacement pour la survie de notre pays et la défense de notre civilisation.
Mais il reste encore beaucoup à faire tant à l’intérieur qu’à l’extérieur pour barrer définitivement la route aux forces du mal.
Au seuil d’une année qui s’annonce difficile, c’est à cette tache ardente que je vous convie.
Souhaitant de tout cœur que 1960 soit l’année de la paix pour la France des deux rives de la Méditerranée, je vous adresse mes vœux fervents, pour vous, vos familles et ceux qui vous sont chers.
Signé : Salan
Les 4 et 5 juin 1960 se tient à Rennes le congrès national de l’A.C.U.F.. Le général Salan, qui passe en deuxième section le 10 juin, est élu président de l’association dont le secrétaire général est Yves Gignac. La « Une » du numéro de juillet de l’ACUF rendant compte du congrès titre sur l’engagement pour l’Algérie française
Le 9 juin 1960, dans la cour d’honneur des Invalides, le général d’armée Raoul Salan, gouverneur militaire de Paris, faisait ses adieux à l’Armée. Le surlendemain, il allait prendre la présidence effective de l’Association des Combattants de l’Union Française.
A cette cérémonie très émouvante dans sa grande simplicité, assistaient plusieurs généraux ayant participé aux exaltantes et déjà lointaines journées de mai 1958 à Alger, en particulier les généraux Jouhaud, Massu et Noguès.
Dès son arrivée, le général allait embrasser le glorieux emblème à l’étamine déchiquetée du 5ème R.I.C., régiment où il fit ses débuts dans la carrière militaire à la tête d’une section en 1918, carrière militaire longue de 43 années vécues sous l’ancre de marine.
Seul au milieu de la cour d’honneur des Invalides, le général procédait alors à la remise de décorations, puis les troupes de la garnison e Paris défilèrent une dernière fois devant lui : la Garde Républicaine, l’Infanterie de Marine, la Légion Etrangère.
Il saluait enfin les officiers généraux présents qui avaient été ses collaborateurs en Indochine et en Algérie, puis ceux qui avaient été autour de lui au gouvernement militaire de Paris pendant que la musique de la Garde Républicaine faisait retentir l’hymne de l’infanterie de Marine, le ‟Boudin”, le Chant des Africains puis terminait la cérémonie par un vieux
chant ‟Ce n’est qu’un au revoir…”
Missions en Espagne
Avec Salan (suite)
Les derniers jours à Saint Sébastien, le départ clandestin pour Madrid, l’épopée d’Alicante
Le 1er décembre, des inspecteurs de la police judiciaire venus de Bordeaux, que j’avais repérés depuis quelques jours, me suivaient partout dans une voiture Peugeot 404 jaune. Après avoir rompu leur filature, j’ai rejoint Saint Sébastien pour m’installer dans un refuge de contrebandiers où il n’y avait pas lieu de remplir de fiches de police.
« A l’instant d’ailleurs notre escorte policière double ses effectifs, puis se complète d’un peloton de Guardia Civil qui encercle littéralement notre hôtel. Pour nos projets d’évasion, les choses deviennent de moins en moins simple» (600 jours avec Salan Jean Ferrandi, page 67, 25 novembre.)
Le 2 décembre, André Regard arrive de Paris, Pierre Lagaillarde abandonnant le procès des barricades passe la frontière, Tixier Vignancour est à Madrid multipliant les déclarations, une grande agitation règne, la préparation du départ clandestin pour Madrid se met en place. André Regard avait été trésorier-payeur général des Finances en Algérie.
« Le polytechnicien André Regard a cinquante six ans. … Après les barricades, André Regard a été ramené à Paris sans bagages dans un avion militaire. …, sous le nom de code de Raphaël, deviendra une des plus hautes et mystérieuses figures de l’O.A.S..» (Histoire secrète de l’O.A.S. par Georges Fleury édition Grasset page 182)
« 1er décembre. Le problème du passage de Madrid à Alger est enfin résolu : on nous apprend qu’un avion, loué pour nous en Grande-Bretagne, sera en place sur l’aéroport de Madrid à partir du lundi 5 décembre au matin » ( 600 jours avec Salan Jean Ferrandi page 69 )
« 4 décembre. Notre hôtel est littéralement envahi. Par les journalistes d’abord : ils sont plus d’une soixantaine….Par les policiers ensuite : à la troupe, sans cesse grossissante, des sbires espagnols se sont mêlés deux commissaires français venus paraît-il de Bordeaux. » ( 600 jours avec Salan Jean Ferrandi page 73)
« 5 décembre. A l’hôtel, les journalistes ont installé un véritable réseau de surveillance ; des tours de garde de jour et de nuit, voitures de permanence pour engager la poursuite s’il le faut. Tout cela complique singulièrement nos projets d’évasion. C’est dans cinq jours cependant que doit commencer la grande aventure. » ( 600 jours avec SALAN Jean Ferrandi page 74 )
La grande aventure
« Nous avons mis au point le scénario suivant : nous indiquons à la police espagnole que nous avons l’intention d’aller passer le week-end suivant à Burgos, où nous avons retenu des chambres. Sur la route de Burgos nous nous efforcerons de « semer » nos suiveurs( 600 jours avec Salan Jean Ferrandi page 76 ) »
Tout a été planifié, chaque intervenant a accepté, sans dérogation possible, le rôle qui lui a été attribué.
A 13 heures, comme prévu le général Gardy et moi-même partons pour Madrid, dans ma voiture. Nous devons retrouver le général Salan et le capitaine Ferrandi à minuit chez Serrano Suner, ancien ministre des affaires étrangères et beau- frère du général Franco.
En haut du col de Somosierra très enneigé, nous sommes contraints de stopper, un camion se trouve en travers de la route. Nous perdons beaucoup de temps. R.T.L. annonce que le général De Gaulle est arrivé en Algérie où des émeutes ont éclaté, la Légion a tiré sur la foule à Philippeville. Un moment d’intense émotion ; le général Gardy ne peut retenir ses larmes.
Nous voici enfin arrivés à Madrid ‘’ plazza Colon’’ où nous avons rendez-vous avec ‘‘X’’ qui nous attend en compagnie du fils aîné de Serrano Suner, surnommé « le diplomate. » Nous sommes un peu tendu et inquiet pensant à l’autre voiture et au troisième et dernier relais qui devrait avoir lieu, très bientôt, à ‘’San Augustin’’ situé à 30 kilomètres au Nord de Madrid. Ce qui va suivre n’est pas croyable, ni acceptable.
« Nous sommes en retard, dis-je à ‘’X’’ je pense que ’’Y ‘’ est déjà à San Augustin où Salan et Ferrandi ne vont pas tarder à arriver. » Réponse désarmante d’ ‘’X’’ : « Non, il avait autre chose à faire, il ira un peu plus tard. » Même scénario irresponsable qu’au mois de novembre en Biscaye.
Le général Gardy monte dans la voiture de Serrano Suner fils pour rejoindre l’appartement des ses parents, lieu du prochain rendez-vous. Afin d’assurer, en catastrophe, ce troisième relais, je me dirige très rapidement vers San Augustin demandant à ’’X’’ de m’accompagner car c’est lui qui détient les coordonnées de Serrano Suner chez qui il se trouvait dans l’aprèsmidi. Le général Salan et Ferrandi ont quitté Saint Sébastien à 17 heures après avoir prévenu la police qu’ils allaient, comme convenu, à Burgos. Les journalistes n’y ont vu que du feu.
- premier relais.
Marteau, résidant français en Espagne, assure le premier relais, dans une voiture Renault et par un heureux concours de circonstances distance la voiture de police espagnole.
- deuxième relais.
″Louis″ , qui fût si dévoué pendant le séjour du général en Espagne, assure avec sa Citroën, le deuxième relais Burgos-San Augustin où doit se trouver un troisième véhicule sous la responsabilité de ‘’X’’ et ’’Y ‘’ pour le trajet final.
« L’alerte cependant a été donnée. Dés la montée du col de Somosierra, nous rencontrons des voitures de police qui balaient la route de leurs puissants projecteurs… nous parcourons plusieurs barrages sans même que les policiers nous prêtent attention. (600 jours avec Salan Jean Ferrandi page 78)»
La police espagnole recherche une voiture Renault Frégate bleue clair alors que les fugitifs sont maintenant dans une Citroën D.S. beige.
- troisième relais.
Les responsables de ce troisième relais ne respectent pas leurs engagements. Ils ne seront pas au rendez-vous de San Augustin pour récupérer Salan et Ferrandi. Ils n’ont pas prévenu et ne s’excuseront pas.
‘‘X’’ et moi-même atteignons donc le troisième relais cinq minutes avant l’arrivée de la voiture du général ; un vent violent souffle et décoiffe Ferrandi, lequel court dans la pente après son chapeau qu’il ne rattrapera pas !
Arrivé à Madrid, je me laisse guider par ‘‘X’’ qui connaît l’adresse de la famille Serrano Suner. Il ne sait plus où se trouve la rue du général Mola, une des plus longues artères de la capitale débaptisée depuis. Heureusement, je la connais, c’était celle de mes correspondants lorsque j’étais en 1947/1948 au lycée français. Arrivés dans la rue du général Mola, à proximité de la résidence recherchée, ‘’X’’ ne se souvient plus quel est le numéro !
Nous stationnons dans une voie perpendiculaire, Salan, Ferrandi et moi assis dans ma voiture. Quarante minutes plus tard, ‘‘X’’ arrive enfin et conduit à pied mes deux passagers clandestins au terme de leur voyage.
Serrano Suner junior me sollicite pour l’accompagner à San Augustin, d’où je viens, point de départ du troisième relais où devrait se trouver ‘‘Y’’, qui n’a pas respecté les instructions reçues. Je n’ai jamais demandé si ‘‘Y’’était allé chercher le général pour assurer ce troisième
ABC mardi 13 décembre 1960
| Madrid. (De notre rédaction.) Venant de San Sebastian en automobile, le général Salan est arrivé à Madrid, dimanche à midi et demi. Il était accompagné de messieurs Ferrandi, Gorostarzu et Gardy. A son arrivée à l’hôtel Princesa, le général Salan et les messieurs mentionnés se sont dirigés immédiatement vers leurs appartements. Le premier occupe l’appartement n°3, au premier étage. A deux heures de l’après-midi, il a déjeuné, et deux heures plus tard, le général a quitté l’hôtel en automobile. A son retour, il a reçu un appel téléphonique. Lors de ses apparitions dans le hall, le général Salan a refusé catégoriquement de dialoguer avec les journalistes |
relais, mais ce qui est certain, c’est que nous sommes revenus à Madrid sans l’avoir trouvé.Il est quatre heures du matin lorsque je rejoins les fugitifs, rue du général Mola, dans l’appartement de la famille Serrano Suner. Le général Salan me dit à ce moment là que, n’ayant pas reçu le message attendu en provenance d’Algérie du général Jouhaud, les projets de départ ne sont pour l’instant pas réalisables. Madame Serrano Suner a eu la gentillesse de me servir un repas très apprécié à cette heure matinale. Aucune action ne pouvant être entreprise, le général Salan refuse alors l’hospitalité proposée par notre hôte. Nous partons. L’hôtel Princesa, futur P.C. madrilène du général, nous accueille à cinq heures, à l’aube du 11 décembre, le général Salan, Gardy, Ferrandi et moi-même. En arrivant à l’hôtel, nous remplissons les formalités administratives permettant à la police espagnole de retrouver le général Salan et Ferrandi.
Le message attendu, à Madrid, en provenance du général Jouhaud, à destination du général Salan n’est jamais arrivé. Noëlle Luchetti confirmera, lors de sa venue à Madrid quelques jours plus tard, que Jouhaud n’a jamais reçu le message de Salan.
« Aujourd’hui, arrivée de Noëlle Lucchetti, qui nous est envoyée d’Alger par Mme Salan, … et c’est ainsi que Jouhaud a toujours ignoré la teneur du message que lui avait envoyé Salan. Voilà donc comment se fait l’Histoire » 21 décembre (600 jours avec Salan Jean Ferrandi page 84)
« Le capitaine Sergent rapportera plus tard un entretien dans un appartement célèbre où le maître de maison l’avait chargé de me transmettre « le feu vert » du général Salan pour une action immédiate. Sergent confiera n’avoir pas acquis la conviction que l’ordre avait été donné par le général Salan. Cependant, il s’était rendu à Alger, me rendit compte de sa mission et manifesta son étonnement de me trouver surpris par cet ordre. Je n’avais aucun contact avec le général Salan. »
(« ô mon pays perdu » par Edmond Jouhaud Fayard 1969 page 123 )
Fin mars 1961 je rencontrerai pour la première fois le général Jouhaud chez Regard, boulevard Malesherbes, en présence du général Faure et de Gignac. Il me confirmera n’avoir reçu aucun message du général Salan au cours des mois de novembre et décembre 1960.
L’épopée d’Alicante 11 et 12 décembre.
« lourdes et confuses journées. (600 jours avec Salan Jean Ferrandi page 79 )
Les policiers ne sont pas de bonne humeur. L’avion, loué en Angleterre, n’arrivera que le lendemain. Il faudra en payer la location ; ma participation personnelle sera de quatre cent mille anciens francs que je règlerai dès mon retour en France. Les nouvelles d’Alger sont très mauvaises : manifestations musulmanes, des dizaines de morts, des mesures de répression prises par Paris contre nos amis, etc …
Il est très difficile de capter sur les ondes espagnoles, en 1960, des informations en provenance de l’étranger ; c’est pour cette raison que je passe l’après midi du 11 dans ma voiture garée derrière l’hôtel à écouter les radios périphériques françaises.
« A sept heures du soir, me voici avec un compagnon de route, roulant vers Alicante. J’ai très peu dormi la nuit dernière, la route est très mauvaise et à minuit je suis tellement épuisé que je décide de faire halte à Valence. ( 600 jours avec Salan Jean Ferrandi page 69 ) »
Ferrandi me rejoint et me demande de l’accompagner à Alicante : il m’indique qu’il ne faut pas prendre de valise afin de ne pas donner l’éveil à la police qui est loin d’avoir digéré l’affront fait hier au départ de Saint Sébastien. Je monte dans ma chambre, prend un rasoir dans ma poche, un pantalon de pyjama sous ma veste et nous voilà parti pour ce qui sera une nouvelle aventure. Il est épuisé dit-il, c’est pour cela qu’il dort en voiture durant tout le trajet. Cinquante kilomètres avant d’atteindre Valence, je m’arrête au bord de la route, marche un moment et lui demande de prendre le volant. Il refuse, trop fatigué. Ne parvenant plus à garder les yeuxouverts, je m’arrête encore à deux reprises. D’un commun accord nousdécidons de dormir à Valence.
Les espagnols n’ont pas de leçons à nous donner en matière d’écoute téléphonique. Ferrandi appelle le général au téléphone, en clair, lui raconte notre escapade , etc…
Le lendemain, quelques kilomètres avant Alicante, un barrage musclé sur la route, la police, en uniforme et en civil, nous attend. Les questions d’usage, nos passeports sont épluchés, recopiés, et nous voilà repartis.
« A Alicante, la déception est totale. Notre ami supposé ne veut pas entendre parler d’un transport clandestin. Il se réfugie, d’autre part, derrière le fait que le gouvernement français vient de suspendre toutes les liaisons avec l’Afrique du Nord ». (600 jours avec Salan Jean Ferrandi, page 69 )
Sur la route du retour, au même endroit, même barrage, nous retrouvons nos policiers. – Où allez – vous ? demandent -ils. – A Madrid.
- Nous sommes chargés de vous suivre, vous êtes priés de rouler à 80 kilomètres à l’heure, notre voiture Fiat ne va pas plus vite.
Nous reprenons la route, l’un derrière l’autre, mais c’est vraiment très long. Nous nous arrêtons et leur proposons de faire voiture commune. Après avoir consulté leur hiérarchie, notre suggestion est acceptée et nous reprenons la route à très vive allure puisque nous sommes couverts contre toutes effractions possibles. Nos hôtes sont deux policiers de la ‘secrète’, fort courtois, maîtrisant parfaitement notre langue, ayant servi longtemps à Tanger. « Ils acceptent, mais il faut croire que c’est la dernière fois qu’ils se rallieront à une solution de ce genre. L’allure à laquelle nous roulons ne paraît pas, en effet, les mettre particulièrement à l’aise. … Vers dix heures, dans la soirée, nous arrivons à Madrid. Les policiers d’Alicante me remettent entre les mains de leurs collègues de la capitale, lesquels me notifient aussitôt que je ne pourrai bénéficier à l’avenir de ma liberté de déplacement.. Nos espoirs de départ s’amenuisent. On m’apprend que l’avion britannique est maintenant arrivé et nous attend. Je doute que nous soyons désormais appelés à nous en servir. (600 jours avec Salan Jean Ferrandi page 69)
Dans une courbe, je perds le contrôle du véhicule pour finalement rester sur la chaussée. C’est alors qu’un de nos policiers effrayé s’écrie:
- Attention, vous n’avez pas vu le panneau « peligro » !
–Oui, mais je ne parle pas espagnol ! répondis-je.
En arrivant à Madrid, les policiers nous ont demandé de les laisser à une station de taxis, car vis à vis de leurs collègues espagnols, ils ne pouvaient pas arriver à l’hôtel Princesa dans notre voiture. C’est ainsi que nous avons débarqué au terme de notre épopée escorté par deux policiers, en civil, de la ‘’secrète’’ espagnole.
Les jours qui ont suivi, le général Gardy et moi sommes restés à l’hôtel Princesa avec le général Salan et Ferrandi. Les repas étaient animés, Gardy racontait souvent des histoires drôles provocant l’hilarité de tous y compris celle de Salan. La déception était cependant forte. La situation en Algérie était angoissante. Avec le général, nous avons beaucoup parlé de sujets divers et parfois très personnels.
En exil, loin de sa famille, après avoir connu tous les honneurs, le combat du général Salan n’était guidé ni par « l’Ambition, ni par la soif de Pouvoir. »
Seules motivations : la sauvegarde de l’Algérie, son amour pour la France. J’en étais convaincu, il me l’a confirmé. Vu la qualité et la franchise des échanges, j’avais l’impression qu’une confiance profonde s’était établie entre nous.
Des années plus tard, après la sortie de prison du général qui, par deux fois, avait commandé en chef devant l’ennemi, en Indochine puis en Algérie, je me suis rapproché d’Yves Gignac, le plus fidèle parmi ses fidèles, pour lui demander si je pouvais rendre visite au général Salan. Il me répondit :
« Tu fais partie des personnes fort peu nombreuses pour qui la porte du général sera toujours ouverte. »
Le 16 décembre, le général Gardy, un ami de Guy Forzy, grand et sympathique, dont je n’ai pas retenu le nom et moi-même avons repris le chemin de la France, dans ma voiture. Le général Gardy resta quelques jours à Saint Sébastien avant de regagner son domicile à Anglet. Seulement fouillé par les fonctionnaires français au passage de la frontière, je retrouve ma famille et reprends mes activités.
Pendant mon absence, le commissaire Lartigau, directeur de la circonscription de Dax des Renseignements Généraux était venu à mon domicile.
Cette mission, en terre espagnole, dura deux semaines.
(A suivre)