Bulletin 15
Nos adhérents ont publié
Edmond Michelet, garde des Sceaux (1959-1961) par Bernard Zeller
association «les amis de raoul salan»
24, rue alain chartier – 75015 Paris – www.salan.asso.fr – info@salan.asso.fr
Nos adhérents ont publié
Plus de trente années après « Derniers châteaux en Espagne », Nicolas Kayanakis a publié avec « Algérie 1960 : la victoire trahie », à quelques adaptations près, sa thèse soutenue en 1997 à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris « La Doctrine française de la guerre psychologique et la pacification de l’Algérie ».
L’ouvrage est articulé par thèmes autour de l’élaboration de la doctrine de guerre à mener en Algérie et en particulier de sa composante psychologique, puis autour de l’application de cette doctrine à la pacification de l’Algérie.
L’action et les directives du général Salan, commandant en chef en Algérie, sont largement citées dans cet ouvrage qui, également, dans un chapitre très riche, développe, analyse et met en perspective l’affaire Si Salah.
282 p. Edition Atlantis (collection France-Algérie), 2000
Jean-Maurice Garceau a passé six ans de sa vie en Algérie française. Arrivé en 1956, il la quitte lieutenant en 1962 marqué au fer rouge par l’abandon des populations qui avaient choisi la France. Il entame en 1967 une carrière civile en Afrique noire qui le conduira en Côte d’Ivoire, en Haute-Volta (Burkina-Faso), au Cameroun et au Gabon.
‘’Sur la route de Ouagadougou’’ est une succession, tantôt de récits cocasses et parfois à peine croyables, tantôt de rencontres inattendues avec des personnages peu banals. Le regard que porte Jean-Maurice Garceau sur l’Afrique, les Africains et les Européens qui y vivent n’est pas déformé par des présupposés intellectuels, encore moins par une idéologie. C’est ce qui donne à ce livre sa fraîcheur et son parfum d’authentique sur l’Afrique des années 70 et 80
196 p. Godefroy de Bouillon, 2007, 19,50 €
Elizabeth Cazenave poursuit sans relâche le travail de reconnaissance des artistes peintres de l’Algérie du 20ème siècle ; elle publie avec John Franklin un ouvrage sur Charles Brouty, bien nommé ‘’artiste reporter’’. Charles Brouty, 1897-1984, a en effet beaucoup donné de dessins à l’Echo d’Alger, dessins de la vie et des gens de tous les jours à Alger et dessins gentiment critiques des mœurs parlementaires ou administratives. Il fréquente deux grands peintres de sa génération, Jean Launois (1898-1942) et Etienne Bouchaud (1898-1989) et à leur contact, Charles Brouty devient un grand artiste. Il obtient la bourse de la Casa Velasquez et le Grand Prix artistique de l’Algérie.
Il voyage dans le sud et parcourt le Sahara des touaregs et celui des derricks. Toute sa vie il aura illustré de nombreux ouvrages pour lesquels il trouve le trait exact, aussi explicite que le texte.
160 p. Editions de l’Onde/ association Abd-El-Tif, 2007, 30 €
Edmond Michelet, Garde des Sceaux (1959-1961)
Note : nous retrouvons souvent des passages, voire des articles entiers de notre bulletin, dans des revues ou bulletins. Nous en sommes très heureux – c’est notre objectif de diffuser très largement un certain nombre d’informations et de vérités – mais le serions encore plus si la source en était citée.
Carrière ministérielle d’Edmond Michelet
Edmond Michelet a été ministre des armées du 21 novembre 1945 au 15 décembre 1946, ministre des anciens combattants du 9 juin 1958 au 8 janvier 1959, Garde des Sceaux- ministre de la Justice du 9 janvier 1959 au 24 août 1961, ministre d’Etat chargé de la Fonction Publique du 8 avril 1967 au 30 mai 1968, ministre d’Etat sans portefeuille du 31 mai 1968 au 12 juillet 1968, ministre d’Etat chargé des Affaires culturelles du 22 juin 1969 à sa mort le 9 octobre 1970.
Le présent dossier a trait à des actes d’Edmond Michelet intervenus en 1960 et 1961 alors qu’il était Garde des Sceaux
Après l’Affaire des barricades d’Alger (24 janvier au 1er février 1960), Edmond Michelet se rend à Alger en compagnie du ministre de l’intérieur, M. Chatenet, et du ministre des Armées M. Messmer, « en vue d’étudier sur place diverses mesures de remise en ordre ». Cette mission débouche, entre autres, sur le décret 60-118 du 12 février 1960, cosigné par Edmond Michelet, « modifiant et codifiant les règles relatives à la police judiciaire, à l’exercice de l’action publique, à la compétence et au fonctionnement des tribunaux permanents des forces armées ainsi que les pénalités applicables par ces juridictions dans les départements algériens et ceux des Oasis et de la Saoura, en vue du rétablissement de l’ordre, de la protection des personnes et des biens et de la sauvegarde du territoire ». Ce décret est modifié et complété par le décret 60-505 du 30 mai 1960, également cosigné par Edmond Michelet. Ces décrets et leur application ont été partiellement étudiés par Sylvie Thénault (voir par exemple : Justice et politique en Algérie, 1954-1962, Droit et Société, 34-1996, pp.
575-587)
1) Rétablissement de la peine de mort en matière politique
C’est Maître Olivier Sers, bien connu de nos adhérents, (voir bulletin n°2 du 3ème trimestre 2004), qui a mis en évidence le fait qu’Edmond Michelet a été le Garde des Sceaux, sous le ministère duquel la peine de mort pour crime politique a été rétablie.
- Ordonnance 60-529 du 4 juin 1960, publiée au journal officiel du 8 juin 1960
Cette ordonnance modifie « certaines dispositions du code pénal, du code de procédure pénale et des codes de justice militaire pour l’armée de terre et pour l’armée de mer en vue de faciliter le maintien de l’ordre, la sauvegarde de l’Etat et la pacification de l’Algérie ». Elle est cosignée par Edmond Michelet. Dans sa partie relative à la modification du code pénal, en son article 99, passé à peu près inaperçu à l’époque, elle stipule : « Seront punis de la peine de mort ceux qui auront dirigé ou organisé un mouvement insurrectionnel ou qui lui auront sciemment et volontairement fourni ou procuré des armes, munitions et instruments de crime, ou envoyé des substances ou qui auront, de toute manière, pratiqué des intelligences avec les directeurs ou commandants de mouvement ».
Code Pénal, Librairie Dalloz 1967-68
- Commentaires d’Antonin Besson
Pour un profane, cet article semble relativement « normal ».
Pour les juristes, il en est tout autrement, à commencer par
Antonin Besson, procureur général près la Cour de Cassation et procureur général lors du procès des généraux Challe et Zeller (29 et 30 mai 1961). Celui-ci, dans son ouvrage intitulé « Le Mythe de la Justice » (418 p. Editions Plon, 1973), qualifie ainsi cet article 99 : « ..les crimes de participation à un mouvement insurrectionnel sont maintenant punis de mort, alors que ces faits étaient auparavant réprimés par la loi du 24 mai 1834, laquelle prévoyait seulement une peine privative de liberté. Et la notion de complicité prend des dimensions insoupçonnées jusqu’alors. On ne se contente plus d’y comprendre les convoyeurs de subsistances comme autrefois. On met dans le même sac tout envoi de subsistances. C’est ainsi que le cuisinier peut signer son arrêt de mort en ravitaillant non
seulement des insurgés mais aussi des hommes faisant partie de bandes armées.
Jusqu’à la réforme du 4 juin 1960, seuls les faits d’une extrême gravité étaient punis de la peine capitale. Il en était spécialement ainsi lorsque des crimes de sang venaient ternir les événements. Maintenant, c’est à tout moment que la mort revient en un leitmotiv obsédant et tragique : tous les conjurés sont voués à la mort… » (pp. 253-254).
Sur la méthode utilisée pour rétablir la peine de mort en matière politique, Antonin Besson écrit : « Le procédé fut diabolique, qui réussit à rétablir la peine de mort en matière politique sans avoir l’air d’y toucher. »Et il explique la méthode utilisée, qu’il qualifie de « manœuvre »: « Les atteintes à la sûreté intérieure de l’Etat furent supprimées et traitées comme des atteintes à la sûreté extérieure de l’Etat. Celles-ci seules étaient maintenues. Comme elles restaient soumises aux pénalités qui leur étaient propres et qui comportaient la peine de mort, il s’ensuivit que la peine de mort devenait applicable à des infractions qui étaient antérieurement des atteintes à la sûreté intérieure de l’Etat et qui, à ce titre, échappaient alors à la peine capitale » (p.252) ».
Code pénal, Librairie Dalloz 1967-68
Antonin Besson n’est pas le seul à faire cette analyse de l’ordonnance du 4 juin 1960.
- Annexe historique au rapport à l’Assemblée nationale sur l’abolition de la peine de mort
L’annexe 1 au rapport présenté à l’assemblée nationale sur le projet de loi sur l’abolition de la peine de mort (loi 81-908 du 9 octobre 1981) est un rappel historique du débat parlementaire sur l’abolition de la peine de mort depuis 1791. Elle a été publiée au journal officiel. On y lit, pour la période 1830-1851 : « …En effet, deux jours après la proclamation de la Deuxième République, un décret du gouvernement provisoire abolit la peine de mort en matière politique ; l’Assemblée se prononce quelques mois plus tard ; lors du débat constitutionnel, elle adopte l’article 5 du projet de Préambule confirmant l’abolition en matière politique ; » Plus loin, pour la période 1940-1960, on y lit : « Si de nombreux cas nouveaux d’application de la peine de mort prévus sous le régime de Vichy (vols et agressions nocturnes, incendies volontaires de récoltes..) furent supprimés à la Libération, d’autres furent cependant ajoutés plus tard : vol à main armée (loi du 23 novembre 1950), incendie volontaire ayant entraîné la mort ou des infirmités graves (loi du 30 mai 1950), violences ou privations d’aliments ou de soins à enfants ayant entraîné la mort ou avec l’intention de la donner, crimes politiques (ordonnance du 4 juin 1960). »
- Commentaires de Maître Jean-Marc Varaut
Enfin, on peut lire dans l’ouvrage de Maître Jean-Marc Varaut « Un avocat pour l’Histoire,
Mémoires interrompus 1933-2005 » (459 p. Flammarion, 2007), à la page 110 : « Le procureur général Besson fut convoqué, comme il m’en fit plus tard la confidence, avant le procès (des généraux Challe et Zeller, NdR), devant une sorte de comité ministériel. Il fut entrepris avec insistance ; il devait demander l’application de la récente ordonnance du 4 juin 1960 rétablissant la peine de mort en matière politique ; »
On peut donc affirmer sans erreur qu’Edmond Michelet, Garde des Sceaux, a joué un rôle de premier plan, es fonctions, dans le rétablissement en France, en juin 1960, de la peine de mort en matière politique, peine abolie pour ce motif depuis 1848 et non rétablie depuis lors, que ce soit sous le 2ème Empire ou sous le régime de l’Etat Français. Il a apposé sa signature, en tant que Garde des Sceaux à l’ordonnance 60-529 qui la rétablissait.
Cette ordonnance, en son article 99, sera appliquée par la suite uniquement aux militaires et civils français et qui se sont révoltés en 1961 et 1962 dans le but de maintenir la présence française en Algérie.
2) Application de l’ordonnance du 4 juin 1960 au cas des officiers français – les généraux Challe et Zeller
- citation devant le Haut Tribunal Militaire
Le rapport à M. le Président de la République (De Gaulle) du Garde des Sceaux (Edmond Michelet), du ministre des Armées (Pierre Messmer) et du Premier Ministre (Michel Debré) visant à déférer les généraux Challe, Jouhaud, Salan et Zeller devant le Haut Tribunal Militaire indique « qu’il n’y a lieu de ne retenir les susnommés (les généraux Challe, Jouhaud, Salan et Zeller, NdR) que sous la seule et unique acceptation de l’article 99 du code pénal ». C’est donc sous le seul chef d’accusation « d’avoir dirigé et organisé un mouvement insurrectionnel » relevant de l’article 99 du code pénal que les quatre généraux sont déférés devant le Haut Tribunal Militaire institué par décision du Président de la République du 27 avril 1961 en vertu de l’article 16 de la constitution. Le décret correspondant est signé le 20 mai 1961 par le Président de la République, le Premier ministre, le Garde des Sceaux (Edmond Michelet) et le ministre des armées. En vertu de l’ordonnance du 4 juin 1960, ils risquent la peine de mort.
Le procureur général Besson, dans l’ouvrage cité plus haut (Le Mythe de la Justice), indique qu’il refusa d’utiliser les droits exorbitants qui lui étaient conférés par les textes pris en vertu de la mise en application de l’article 16. Il aurait pu mettre en œuvre une procédure consistant à mettre sous mandat, après un simple interrogatoire les personnes arrêtées, leur comparution devant le Haut Tribunal Militaire devant avoir lieu à l’expiration d’un délai de huit jours. Il ajoute : «Une telle procédure n’avait pas de précédent, même en temps de guerre où la citation directe ne peut être employée que si la peine de mort n’est pas applicable. »
- demandes ministérielles au procureur général Besson avant le procès
Elles sont connues par la publication, dans l’ouvrage de Jean-Raymond Tournoux, « Jamais dit » (490 p. Plon, 1971), des notes prises par le procureur général Antonin Besson dans les jours précédant le procès des généraux Challe et Zeller (pp. 258-262).
Le samedi 27 mai 1961, Le procureur général Antonin Besson est convoqué à une réunion à 17h30 au Ministère de l’Intérieur à laquelle participent MM Frey, ministre de l’Intérieur, Messmer, ministre des Armées et Michelet, Garde des Sceaux. : « Après une très agressive entrée de jeu par M. Michelet sur la question de la salle d’audience ….. M. Messmer me demande, d’un ton doucereux, quelles sont mes intentions en ce qui concerne la peine que je me propose de requérir contre Challe et Zeller. »
Dimanche 28 mai 1961
« A 9h30, M. Michelet m’appelle au téléphone. Il me demande d’aller à la Chancellerie, le lundi matin à 9h30 pour y rencontrer ses collègues de l’Intérieur et des Armées. Je lui fais part des graves objections que je formule à l’encontre de cette réunion, fixée à quelques heures avant l’ouverture des débats… »
« Vers 12h30, nouveau coup de téléphone de M. Michelet qui m’annonce que la réunion aura lieu à la Chancellerie le soir même, à 19h30. »
« Je suis très inquiet de l’allure que va prendre cet entretien ; je suppose qu’il va se traduire par une aggravation de la pression faite sur moi, la veille, en ce qui concerne les peines à requérir. La réunion envisagée ne me paraît pas avoir d’autre but. Enfin, le ton « affectueux » de M. Michelet, qui m’appelle son « cher procureur général » me laisse la conviction qu’une partie décisive va se jouer ce soir. »…..
« J’arrive, à 19h30, à la Chancellerie où le rendez-vous m’a été donné. Les ministres sont là qui m’attendent et me donnent l’impression de constituer un véritable tribunal de l’Inquisition. La façon dont je serai interrogé me le confirmera car je vais être soumis à des entretiens qui procèdent du lavage de cerveaux. »…
Pierre Messmer réclame pour Challe et Zeller que soit requise la même peine, la peine de mort. « Le code pénal prévoit la mort, et l’on ne voit pas dès lors pourquoi je ne la requerrais pas »…
« M. Michelet relaie M. Messmer dans l’entreprise de désintégration de ma personnalité. »
– Lettre d’Edmond Michelet au procureur général Besson
Les principaux extraits de cette lettre ont été publiés dans l’ouvrage de Jean-Raymond Tournoux cité plus haut (p. 265). Le texte intégral figure, pp. 263-268, dans un autre ouvrage de Jean-Raymond Tournoux « L’Histoire Secrète » (383 p. Plon, 1962).
Dans cette longue lettre de cinq pages datée du 30 mai 1961, Edmond Michelet écrit : « Les articles 90 et 91 combinés, l’article 99 du Code Pénal semblent avoir été exactement conçus pour des situations de cette sorte. » Il s’agit d’articles figurant dans l’ordonnance du 4 juin 1960 cosignée par Edmond Michelet. Il ajoute : « Le code est formel : il prévoit la peine de mort. On n’aperçoit pas quelles circonstances atténuantes peuvent être découvertes. »
Et, plus loin : « A la lumière du dossier, le crime d’André Zeller a été plus largement prémédité. », et encore : « ..si la peine de mort n’est pas réclamée cette fois, il est à escompter, pour tenir compte de la hiérarchie des responsabilités, que les sanctions à envisager ultérieurement devront descendre fort bas dans l’échelle des peines et gêner par conséquent d’une façon considérable l’ensemble de la répression ».
Enfin : « J’ajouterai en terminant que vous avez certainement conscience que si les crimes commis le 21 avril et jours suivants ne sont pas sévèrement châtiés, la porte est ouverte à l’exemple ».
– Réflexions du procureur général Besson sur l’application de la peine de mort aux généraux Challe et Zeller
Elles figurent dans l’ouvrage d’Antonin Besson cité plus haut (pp. 284-285). Il s’agit de commentaires à propos de la lettre reçue d’Edmond Michelet :
« Si la lettre était tendre pour Challe, par contre, elle était rigoureuse pour Zeller contre lequel il était relevé que par ses contacts, ses relations et ses projets, ce général s’était introduit dans les milieux activistes et que ses desseins dérivaient largement sur la politique.
Sans doute était-ce vrai! Mais les seuls éléments résultant du dossier et dont je pouvais tenir compte s’appuyaient sur les articles incendiaires qui dataient d’avril 1957[1], ce qui ne l’avait pas empêché de devenir au lendemain du 13 mai 1958[2] le chef d’état-major des Forces terrestres.
Rapprochée de ce qui m’avait été dit le samedi 27 mai, sur le compte de Zeller, cette lettre m’apportait la conviction que seul Zeller serait exécuté dans le cas où les deux accusés seraient condamnés à mort et, a fortiori, si ce dernier devait être le seul à être condamné à la peine de mort. »
L’Aurore, 1er juin 1961
– Réaction d’Edmond Michelet au verdict du procès Challe-Zeller
Le procureur général Besson, dans son réquisitoire demanda une peine de détention criminelle à perpétuité pour les généraux Challe et Zeller. Le tribunal reconnut les circonstances atténuantes et les condamna, au titre de l’article 99 du Code pénal à une peine de quinze ans de détention criminelle.
Le seul document connu de nous qui fasse état de la réaction d’Edmond Michelet à la suite du verdict du Haut Tribunal Militaire est le texte d’une communication faite par Jean-Michel Valade, professeur chargé du Service éducatif du Centre Edmond Michelet, lors d’une Journée d’études sur le guerre d’Algérie, tenue le 18 janvier 2006, au lycée Cabanis de Brive. Cette communication s’intitule : « Du putsch des généraux, à Alger, en avril 1961, à la prison de Tulle », avec pour sous-titre : « Essai d’utilisation de quelques sources du Centre Michelet ».
A propos du verdict du procès des généraux Challe et Zeller, l’auteur écrit : «Edmond Michelet, dont les relations avec le Premier ministre se sont dégradées, rédige une nouvelle lettre de démission. Justifiant sa détermination à quitter le gouvernement Debré, le Garde des
Sceaux évoque « le détestable réquisitoire du Procureur Général et le scandaleux verdict du Haut Tribunal Militaire» qui sont analysés comme « des conséquences, entre bien d’autres, de l’affaiblissement du civisme chez ceux qui devraient se considérer comme les premiers serviteurs de l’état.»
Après le procès Challe-Zeller, Antonin Besson sera nommé, le 28 août 1962, conseiller du gouvernement pour les affaires judiciaires, ce qui lui retirera son titre de procureur général près la Cour de Cassation. Le gouvernement ne le consultant pas, il demandera sa mise à la retraite en octobre 1962.
C’est au titre de ce même article 99 que de nombreux officiers, jugés après les généraux Challe et Zeller, ont été également inculpés et déférés devant le Haut Tribunal Militaire ou devant le Tribunal militaire spécial. C’est le cas des généraux Bigot, Gouraud, Nicot, Petit, des colonels de la Chapelle, Lecomte, Masselot, des commandants Forhan, Robin, de Saint Marc. Tous encouraient la peine de mort. Le général Salan et le général Jouhaud ont été condamnés à mort par contumace le 11 juillet 1961 au titre de l’article 99.
3) Actions d’Edmond Michelet en tant que Ministre de la Justice selon les ouvrages disponibles et dans la presse
Il n’existe pas, à notre connaissance, d’ouvrage faisant un bilan exhaustif de l’action d’Edmond Michelet en tant que Garde des Sceaux.
Le recueil des communications faites au colloque
« Edmond Michelet, homme d’Etat » tenu au
Palais du Luxembourg les 15 et 16 octobre 1999 (271p. Fraternité Edmond Michelet, Brive, 2000) comporte :
- une contribution de Guillaume Mouralis, « Le ministre de la Justice, 1959-1961 »
- une contribution de Sylvie Thénault, « Edmond Michelet et les institutions
judiciaires en Algérie »
- une contribution de Raphaëlle Branche, « Edmond Michelet, le ministre de la Justice et la torture ».
L’article de Guillaume Mouralis met en valeur
- les actions menées par Edmond Michelet en faveur des détenus F.L.N. (institution d’un régime voisin du régime politique, transfert en métropole des ex-condamnés à mort F.L.N. – tous graciés en janvier 1959, transfert dans l’enceinte fortifiée de l’île d’Aix, des chefs du F.L.N. arrêtés en 1956),
- les contacts pris avec Fehrat Abbas dès 1959 puis les relations étroites avec les détenus de l’île d’Aix (Ahmed Ben Bella en particulier mais aussi Rabah Bitat,
Mohamed Khider, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf)
- les relations difficiles avec Michel Debré irrité par les actions du cabinet d’Edmond Michelet, en particulier celles de Gaston Gosselin qui quittera le cabinet, suivi par Joseph Rovan, et qu’Edmond Michelet remplacera par Hervé Bourges.
Rien n’apparaît, dans cet article, sur les lois, décrets et ordonnances promulgués sous la responsabilité d’Edmond Michelet pendant la période où il a été Garde des Sceaux.
La communication de Sylvie Thénault se focalise sur le décret du 12 février 1960 (voir plus haut) ; celle de Raphaëlle Branche sur la torture.
Outre les ouvrages cités plus haut d’Antonin Besson et de Jean-Raymond Tournoux, certains des livres d’Edmond Michelet, consacrés à Edmond Michelet ou mentionnant Edmond
Michelet traitent des thèmes de l’article de Guillaume Mouralis, en y ajoutant parfois le fait qu’Edmond Michelet, en tant que Garde des Sceaux, a demandé systématiquement la commutation des peines de mort prononcées contre les membres du F.L.N. convaincus la plupart du temps d’attentats avec morts d’hommes. Ces demandes de grâce ont été satisfaites dans la proportion de 9/10. Sont parfois notés les efforts, couronnés de succès en mai 1961, pour faire transférer les détenus F.L.N. de l’île d’Aix au château de Turquant.
De manière générale, rien n’est dit de précis sur l’action d’Edmond Michelet au ministère de la Justice.
On peut citer :
- Joseph Rovan, Mémoires d’un Français qui se souvient d’avoir été Allemand, 555 p. Seuil, 1999.
–
- Edmond Michelet, Le gaullisme, passionnante aventure, 171 p., Fayard, mai 1962
–
- Jean Charbonnel, Edmond Michelet, 292 p., Beauchesme, 1988
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- Edmond Michelet, La querelle de la fidélité, peut-on être gaulliste aujourd’hui ?
entretiens avec Alain Duhamel, 189 p., Fayard, 1971
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- Claude Michelet, Mon père Edmond Michelet, 219 p., Pocket 1990
–
- Pierre Panen, Edmond Michelet, 136 p., Desclée de Brouwer, 1991
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- Louis Terrenoire, Edmond Michelet, mon ami, 142 p., Nouvelle cité, 1992
–
- Hervé Bourges, De mémoire d’éléphant, 506 p., Grasset, 2000
En ce qui concerne la presse, sans être bien entendu exhaustif, on peut citer trois articles consacrés à Edmond Michelet :
- L’Express, n°487 du 13 octobre 1960
Ce numéro, dont la « une » est un portrait
pleine page d’Edmond Michelet porte, la mention : Michelet : histoire d’un gaulliste. La double page (10-11) qui lui est consacrée est signée de Claude Krief. Celui-ci cite l’ordonnance du 60-067 du 6 octobre 1960 prise sur le rapport du Garde des Sceaux (Edmond Michelet) qui contient deux dispositions principales :
◦ aucun témoin ne pourra, lors d’un procès, parler d’événements ne se rapportant pas directement aux faits reprochés à l’accusé, ◦ toute suspension d’un avocat au cours d’un procès devient immédiatement exécutoire.
Cette dernière disposition sera appliquée, à notre connaissance une seule fois, à Me Isorni, le 6 février 1963 lors du procès dit « de l’attentat du Petit-Clamart » tenu devant la Cour Militaire de Justice. Me Isorni est suspendu pour une période de 3 ans, immédiatement exécutoire, nonobstant les voies de recours. L’émotion est grande au barreau de Paris. Me François-Martin est commis d’office par le bâtonnier pour assurer la défense de Prévost dont Me Isorni
était le défenseur. Prévost sera condamné à mort, de même que Bastien-Thiry et Bougrenet de la Tocnaye. Bastien Thiry sera exécuté, Prévost et Bougrenet de la Tocnaye verront leurs peines commuées en détention criminelle à perpétuité.
La tonalité de l’article de Claude Krief est celle-ci : Edmond Michelet, « gaulliste inconditionnel, garde une foi aveugle (en de Gaulle, NdR) qui lui fait tout couvrir et tout accepter. ». « Ses drames de conscience ne changent rien à la chose : la signature d’Edmond Michelet est indélébile sur les pages du Journal Officiel. »
- France-Observateur n° 575 du 11 mai 1961
Ce numéro, comme celui de l’Express, présente à sa « une » un portrait d’Edmond Michelet, avec, pour titre, Le Conflit Debré-Michelet.
Dans le corps de l’article (pp.3 à 5), signé Georges Suffert, quelques faits sont mentionnés, dont la dissolution toute récente du Conseil de l’Ordre des avocats d’Alger par un décret signé d’Edmond Michelet. Est indiqué également le conflit entre Michel Debré et Edmond Michelet A la suite de la demande par le premier au second d’accélérer les poursuites contre les signataires du « Manifeste des 121 [3] », Edmond Michelet oppose un non catégorique. « Il souligne le caractère dérisoire de l’amalgame (avec la révolte d’Alger d’avril 1961, NdR) ; impossible de mettre sur le même plan la révolte militaire de quatre des plus hauts responsables de l’armée française et les signatures d’un certain nombre d’intellectuels au bas d’un texte… Il laissera le procès des 121 venir normalement en temps voulu.». Le désaccord est net. Michel Debré est irrité. En fait, Edmond Michelet quittera son ministère le 24 août
1961.
- Le Monde n° 8006 du samedi 10 octobre 1970
Ce numéro présente une nécrologie d’Edmond Michelet décédé le 9 octobre 1970 et un long article de Joseph Rovan intitulé : « Un homme d’Etat franciscain ».
La nécrologie mentionne : « Dans le cabinet de M. Michel Debré, jusqu’au remaniement du 24 août 1961, M. Michelet sera Garde des Sceaux et apparaîtra comme le représentant de la tendance libérale du gaullisme, ce qui n’ira pas sans créer divers conflits.»
Joseph Rovan indique la mise en chantier par Edmond Michelet de nombreuses réformes, « régimes matrimoniaux, statut de la famille et de la personne, régime des sociétés, humanisation du régime pénitentiaire », mais ce n’est pas le cœur de son article qui développe surtout les épisodes de la résistance et du ministère des armées ainsi que son tropisme F.L.N., rappelant qu’Edmond Michelet a reçu en 1967, premier Français, après une visite au président Houari Boumediene, la médaille d’honneur de la ville d’Alger.
Les ouvrages, hormis ceux d’Edmond Michelet lui-même, écrits soit par des amis soit par des collaborateurs d’Edmond Michelet, manquent de la distanciation indispensable pour fournir une vue complète et impartiale de la vie et de la personnalité d’Edmond Michelet. Il reste à écrire une biographie non hagiographique d’Edmond Michelet, homme politique et en particulier ministre de la Justice.
Les archives du Centre Edmond Michelet de Brive, dont le pré-inventaire a été mis à jour en 2003, contiennent des documents permettant ce travail. Certaines de celles relatives à son passage au ministère de la Justice ne sont pas communicables avant un long (2022) ou très long (2069) délai.
Quoi qu’il en soit, il reste qu’Edmond Michelet est le signataire d’une ordonnance, celle du 4 juin 1960, rétablissant la peine de mort en matière politique, peine abolie depuis 1848. Et il a demandé instamment qu’elle soit appliquée aux généraux Challe et Zeller.
[1] NdR : Il s’agit d’articles publiés dans l’hebdomadaire Carrefour, qui accueillait également les écrits d’Edmond Michelet, articles au demeurant beaucoup plus mesurés que ceux publiés à la même époque par Michel Debré dans « Le Courrier de la Colère ».
[2] NdR : Plus précisément le 1er juillet 1958, la décision le nommant à ce poste étant prise en conseil des ministres présidé par le président du conseil, à l’époque le général de Gaulle
[3] Datant du 6 septembre 1960