Bulletin 11
LES AMIS DE RAOUL SALAN LE BULLETIN 11
Disparition / Jacques Augarde
Nos adhérents ont publié
NASAN, la victoire oubliée par Jacques Favreau et Nicolas Dufour
Préface d’Helie Denoix de Saint Marc
L’affaire du Bazooka
Biographie / Commandant Robert Rodier
Disparitions
Jacques Augarde, qui était adhérent de notre association avec le numéro 119, est décédé le 19 juillet 2006, à l’âge de 98 ans. Le 5 juillet 2006, il était encore présent au haut des Champs Elysées pour la manifestation en souvenir des morts du 5 juillet à Oran.
Né à Agen le 13 avril 1908, Jacques Augarde, diplômé de l’Ecole libre des hautes études sociales, prend part à la deuxième guerre mondiale en rejoignant l’Afrique du Nord, via l’Espagne où il est emprisonné plusieurs mois, et en s’engageant dans les Goums marocains. Il participe aux campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne et y est successivement officier adjoint aux commandants des 62ème et 63ème Goums du 1er G.T.M., officier de liaison et officier de renseignement au XIIème Tabor. Il y gagne deux citations et est promu chevalier de la Légion d’honneur par décret du 14 juin 1946.
Il est membre de la deuxième Assemblée Nationale Constituante élue le 2 juin 1946, en tant que représentant des Français du Maroc. Par la suite, il est élu député M.R.P. de Constantine (1er collège) lors des élections à l’Assemblée Nationale du 10 novembre 1946 qui voient le M.R.P. émerger comme le deuxième parti le plus important (26% des voix), après le parti communiste (29%).
Notice et photographie de Jacques Augarde figurant dans le
« trombinoscope » de l’Assemblée Nationale élue le 10 novembre 1946
Le 22 novembre 1947, Jacques Augarde fait partie, en tant que sous-secrétaire d’Etat aux Affaires Musulmanes, du cabinet Robert Schuman qui succède au cabinet Ramadier. Le cabinet Schuman chute le 19 juillet 1948, ce qui met un terme à la carrière ministérielle de Jacques Augarde. Elu sénateur de Constantine le 30 septembre 1951 à la suite d’une élection partielle, il est réélu au deuxième tour, lors du renouvellement du 18 mai 1952, et reste sénateur jusqu’au 31 mai 1959, terme de son mandat. Il n’est pas réélu. Depuis 1947, il était maire de Bougie ; il le restera jusqu’en 1962. Il est également conseiller général d’Akbou de 1949 à 1960, puis de Bougie-Ouest, de 1960 à 1962. Après 1962 et le retour en Métropole, Jacques Augarde est administrateur de sociétés, membre du Conseil Economique et Social de 1965 à 1967, président de l’association de coopération et de liaison France-Afrique, vice-président puis président du Groupe des anciens députés, président de l’Association européenne des anciens parlementaires des pays membres du Conseil de l’Europe, président de l’Amicale du Sénat.
Jacques Augarde était président du C.L.A.N., Comité de Liaison des Associations
Nationales de Rapatriés, et, à ce titre, très actif dans la défense de l’œuvre française en Afrique du Nord. Il a beaucoup œuvré pour faire (re)connaître en France le rôle joué par l’Armée d’Afrique – « indigènes », Européens d’Afrique du Nord et métropolitains – dans la libération de notre pays, ce qui lui a permis de figurer parmi les signataires de la capitulation du Reich.
Il était l’auteur de plusieurs ouvrages, Millières en 1950, Tabor en 1951 (voir la rubrique « Nos amis ont publié »), La Migration algérienne en 1970, La longue route des Tabors en 198 3.
Jacques Augarde était commandeur de la Légion d’honneur et de l’Ordre National du Mérite, titulaire de la croix de guerre 1939-45 et de la médaille des évadés, Grand Officier du Ouisam Alaouite et du Nichan-Iftikhar.
Jacques Augarde en 1944
Nos adhérents ont publié
Jacques Augarde, qui vient de nous quitter, a retracé dans cet ouvrage son expérience d’officier subalterne de goum marocain pendant les campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne en 1944-45. Il combat avec le 62ème goum au sein du Corps Expéditionnaire Français en Italie du général Juin. Affecté au 63ème goum, le narrateur débarque sur le sol de la patrie à La Nartelle. Le 29 août après les combats pour la libération de Marseille, il défile dans la ville devant le général de Lattre. Après un passage par les Alpes, ce sont les combats du Doubs, des Vosges et de l’Alsace qu’il termine comme officier de renseignement du 12ème Tabor. Puis c’est le passage du Rhin, la prise de Pforzheim et de Stuttgart et l’armistice. Le grand mérite de cet ouvrage est de faire vivre au jour le jour la vraie fraternité des armes entre « Indigènes » et Européens que beaucoup semblent aujourd’hui avoir oubliée.
Préface du général Guillaume 290 p. Editions France-Empire 1951
Elizabeth Cazenave poursuit son travail indispensable d’exploration et de révélation des peintres d’Afrique du Nord avec un ouvrage sur Paul-Elie Dubois. Originaire de Franche Comté, lauréat de » la bourse de la Villa Abd-el-Tif la même année que Jean Launois – un an avant Maurice Bouviolle et deux ans avant Pierre Deval – Paul-Elie Dubois a la révélation de la lumière en arrivant à Alger en 1921. En 1928, il participe à une mission scientifique au Hoggar organisée par le gouverneur général Bordes. Il se passionne alors pour ce pays, les Touaregs et leur vie. Il participera en tout à cinq missions au Hoggar, jusqu’en 1948. La vision qu’il donne de l’Algérie et du Hoggar tourne le dos au romantisme exotique, sans tomber dans le réalisme ethnographique.
159 p. Editions Le Layeur oct. 2006 42,50 €
Trois récits composent cet ouvrage : « Opération Si Ziane », « Craquelures » et « Bonjour, Reib ». Leur unité tient dans la description de la « longue petite guerre d’Algérie » telle qu’elle fut vécue par la plupart des engagés, des appelés et des rappelés. La Guerre Oubliée complète l’Algérie des Adieux, publiée précédemment – et présentée dans le bulletin n°10 – en ce que celle-là décrit les « ballets sanglants qui se déroulèrent à doses modestes, pendant sept ans et demi » et que celle-ci peint l’agonie de l’Algérie Française, tous deux ouvrages situés volontairement dans la banalité et la tragédie du quotidien.
Il y eut dans toute l’étendue de l’Algérie, chaque jour, les combats oubliés du bled. C’étaient le baroud à ras de terre, les embuscades, le harcèlement, les ratissages, les marches épuisantes, les poursuites. Les images qui en sont données aujourd’hui sont tellement déformées, films bourrés d’invraisemblances, calomnies sur l’armée, contingent instrumentalisé, qu’il est salubre que ce livre « remette les pendules à l’heure ».
203 p. Plon 1974
Ouvrage d’intérêt
NASAN, la victoire oubliée (1952-1953) Base aéroterrestre au Tonkin
Jacques Favreau et Nicolas Dufour
Préface d’Hélie Denoix de Saint Marc, Paris, Economica, 1999, 208 p.
Les auteurs, tous deux officiers, présentent une étude de la bataille de Nasan, au Tonkin. En novembre et décembre 1952, la défense de cette base mit hors de combat quatre bataillons ennemis sur les 18 qui l’attaquaient, et l’Armée Nationale Populaire du Vietnam (ANPV) de Giap y perdit au moins 3000 tués et blessés. La poussée adverse qui avait commencé en octobre 1952, avec la prise de Nghia Lo, vers le Haut Laos en fut arrêtée un temps.
C’est avant tout une étude militaire de l’aménagement de la base organisée autour d’une piste accessible aux Dakotas et protégée par un système complexe de points d’appui. L’un d’eux, que commandait le père de l’un des auteurs, est le sujet d’une étude complète. Ce même caractère se retrouve dans une étude de la tactique du Vietminh, le rôle d’une équipe de renseignements, la 426, la tactique de l’assaut et celle de la contre-attaque. Enfin le rôle de l’aviation, sans qui la base n’eut jamais été pensable, est rappelé.
Le contexte stratégique est rapidement évoqué, peut-être un peu rapidement. L’attaque d’octobre 1952 fut une surprise pour le général Salan, qui ne disposait pas d’informations aussi précises que l’on suggère. Il avait refusé la bataille dans la région de Nghia Lo, repliant les forces françaises vers Nasan, dont l’aménagement avait commencé le 28 octobre, 13 jours après le début de la campagne. Il créa ainsi un camp retranché pour attirer les unités ennemies, les détruire en leur infligeant des pertes considérables.
Giap n’avait jamais attaqué que des postes petits et sans armes lourdes. A Nasan, sur un terrain préparé, avec de l’artillerie, Salan était sûr d’affaiblir son adversaire. Ce camp retranché n’a survécu qu’avec l’aviation du GatacNord : la piste avait été adaptée aux avions gros porteurs. Un système de guidage Torricelli pour la pose et l’envol était servi par une quarantaine de spécialistes qui assurèrent la survie de milliers de combattants français. L’emploi des appareils causa même une tension violente entre Salan et le général Chassin, commandant l’Air en Indochine.
Enfin, il ne faut pas cacher que Nasan n’était pas un exemple ; le camp était vulnérable à cause des cibles faciles à atteindre : réservoirs de carburants et batteries d’artillerie pas enterrés, concentration des services (Transmissions, essence, logements), dépôts de munitions proches du point d’appui n°1 et de ses deux batteries de 105. Le personnel technique et le commandement étaient sous de simples tentes. Heureusement, les assaillants ne possédaient qu’une puissance de feu réduite, ce qui épargna bien des drames.
Ce livre est enrichi de photographies d’un réel intérêt, de cartes et de croquis tactiques, et surtout d’extraits de lettres et du journal de marche d’un des
Le général Salan décore le lieutenant Blanquefort officiers de Nasan. Tout cela rend bien le climat à Nasan le 10 décembre 1952
humain d’une bataille où le courage déployé mériterait mieux que l’oubli actuel
Jacques Valette
L’affaire du bazooka
Chronologie (1/2) Le document ci-après, est une chronologie établie par le cabinet du général Salan peu après l’attentat du bazooka ; elle couvre la période du samedi 12 au mercredi 16 janvier 1957, jour de l’attentat. Elle resitue cet événement dans l’emploi du temps très dense du général Salan. |
Chronologie (2/2) L’examen de cette chronologie montre que, comme souvent, le hasard a été présent dans cette affaire puisque le rendez-vous du général Salan avec le Ministre-Résident, M. Lacoste, n’avait été pris que le matin même à Maison Blanche. Egalement, sans l’insistance du capitaine Ferrandi pour rappeler ce rendez-vous et faire en sorte que le général Salan n’y arrive trop en retard, l’histoire eut été différente. |
Compte rendu officiel (1/3) Compte rendu factuel de l’attentat du bazooka rédigé une semaine après les faits par le 2ème Bureau de l’Etat-Major du général Salan. Il est destiné à l’Etat-Major particulier et au cabinet du Ministre de la Défense Nationale qui, à cette date, était Maurice Bourgès-Maunoury (cabinet Guy Mollet). Une copie est également diffusée à Max Lejeune, secrétaire d’Etat « Guerre ». |
Compte rendu officiel (2/3) Techniquement, le dispositif, bien qu’artisanal était parfaitement étudié : deux tubes, l’un pointé sur le bureau du général Salan, l’autre sur le bureau commun à son directeur de cabinet, le lieutenant-colonel Basset, et à l’adjoint de celui-ci, le commandant Rodier. Les roquettes provenaient d’un lot de l’armée française. La mise à feu était commune aux deux roquettes, ce qui a permis le synchronisme des deux tirs |
Compte rendu officiel (3/3) Ce compte rendu indique clairement que l’attentat est à attribuer au F.L.N. Il était inimaginable aux yeux des officiers de l’Etat-Major que cet acte de terrorisme pût venir de milieux européens. Les proclamations des radios des pays soutenant le F.L.N. confortaient l’attribution de l’attentat. En fait, c’était aussi une occasion, pour le F.L.N. de faire état de sa capacité à frapper à son sommet le commandement militaire français en Algérie. |
Procès verbal de perquisition du domicile de René Kovacs Le 26 janvier 1957, à 3 heures du matin, René Tozza, commissaire de police, assisté des inspecteurs Prat et Bernabeu et de l’officier de police Franco, perquisitionne la villa de René Kovacs située Chemin des Vieillards à Bouzaréah. Il agit sur commission rogatoire du juge Bérard. Le fil électrique de la mise à feu a conduit à un certain Tronci, bijoutier, et par lui à Gaffory, Philippe Castille, Michel Fechoz, Gabriel Della Monica et René Kovacs. |
Procès verbal d’audition de René Kovacs (1/2) Le 26 janvier 1957, l’officier de police Jean Moreno entend René Kovacs ; après quelques considérations sur son état de santé qui lui interdirait d’exercer sa profession de chirurgien dentiste, René Kovacs admet connaître M Tronci, bijoutier auquel il avait acheté un bracelet pour son épouse. Il dit ne pas connaître les noms de Della Monica et de Gaffory ni les prénoms de Gaby (Della Monica) et d’Ange (Gaffory). |
Procès verbal d’audition de René Kovacs (2/2) René Kovacs indique qu’il a dans ses relations des Michel et des Philippe, plus particulièrement Michel Féchoz et Philippe Castille. Il prétend avoir appris par la presse l’attentat du 16 janvier et « pense ne pas avoir de relation avec cette affaire ». Il dit être « pour le moins surpris d’avoir été dénoncé comme ayant participé à l’attentat » et déclare être « innocent dans cette affaire et demande à être mis en présence de ses accusateurs ». |
Commandant Robert Rodier
Né en 1906, savoyard, Robert Rodier effectue son service militaire au 14ème bataillon de chasseurs alpins. Elève officier de réserve, il est sous-lieutenant le 10 novembre 1929 et affecté au 10ème régiment de tirailleurs sénégalais. En Tunisie en 1930, il réussit le concours d’élève officier d’active et rejoint Saint Maixent le 1er octobre 1932. Il est affecté en Afrique Equatoriale Française en 1935. Il fait la campagne de France au printemps de 1940, est blessé et est cité à l’ordre du corps d’armée le 15 juin 1940. Fait prisonnier, il est envoyé en Allemagne à l’Oflag 6A. Libéré le 5 mai 1945, il est fait chevalier de la légion d’honneur le 15 novembre 1946. Mis à la disposition du général commandant le corps expéditionnaire français en Extrême Orient, il est promu au grade de
chef de bataillon le 1er avril 1949 et chargé du service social du corps expéditionnaire où son épouse sert comme infirmière
Par la suite, il est muté en Algérie, arrive à Alger le 18 novembre 1956 et est affecté au cabinet du général Salan. Inscrit le 30 décembre 1956 au tableau d’avancement pour le grade de lieutenantcolonel, il est promu au grade d’officier dans l’ordre de la légion d’honneur le 31 décembre 1956. Le 16 janvier 1957, à 19 heures, alors que le général Salan a quitté depuis vingt minutes son bureau de l’hôtel de commandement de la 10ème région militaire, place d’Isly, le commandant Rodier, qui est à sa table de travail dans le bureau du cabinet militaire, est tué par l’explosion de l’ogive d’un projectile antichar tiré depuis une terrasse située de l’autre côté de la place d’Isly tandis qu’un deuxième projectile explose dans le bureau du général Salan.
Ses obsèques sont célébrées le 18 janvier à la chapelle de l’hôpital Maillot en présence du général Salan et du préfet I.G.A.M.E. d’Alger, Serge Baret. Robert Rodier est inhumé en Savoie dans les jours qui suivent. Le général Salan fera célébrer, peu de temps après, une messe à sa mémoire à l’église Saint Louis des Invalides.
Le général Salan avait apprécié l’action du commandant Rodier au service social du corps expéditionnaire français en Extrême-Orient et l’avait appelé à son cabinet dès sa prise de fonction à la tête de la 10ème région militaire à Alger.
Les auteurs de l’attentat dit « du bazooka » sont arrêtés quelques jours après avoir commis leur forfait et mettent en cause plusieurs personnalités dont le général Cogny, le député Pascal Arrighi, le sénateur Michel Debré, et Alain Griotteray (alors au cabinet militaire du général Cogny). Le procès des auteurs directs de l’attentat s’ouvre finalement le 24 juillet 1958 devant le tribunal permanent des forces armées de Paris après que Michel Debré, devenu premier ministre, ait fait demander à Raoul Salan s’il tenait vraiment à ce que le procès vienne à l’audience. Il se conclut le 11octobre 1958 par la condamnation à mort par contumace de Kovacs (le principal inculpé qui, profitant de sa mise en liberté provisoire, s’est enfui en Espagne) et par des peines de prison pour ses comparses.
Précision : dans la biographie du général Gilles parue dans le précédent numéro du bulletin, il était fait état des 17 citations du général Gilles, dont 13 à l’ordre de l’armée ; en réalité, le général Gilles était titulaire de 18 citations, dont 14 à l’ordre de l’armée.