BULLETIN 2

BULLETIN 2

Don à l’association

Dossier de la défense de Me Tixier-Vignancour au procès du Général Salan

Disparition du Général Nguyen Van Hinh

Disparition du Colonel Argoud

Biographie de Jean Letourneau

Don à l’association

Maître Olivier Sers, qui ne se contente pas d’être un avocat de grand talent mais qui est aussi le traducteur jubilatoire des poésies de Catulle, des Satires de Juvénal et du Satiricon de Pétrone (publiés aux Editions « Les Belles Lettres »), a fait don à notre association du dossier de la défense du général Salan constitué par Me Tixier-Vignancour à l’occasion de son procès. Ce dossier contient des pièces uniques, à commencer par le manuscrit de la déclaration du général à son procès, le 16 mai 1962, suivi de trois versions dactylographiées pour arriver au texte final. S’y trouvent plusieurs lettres, dont celles du général Faure confirmant avoir reçu Knecht à la fin de 1956 envoyé par Michel Debré (affaire du bazooka), du colonel Château-Jobert commandant l’OAS Est-Algérie, du général Navarre.

S’y trouvent également des notes écrites par Thierry Maulnier, d’une lumineuse évidence sur les raisons de la révolte d’hommes comme le général Salan. De nombreux autres documents, tous d’intérêt, constituent ce dossier, en particulier la copie des cotes de plaidoirie de Me Tixier-Vignancour (l’original a été remis par René et Eliane Tixier-Vignancour accompagnés d’Olivier Sers et d’Albert Vignoles aux Archives de l’ordre des avocats de Paris) qui permet de se rendre compte comment Me Tixier-Vignancour a bâti sa plaidoirie qui restera dans l’histoire comme un sommet de l’art de la défense. Comme le lui avait écrit le doyen de l’ordre en 1963, Léonce Bertrand : « …une plaidoirie où tout à la fois se trouvent réunis un exposé aussi clair, une argumentation aussi habile, une diction aussi parfaite sans une reprise, sans un mot en porte à faux, sans une violence dans les passages les plus chaleureux. Qualité rare… » 

Nous publions ci-après certains des documents constitutifs de ce dossier :

  • la première page du manuscrit de la déclaration du général Salan à son procès
  • le premier feuillet des notes de Maître Tixier-Vignancour  pour sa plaidoirie
  • une lettre du colonel Château-Jobert, commandant l’OAS Est-Algérien
  • une lettre du général Faure, alors incarcéré à la maison d’arrêt de La Santé
  • une lettre du général Navarre, successeur de Salan en Indochine
  • une transcription des notes de Thierry Maulnier    

Première page du manuscrit de projet de déclaration du général Salan à son procès. On sait qu’à la suite de cette déclaration, le général Salan garda le silence durant tout le procès : « Je ne dois des comptes qu’à ceux qui souffrent et meurent pour avoir cru en une parole reniée et à des engagements trahis. Désormais, je garderai le silence ».

Première page des notes de Maître Jean-Louis Tixier-Vignancour destinées à sa plaidoirie

Lettre du colonel Château-Jobert du 19 mai 1962 (à laquelle est jointe une instruction de l’OAS, zone de Bône) dans laquelle il rend hommage au général Salan qui a pris toutes ses responsabilités au début de son procès. Il indique que celui-ci avait interdit formellement toute « ratonnade ». L’instruction jointe, destinée aux responsables des secteurs « ville », à l’occasion du cessez-le-feu, reprend  cette interdiction.

Lettre du 9 mai 1962 du général Jacques Faure, alors à la prison de la Santé (il a été condamné le 21 septembre 1961 à dix ans de détention criminelle) qui confirme qu’en novembre 1956 il a rencontré à Alger François Knecht, porteur d’une carte d’introduction de Michel Debré, qui avait pour mission de prendre contact avec le docteur Kovacs (lequel organisera l’attentat du bazooka, le 16 janvier 1957, attentat visant le général Salan et qui coûtera la vie au commandant Rodier).

Lettre du général Navarre à Maître Tixier-Vignancour le félicitant pour sa plaidoirie et lui demandant de dire au général Salan que, quelles qu’aient été leurs divergences passées, il admire profondément la noblesse de son attitude à son procès.  

Les notes ci-dessous, écrites par Thierry Maulnier en mai 1962, n’ont à notre connaissance jamais été publiées. Elles sont extraites du dossier de Maître Tixier-Vignancour concernant la défense du général Salan qui a été remis récemment à notre association par Maître Olivier Sers.  Né en 1909, normalien, Thierry Maulnier collabore avant la guerre à l’Action Française. Après 1945, il s’éloigne du combat politique et se consacre à sa carrière d’écrivain. Il est élu à l’Académie Française en 1964 et meurt en janvier 1988. Parmi ses œuvres, on peut citer : La Pensée marxiste

(1948), Cette Grèce où nous sommes nés (1965), l’Europe a fait le monde (1966),

Les Vaches sacrées (1977)   

La conduite de Raoul Salan et des chefs militaires, parmi les plus glorieux de notre armée, qui ont pris le même parti que lui, trouve toute son explication dans la situation historique sans précédent devant laquelle ils ont été placés : 

Sans précédent, car c’est la première fois dans l’histoire, à ma connaissance, qu’un gouvernement emploie la force, emploie la force de sa police et voudrait employer la force de son armée, pour contraindre une des provinces dont il a la garde, pour contraindre une part des citoyens qui lui ont été confiés, à accepter la séparation d’avec la mère-patrie, à se soumettre à une domination étrangère, à subir la loi de l’ennemi.

On n’a pas seulement demandé à l’armée, comme on l’avait fait en Indochine, d’abandonner ceux qu’elle avait charge de défendre, et ceux qui combattaient avec elle – ce qu’elle avait juré de ne jamais revoir, – on lui a demandé de les livrer, ligotés et bâillonnés, à ceux qui les égorgeaient depuis sept ans. On n’a pas revu ce qu’on avait vu en Indochine, on a vu pire. Un grand nombre d’officiers, après un douloureux débat, ont accepté cela. C’était peut-être du courage. Mais c’est l’un d’entre eux (1) qui est venu vous dire : « En choisissant la discipline, nous avons choisi la honte.. »

Raoul Salan a choisi contre la discipline pour ne pas choisir la honte. Une part de la responsabilité dans son attitude n’est-elle pas imputable au pouvoir qui lui imposait ce choix ? On nous dit : « La situation en juin 1940 n’avait rien de commun. La discipline militaire ne pouvait plus être impérative parce que le gouvernement né de l’armistice n’était plus maître de ses décisions. » Lorsqu’il s’agit de tout céder à l’ennemi, n’être plus maître de ses décisions, ce serait plutôt une excuse. Cette fois, on nous dit qu’on cède tout librement après que l’armée s’est acquittée de sa tâche qui était de remporter la victoire sur le terrain. Cela aussi est nouveau. Un gouvernement qui dit : « On a montré qu’on pouvait rester, alors on s’en va. On a gagné. Alors on capitule. »

M. Debré est venu nous dire : « Il y a eu une évolution. » Cette évolution a été rapide. Jusqu’au 13 mai, l’Algérie pouvait et devait rester française. Dès le lendemain du 13 mai, les mêmes hommes qui nous le disaient, installés au pouvoir, ont découvert que l’Algérie devait être indépendante. Faut-il s’étonner que les militaires qui avaient voulu et permis l’avènement de la Ve République aient été surpris devant ce raisonnement : l’arrivée au pouvoir du sauveur rendait inévitable la perte de ce qu’il était venu sauver.

La violence. On nous dit : « Ils ont tiré sur des Français. » Les Camisards des Cévennes, il y a trois siècles, tiraient sur les dragons de Villars : les manuels dans lesquels l’histoire est enseignée à nos enfants n’en font pas reproche aux Camisards.

(1) Déclaration du général de Pouilly, le 18 mai 1962 au procès du général Salan

Décès du général Nguyen Van Hinh

Le général de division aérienne Nguyen Van Hinh, commandeur de la Légion d’honneur, grand-croix de l’ordre national du Mérite, croix de guerre 1939-1945, est décédé le 26 juin 2004 en région parisienne où il résidait depuis de nombreuses années.  Les honneurs militaires lui ont été rendus le jeudi 1er juillet dans la cour d’honneur des Invalides.

La très grande majorité de nos compatriotes ne savent pas qui était le général Nguyen et son rôle, en particulier, dans la guerre d’Indochine ; cependant, il y a tenu des responsabilités de premier plan. 

Nguyen Van Hinh est né en 1915 ; il est le fils de Nguyen Van Tam qui, succédant à Tran Van Huu, fût premier ministre de Bao Dai du 6 juin 1952 au 17 septembre 1953. Pendant la deuxième guerre mondiale qu’il termine comme lieutenant-colonel, il sert dans l’armée de l’air française en Italie, en France et en Allemagne.    En avril 1951, Bao Dai désigne le colonel Nguyen Van Hinh comme chef d’Etat-Major général de l’Armée Nationale Vietnamienne en cours de création. Il est confirmé à ce poste avec le grade de général de brigade en avril 1952. Ses responsabilités s’exercent spécialement en Cochinchine, mais également, à la fin de 1952, dans le delta, dans la province de Hung Yen. En mars 1953, de nouvelles provinces passent sous la responsabilité des Forces Armées Vietnamiennes et son Etat-Major participe à l’élaboration des plans d’action pour l’ensemble du Vietnam.  

Le général Nguyen Van Hinh restera  à son poste jusqu’en 1954. Après les accords de Genève et le partage du Vietnam, il entrera en conflit avec le nouveau premier ministre Ngo Dinh Diem et sera conduit à s’exiler en France au début de 1955. Il y retrouve l’armée française avec le grade de colonel et se bat en Algérie. Sa nouvelle carrière l’amènera jusqu ‘au grade de général de division aérienne.

Tan Son Nhut, le 15 février 1953 : de gauche à droite : le gouverneur Gautier, le général Bondis, le maréchal Juin, le général Salan, et le général Nguyen Van Hinh

Décès du colonel Argoud

Le colonel Argoud est mort le 10 juin 2004 à Darney, où il était né le 26 juin 1914. La presse a relaté les étapes de la carrière de ce polytechnicien hors du commun. De la promotion 1934, il sera l’un des rares X (avec Bastien-Thiry, X47) à s’engager totalement dans la défense, non seulement de l’Algérie française, mais aussi d’une haute idée de l’homme et de ce qui fait sa grandeur. A ce titre, la comparaison avec l’un de ces prédécesseurs à Polytechnique, Charles Ailleret (X 26), s’impose. Le choix effectué par les hommes dans les temps critiques  est un bon indicateur de leurs valeurs. Pour la fin de l’Algérie française, ce fût le choix entre l’honneur et les honneurs, entre la parole et le parjure, entre l’humain et l’inhumain, entre une vraie et une fausse idée de la grandeur de la France. 

Assemblée Nationale  
Deuxième séance du vendredi 11 juin 2004 (consacrée à la discussion d’un projet de loi portant sur la reconnaissance de la nation et la contribution nationale en faveur des Français rapatriés)   

M. le président : la parole est à M. Jean-Pierre Soisson.  
M. Jean-Pierre Soisson : Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je viens d’apprendre le décès du colonel Antoine Argoud. Il est mort dans les Vosges cette nuit. Il fut à L’Arba, le chef de corps du 3ème régiment de chasseurs d’Afrique et mon chef de guerre, comme je l’ai expliqué ce matin à la tribune. L’armée l’avait surnommé le « Petit Prince ». Il avait une connaissance sans pareil du terrain en Algérie. Je ne l’ai pas suivi dans toutes les initiatives qu’il a pu prendre. Car, quand on sert l’Etat, on ne se rebelle pas contre lui. Je voudrais, aujourd’hui, en votre nom à tous, avoir une pensée pour le très grand soldat qu’il fut.  
M. le président : Nous arrivons à l’examen des amendements à l’article premier…  

L’Association des Amis de Raoul Salan : Merci, Monsieur Soisson !

Le colonel Argoud était d’une grande intelligence, n’avait pas un caractère facile et allait au bout de ses raisonnements. Il a posé et reposé la question-clé, de la Justice en Algérie jusqu’à indisposer ses supérieurs. N’obtenant pas de réponse claire, il a fait ce qu’il pensait être juste dans son sous-secteur de L’Arba  (comprenant aussi les communes de Rivet, Rovigo et d’une partie de Tablat) et qui a choqué les bonnes âmes.                                                          

En 1961, après l’échec du mouvement du 22 avril 1961 en Algérie, il est en Espagne. Le général Salan lui demande de revenir en Algérie, à Oran; il pense que la place du général Salan est à l’extérieur de l’Algérie, en Espagne, afin de mener une action dégagée des contraintes de la clandestinité, et le lui écrit. Le général Salan lui redira   clairement en septembre 1961 que sa place est en Algérie ou en métropole. Il le redira encore plus clairement en janvier 1962.

Antoine Argoud, une fois échappé des Canaries, agira en Métropole, en Belgique, en Italie et en Allemagne jusqu’à son enlèvement par des truands stipendiés des services officiels du gouvernement français, le lundi 25 février 1963.  A la fin de juin 1968, c’est un homme debout, dans tous les sens du terme, qui, en route pour Darney, traverse à pied Colombey les deux Eglises, accompagné de Toussaint Luciani (X 59) libéré en même temps que lui.   

Photo commentée / Le ministre et haut commissaire Jean Letourneau & le Le Général Salan ( février 1952)

Le ministre et haut-commissaire Jean Letourneau et le général Salan (février 1952)

Jean Letourneau est né le 18 septembre 1907 au Lude, dans la Sarthe, d’Emmanuel Letourneau, directeur de banque, et de Madame, née Juliette Reveilchien. Il fait ses études au collège Saint-Louis du Mans et à la faculté de droit de Paris où il obtient une licence. Il adhère en 1933 au parti démocrate populaire dont il sera, en 1938, membre du Comité directeur.

En 1943, dans la clandestinité, il est près de Georges Bidault qui est élu président du Conseil National de la Résistance (CNR) après l’arrestation et la mort de Jean Moulin.

En 1944, il est directeur de la presse au ministère de l’Information. Membre du comité directeur du Mouvement Républicain Populaire (MRP) dès sa création, il est délégué de la Sarthe aux deux assemblées constituantes de 1945 et 1946 avant d’être élu, le 10 novembre 1946, député de la Sarthe à la première assemblée nationale de la IVème République (il le restera jusqu’en 1956).

Entre temps, le 26 janvier 1946, il est ministre des PTT dans le gouvernement provisoire présidé par Félix Gouin, poste qu’il conserve jusqu’en décembre 1946 sous la présidence de Georges Bidault.

En 1947, il est ministre du commerce, puis secrétaire d’état à la reconstruction et à l’urbanisme.

Du 29 octobre 1949 au 28 juin 1953, il est sans discontinuité au gouvernement aux postes de ministre de la France d’Outremer (cabinet Bidault), ministre d’Etat chargé de l’information (cabinet Queuille), ministre d’Etat chargé des relations avec les Etats associés (cabinets Pleven, Queuille, Pleven, Faure, Pinay), ministre chargé des relations avec les Etats associés (cabinet Mayer).

Après la mort du général de Lattre en janvier 1952, il cumule son portefeuille de ministre chargé des Etats associés avec le poste de Haut-Commissaire en Indochine.

Après juin 1953, il se retire progressivement de la vie politique en n’exerçant plus que les mandats de député (jusqu’en 1956), de maire de Chevillé (1953 à 1963) et de conseiller de l’Union Française (1956 à 1958).

Il se consacre alors à la vie des affaires en occupant des postes d’administrateur aux Ciments d’Abidjan, aux Ciments du Dahomey et aux Ateliers et Chantiers de Dakar.

De 1961 à 1978, il est Président Directeur Général de la Compagnie Française de Commercialisation et de Distribution dont il avait été administrateur entre 1935 et 1944.

En mai 1962, il est témoin de la défense au procès du général Salan. Il est élu membre de l’Académie des Sciences d’Outremer en 1977. 

Le 13 juin 1986, il décède au Val de Grâce.

Jean Letourneau était officier de la Légion d’honneur et titulaire de la croix de guerre 1939-1945 et de la médaille de la Résistance.

Le 15 décembre 1950 au soir, Raoul Salan, nommé adjoint opérationnel du général de Lattre, prend place dans le Constellation qui emmène à Saïgon le nouveau HautCommissaire et Commandant en chef en Indochine  ainsi que le ministre des Etats Associés, Jean Letourneau.

Le 19 avril 1952, après la mort du général de Lattre, Jean Letourneau est nommé Haut Commissaire en Indochine alors que le général Salan est Commandant en Chef. Les deux hommes s’entendent parfaitement et Jean Letourneau soutiendra fermement Raoul Salan à Paris quand ce sera nécessaire. Jean Letourneau est très présent en Indochine aux côtés de Raoul Salan : ils inspectent ensemble la position de Dien Bien Phu, le 11 novembre 1952, peu avant l’attaque attendue de Giap sur Na San, 120 kilomètres plus à l’est. 

Le 21 mai 1953, le Haut Commissaire Jean Letourneau, accompagné du général Navarre qui vient remplacer le général Salan, se pose sur l’aérodrome de Gia Lam où les attend le général Salan. L’ordre du jour de Jean Letourneau du 25 mai 1953 rend un hommage appuyé à l’action du général Salan comme Commandant en chef en Indochine que celui-ci quitte le 28 mai. 

Le vendredi 18 mai 1962, Jean Letourneau dépose en faveur du général Salan traduit devant le Haut tribunal militaire. Sa déclaration, très chaleureuse envers Raoul Salan qui risque la peine de mort, s’efforce de mettre en évidence les carences du pouvoir politique en Indochine, puis en Algérie et tend à exonérer les chefs militaires qui, tel Raoul Salan, ont poursuivi le combat dans l’illégalité. Il demande la clémence du tribunal pour Raoul Salan.             

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