BULLETIN 44 – 2EME SEMESTRE 2017
SOMMAIRE :
- Le mot du Président
- Hommage à Jean-Jacques SUSINI par Bernard ZELLER
- Article d’Olivier de SERS « Enfin, un historien ?»
- Article du Général SALAN dans la Revue Générale Militaire (Juillet 1958)
- DVD « Dans la tête des 4 généraux »
Le mot du Président
2017 s’est terminée dans la tristesse de voir disparaître nos Anciens, Jean-Jacques Susini, Serge Jourdes, Philippe de Massey et d’autres inconnus : ils ont défendu notre juste cause et nous nous devons de défendre leur mémoire.
Pour ARS, l’exercice 2017 a vu notre nombre de cotisants augmenter et nos recettes de cotisations se maintenir; nos équilibres financiers sont, ainsi, sauvegardés.
A notre prochaine AG du 24 mars 2018 à Paris, il vous sera proposé la nomination de deux jeunes administrateurs dont l’arrière-petit-fils du Général Salan.
Nos actions abouties pour 2017 sont un motif de satisfaction :
- Vente importante du DVD » Dans la tête des quatre généraux « , grâce aux relais d’Associations amies ; qu’elles en soient, ici, remerciées.
- Fin de l’inventaire des archives » Raoul Salan » par le SHD de Vincennes ; trois archivistes à plein temps pendant un an !
- Fin de la réalisation de la BD par Bernard Zeller et Pierre Tillocher ; la recherche d’une maison d’édition a démarré.
- Une meilleure communication grâce au fichier e-mail (60 % de nos adhérents) ; un effort d’animation sur Facebook est un objectif pour 2018.
- La mise sur e-Bay de la Boutique ARS a eu des résultats significatifs.
Cela a été possible grâce à votre soutien moral et financier et je tiens à vous en remercier.
Je compte sur vous pour maintenir, voire augmenter votre cotisation 2018 afin que nous puissions continuer à honorer notre Devoir de Mémoire.
Hervé Pignel-Dupont
HOMMAGE A JEAN-JACQUES SUSINI
Jean-Jacques Susini
La France est passée à côté d’un homme d’Etat hors normes
Décédé le 3 juillet 2017, Jean-Jacques Susini, était l’un des éléments-clés de l’OAS en Algérie en 1961-62. Les medias accolent moutonnement à son nom l’épithète sulfureux.
Qui était-il, vraiment ? Forte personnalité, intelligence supérieure, grande culture historique, volonté sans faille, sont quelques-uns des traits caractérisant l’orateur hors pair et l’homme d’action qu’il était.
Bachelier à 15 ans, il préside à 26 ans l’association générale des étudiants d’Algérie. Il est l’un des dirigeants de l’insurrection d’Alger de janvier 1960, La Semaine des barricades. Passant sur les conseils de modération des avocats, il fait au tribunal qui le juge une déclaration ardente en forme de manifeste politique radical. Mis en liberté provisoire en décembre 1960, il rejoint clandestinement Madrid. Il y gagne la confiance et l’estime du général Salan qui dira de lui : « C’est avec des garçons de cette classe que nous ferons quelque chose. » En février 1961, toujours à Madrid, avec Pierre Lagaillarde, il fonde l’Organisation Armée Secrète, dont les termes choisis sont un appel à la résistance. Avec le général Salan et Jean Ferrandi, à bord d’un petit avion de tourisme, il gagne Alger le 23 avril 1961. Alors que le putsch bat de l’aile, il s’emploie à convaincre le général Challe de ne pas renoncer – il obtient un sursis d’une journée. Responsable de l’action psychologique et politique de l’OAS, il inspire la politique du général Salan en rédigeant de nombreux courriers, au premier ministre Michel Debré, au directeur du Monde, aux parlementaires, aux évêques, aux maires…
Lorsque l’action conjuguée du pouvoir gaullien et du FLN a raison de l’Algérie française, tenant compte des réalités, Susini – il n’a pas 28 ans – négocie avec des représentants du FLN, le docteur Mostefai en tête, un accord donnant aux Européens d’Algérie des garanties dans une Algérie indépendante. Ces accords n’auront pas d’application, la clique arabo-islamiste de Ben Bella prenant la pouvoir.
Exilé en Italie après juillet 1962, il monte plusieurs complots ayant pour cible le chef de l’Etat. Il y écrit un premier tome de l’Histoire de l’OAS.
Chargé par son éditeur, Roland Laudenbach, de renouer avec Susini en vue d’un deuxième tome, Michel Déon le retrouve en décembre 1963 à Rome. Il le décrit : « Toujours le même, beau visage intact, un blond guerrier froid et calme jusqu’au moment où, se sentant en sécurité, sa parfaite mécanique dialectique se met en route avec une conviction que rien ne peut ébranler. »
En 2015, l’auteur des Poneys Sauvages, son aîné de quatorze années, toujours fasciné par sa personnalité, la rapprochait par certains aspects de celle de Vladimir Poutine. Et il ajoutait : « Dans d’autres circonstances, Jean-Jacques Susini aurait eu un destin exceptionnel. »
Jean-Jacques Susini est mort, éternel jeune homme tourné vers l’avenir. Ses convictions, sans passéisme, étaient toujours aussi fermes.
Bernard Zeller
Paru dans PRESENT, le 10 Juillet 2017
ENFIN, UN HISTORIEN ? Par Maître Olivier de Sers Au sujet du livre : « UN ATTENTAT – PETIT CLAMART, 22 AOÛT 1962 » De Jean-Noël JEANNENEY |
Oui, un historien au rendement aussi impressionnant (de 1969 à 2016, quarante-neuf livres en quarante-huit ans) que ses titres (normalien, agrégé d’histoire, docteur ès-lettres, professeur émérite à Sciences Po) et ses fonctions passées (président de Radio France, de RFI, de la Mission du Bicentenaire de la Révolution et de la BNF) consacre à l’attentat du Petit-Clamart, une monographie supposée établie dans les règles de l’art. D’un professionnel aussi qualifié, on serait en droit d’espérer le meilleur, d’autant qu’il est né en 1942 comme les deux plus jeunes conjurés jugés au procès, le mécanicien hongrois Lazlo Varga, réfugié en France en 1956 après l’insurrection de Budapest, et l’élève de Corniche au lycée Saint Louis, Pascal Bertin, qui vécut douze ans (1947-1959) en Algérie. Né moi-même en 1943 et ayant travaillé sous les ordres de Bastien-Thiry de janvier 1962 à mon arrestation (27 juin), j’ai testé le produit avec un scrupule à la hauteur de mon attente.
Tout d’abord quelques erreurs matérielles à corriger si d’aventure l’opus (minor) était réédité : p. 54 et note 24 p. 276 titre du livre de Rossfelder, Le Onzième et non le Cinquième Commandement, et l’auteur y évoque à propos du CNR, un aéropage et non un “aréopage” politique, p. 72, Louis de Condé a pour second prénom Honorat et non Honnorat, p. 79 et note 2 p. 281, l’ouvrage de Belvisi n’a pas été écrit “soixante ans plus tard” (Pont-sur-Seine 1961 + 60 = 2021). Cromwell n’est pas plus à sa place “dans la Grande-Bretagne du XVIème siècle” (p. 115) que Jules Ferry n’est mort assassiné en 1888 (p. 118). Bastien-Thiry n’était pas domicilié “boulevard Victor à Bourg-la-Reine” (p. 133) mais 17 rue Lakanal, le boulevard Victor étant l’adresse du ministère de l’Air à Paris où il travaillait. L’arrêt Canal (p. 142) n’a pas été rendu par le Conseil d’´État le 21 octobre 1962 mais le 19. Épigraphe mal citée p. 203 et faussement référencée note 1 p. 301. Tournures et orthographe syntaxiques, p.149 écrire non “appel en cassation” mais “pourvoi en cassation”, p. 151 non “quelles qu’importantes” mais “quelque importantes”, p. 157 non “les composantes de leurs personnalités” mais “de leur personnalité” (chacun n’en a qu’une), p. 252 § 2 non “confirment” mais “confirme”. On voudrait croire qu’il n’y a là que vétilles, de même que p. 38 lorsqu’on lit (§ 2) que c’est “au grand dol” de son père gaulliste que Bastien-Thiry aurait épousé la fille d’un ministre de Pétain, puis patatras, on tombe page 144 dernier § sur ce charabia à propos d’un désaccord technique entre Emmanuel Berl et François Mauriac, le premier adversaire, le second partisan des juridictions d’exception contre l’OAS : “le débat entre ces deux esprits de belle hauteur tire son autorité de s’installer au cœur de la question dont il s’agit”, et on se dit que l’éditeur a eu tort d’économiser sur les frais de correction, car les correcteurs signalent aussi de telles lourdeurs de style.
La bibliographie est impressionnante et l’accueil évidemment chaleureux reçu par l’auteur aux fonds d’archives qu’il consulta nous vaut d’apprendre entre autres (p. 130 et note 13 pp. 289-290) que de Gaulle suivit dans leurs moindres détails non seulement l’instruction du procès principal mais celle des procédures impliquant des comparses, au point de s’opposer le 20 décembre 1962 à la mise en liberté provisoire pour raisons médicales de la logeuse de Lazlo Varga. On déplore qu’en soit absent l’ouvrage La Grande cible de F. Caviglioli et J.-M. Pontault (Mercure de France 1972), écrit à partir d’interviews de Manoury pour Pont-sur- Seine et de Bernier pour le Petit-Clamart, et que l’auteur n’ait pas vu que les sténographies des débats publiées chez Albin Michel et aux Nouvelles Éditions Latines se complètent, chacune comportant des passages manquant à l’autre. On s’étonne qu’il mette en doute (p. 160 et note 20 p. 293) l’authenticité du récit du commissaire Cantelaube publié par Jean-Pax Méfret, dont il qualifie par ailleurs (p. 323) la biographie de “bien informée”. Surtout on s’étonne d’un aveu d’ignorance qu’il aurait pu s’éviter aisément, doublé d’une inexactitude substantielle : p. 49, il indique que Jean Bichon “a repoussé et blessé des policiers allemands qui venaient l’arrêter en février 1944”. La source citée, d’ailleurs mal, note 8 p. 275 (moi en l’espèce) dit pourtant que Bichon a le 17 février 1944 tué le SS Oberst Werner, adjoint du chef de la Gestapo en zone sud, et blessé grièvement son garde du corps, avant de s’enfuir, blessé lui-même, en emportant la serviette de l’officier nazi. Plus grave, la note commente sans plus “on ne trouve pas confirmation de cette information dans le dossier judiciaire de Bichon”. Si cela prouve que les magistrats ont omis d’instruire à décharge, l’historien, lui, n’aurait eu aucun mal à en avoir le cœur net en ouvrant l’Histoire de la Résistance en France d’Henri Noguères et Marcel Degliame-Fouché, tome 4, octobre 1943-mai 1944 (Robert Laffont, 1976) où l’affaire est narrée par le général Rouyer, chef du poste T.R. de Vichy, pp. 395-396. Même incuriosité à l’égard du propos fameux de de Gaulle sur le besoin qu’auraient eu les Français de martyrs et le choix judicieux qu’il se flattait d’avoir fait en leur donnant comme tel Bastien-Thiry plutôt qu’un des généraux de Tulle, propos jugé “attribué de façon douteuse à de Gaulle” (p. 42) et “incertain” (p. 180) car non sourcé (note 10 p. 297), alors qu’Alain Peyrefitte, pourtant présent en bibliographie, écrit noir sur blanc l’avoir entendu de la bouche de de Gaulle le 13 mars 1963, surlendemain de l’exécution, lors d’un tête-à-tête dans le salon doré de l’Élysée (C’était de Gaulle, t. 2, p. 133). Il est vrai que l’inhumanité du propos fait frémir et qu’on l’eût préféré apocryphe, mais cela ne dispensait pas de vérifier. Pour finir sur une note plus légère, p. 262 § 3, Jean-Noël Jeanneney a encore tort de s’en remettre à une source indirecte (p. 307 note 12) pour affirmer que Jacques Perret aurait prêté à Roger Nimier l’intention de titrer La Grande Zohra le pamphlet qu’il préparait contre de Gaulle, alors que le titre indiqué par Perret (L’Accent grave n° 7-8, février 1964, pp. 23-25) est en fait Lili.
Sur le fond, le tâcheron ne craint pas de tirer à la ligne par des morceaux de bravoure étalant hors sujet de fastidieuses couches d’érudition : que servent les développements des pp. 41-42 sur les deux saints Didier historiques à propos du pseudonyme de Bastien-Thiry, des pp. 97- 100 sur Marat et Charlotte Corday à propos du nom de code donné à l’opération par La Tocnaye dans ses souvenirs mais dont Bastien-Thiry n’a jamais fait usage et qui n’a été prononcé ni à l’instruction ni au procès, des pp. 136-138 sur le casque du motocycliste Robert Herry, des pp. 184-201 sur la doctrine du tyrannicide à travers les âges alors que Bastien-Thiry plaidait avoir voulu enlever et non tuer de Gaulle, et des pp. 210-215 sur l’évolution du règlement militaire alors qu’il invoquait non le devoir de désobéissance à des ordres criminels institué a contrario par l’article 8 du statut du Tribunal Militaire International de Nüremberg mais le droit à insurrection contre un gouvernement violant les droits du peuple proclamé par la constitution de l’an II ?
Dans ces deux derniers cas le hors-sujet procède de contresens sur les déclarations de Bastien- Thiry. De tels contresens, ou des divinations hasardeuses, sont plus d’une fois dictés à l’auteur par ses présupposés, sa naïveté ou son ignorance de l’action clandestine au quotidien. Tantôt il suggère sans preuve (p. 45, Bastien-Thiry “semble n’avoir jamais mis les pieds” en Algérie, le contraire était pourtant facile à vérifier), tantôt moralise puis se reprend, ainsi p. 66 lorsqu’il impute à La Tocnaye d’avoir choisi “sans vergogne” le pseudonyme de “Max”, qui fut l’un de ceux de Jean Moulin, tout en disant douter qu’il l’ait su, ne comprenant pas qu’un pseudonyme doit avant tout sonner clair et être facile à mémoriser, d’où l’abondance des choix monosyllabiques, tantôt se montre à l’excès sûr de lui comme p. 82 où il amalgame (note 14 p. 282 renvoyant à La Tocnaye pp. 224-225) comme “représentatifs de ces personnages qui, en profil perdu, tournent autour de l’équipe, s’en approchent, parfois se dérobent” les étudiants sur lesquels ledit La Tocnaye n’a pas tari d’éloges p. 194 (“une équipe au poil”, “la fine équipe”, un “groupe sympathique” aux “nobles aspirations”, “prêts à bondir comme des moteurs de compétition”) et le “colonel DP” dont pp. 224-228 il daube les rodomontades (“colonel “m’as-tu vu ?” ”) et stigmatise la “défection inqualifiable” : non seulement la différence de ton ne l’alerte pas, mais il ne lui vient pas à l’idée que lesdits étudiants, loin de se dérober, auraient pu être simplement arrêtés et avoir gardé le silence sur cet aspect de leur activité, idée qu’eût pu confirmer ou infirmer à un chercheur non bercé d’a priori le relevé des arrestations survenues à Paris en mai-juin, recherche qu’il n’a pas songé à effectuer. Pas plus qu’il n’a compris dans quel but, Belvisi, s’enfermant dans son appartement et menaçant de faire sauter l’immeuble, a rendu son arrestation “rocambolesque” (p. 90) : prendre le temps de téléphoner à sa logeuse sur son lieu de travail pour lui éviter de se faire cueillir à son retour chez elle, et faire annoncer sans délai sa capture par les radios pour ne pas laisser ses camarades dans l’incertitude, alors qu’elle ne l’aurait été qu’à l’issue des quinze jours de garde à vue. Ajoutons que Jean-Noël Jeanneney, qui vivait à Paris en 1962, n’est pas un témoin très attentif ou manque de mémoire lorsque, citant le journal inédit de Maurice Garçon, il s’étonne d’y trouver la garde accompagnant de Gaulle dans ses déplacements comparée à celle du roi Fouad au Caire ou du tsar à Saint-Pétersbourg “quand on sait combien pouvait être léger le système de protection du Général” (p. 221). C’est n’avoir pas vu combien les déplacements officiels de de Gaulle, annoncés à l’avance, étaient en effet lourdement protégés, comme l’a observé l’avocat diariste. Seuls ne l’étaient pas ses aller-retours du week-end vers Colombey, réguliers mais d’horaires et d’itinéraires aléatoires et effectués dans des voitures banalisées, d’où le choix tactique de Bastien-Thiry.
La polarisation peut créer la myopie : aux pp. 208-209, évoquant la déposition du général de Boissieu au procès, Jean-Noël Jeanneney s’attache tellement à un désaccord de détail (de Gaulle portait-il ou non des gants lorsqu’il visita le Centre d’essais en vol de Brétigny) qu’il ne voit pas que Bastien-Thiry profite de sa présence à la barre pour lui faire préciser le nombre d’itinéraires alternatifs suivis par le cortège sur la route de l’aérodrome de Villacoublay (NEL p. 240, Albin Michel p. 452). Il est clair qu’il n’a renoncé à rien, et veut mettre à jour sa documentation.
Cette évidence, confirmée par les messages qu’il envoyait à Jean Bichon, suffit à rendre fantomatique l’informateur qu’il prétend, dans le même temps, avoir eu à l’Élysée, et hors sujet la discussion sur Cantelaube : il va de soi que s’il avait eu un informateur, il l’aurait tu et qu’il bluffe, comme il bluffe en évoquant les juristes et les théologiens qu’il aurait consultés, et en gonflant l’importance du CNR jusqu’à en faire une organisation omniprésente et assez solide pour organiser l’arrestation et le procès clandestin du Chef de l’État. Force est de le constater, plus de cinquante ans après, le bluff, dont l’intérêt par définition immédiat a disparu de longue date, est encore efficace.
Ce bluff ne justifie pas pour autant l’insoutenable légèreté de l’analyse. Jean-Noël Jeanneney, tout en affirmant combien précieuses sont les déclarations de Bastien-Thiry et La Tocnaye pour comprendre les composantes de leur personnalité (passage cité p. 157), n’a manifestement pas lu celle du colonel. S’il l’avait fait, pourrait-il écrire p. 41 “Du catholicisme intégriste il retient un sens du diabolique, dont de Gaulle devient définitivement pour lui, comme complice d’un matérialisme athée, l’incarnation haïssable : une façon d’Antéchrist” puis conclure p. 267 “On a souvent sous-estimé, en 1962, l’importance de la passion religieuse comme ressort de l’attentat. Nul État islamique, assurément, en arrière-plan. Mais toutes les composantes, déjà, parmi une minorité qui s’exaspère aux franges d’une religion monothéiste, d’une passion frénétique se nourrissant d’une déformation des textes sacrés et de la fascination pour le martyre auquel sont promises toutes les récompenses d’outre-tombe” ? La teneur de la déclaration dément ces élucubrations. Il n’y est question ni de Dieu ni du diable. Le raisonnement est exclusivement politique et humanitaire.
Une première partie rappelle le déroulement des évènements d’Algérie du 13 mai 1958 à la catastrophe finale en soulignant la duplicité de de Gaulle (qui la reconnaîtra dans ses Mémoires d’espoir) et l’abandon des harkis à un génocide dont la France attendra le 25 septembre 2016 pour s’avouer responsable, mais qui bat encore son plein en février 1962.
La deuxième partie souligne l’illégalité du processus suivi par le pouvoir, notamment par un recours abusif au référendum (de fait, tous les arguments de la future controverse sur le référendum d’octobre 1962 auraient déjà pu être objectés à ceux de janvier 1961, d’avril et de juillet 1962) et par de multiples violations des libertés publiques, et prédit les conséquences stratégiques et morales immédiates et lointaines de la livraison au FLN de l’Algérie.
La troisième, après avoir rappelé qu’en approuvant les accords d’Évian les Français n’ont pas approuvé leur violation génocidaire par le FLN et que de Gaulle se refuse à faire cesser le massacre alors qu’il n’aurait qu’un ordre à donner pour y parvenir, les appelle à la résistance, justifie l’emploi de la violence par le droit de légitime défense doublé du devoir de porter secours au prochain en danger, permettant (c’est la seule référence religieuse, avec un renvoi à Thomas d’Aquin sur le droit de résister au tyran) de violer le 5ème commandement, développe le programme du CNR clandestin, évoque le précédent de l’attentat de von Stauffenberg contre Hitler, et conclut “Nous proclamons notre innocence, car nous n’avons fait qu’appliquer la grande et éternelle loi de solidarité entre les hommes”. Solidarité, le terme, promis à un bel avenir, s’applique ici aux harkis et aux pieds-noirs massacrés par le FLN malgré les accords d’Évian, que de Gaulle interdit aux militaires français restés sur place de secourir.
On pourrait multiplier les exemples des contresens de Jean-Noël Jeanneney, et on se réservera d’y revenir dans un autre cadre, mais, pour pasticher son propre jargon, le principal reproche qu’on puisse faire à son approche évènementielle est l’absence totale de contextualisation synchronique du récit, pardon, de la trame factuelle. Il semble à le lire qu’il ne se soit rien passé en Algérie pendant les dix-huit mois où Bastien-Thiry a œuvré contre de Gaulle et les six mois qui lui restaient à vivre après son arrestation. Que Jeanneney ait vécu ces deux années à l’aveuglette ne justifie en rien la logique racoleuse d’anachronisme par projection rétroactive du présent qui lui fait identifier Bastien-Thiry à un fou de Dieu, chaînon manquant entre Ravaillac et les islamistes de “cette seconde décennie de notre XXIème siècle” (p. 8). Comment, alors qu’il est aujourd’hui reconnu par tous, et d’abord les coupables, que ces deux années ont vu la mise en place froide et consciente des conditions d’accomplissement, puis l’exécution d’un crime contre l’humanité (le massacre des harkis) annoncé à l’avance par toutes les parties au processus, et que cette mise en place a été délibérément permise par l’ordre que donna de Gaulle à l’armée restée en Algérie de ne pas sortir de ses cantonnements, comment un historien peut-il oser persister dans un tel déni ? Ou plutôt, celui qui l’ose est-il un historien ou un feuilletoniste ?
Olivier de Sers 6 novembre 2016
ARTICLE DU GENERAL SALAN :
LE DEPLACEMENT DES MASSES STRATEGIQUES
Commentaire de l’ARS :
L’implication en juin / juillet 1958 du Général Raoul Salan sur des problèmes stratégiques en Europe est surprenante.
En effet, son extrême implication dans le 13 mai et les événements de juin en Algérie lui laissait peu de temps pour réfléchir sur d’autres sujets.
Pensait-il, déjà, que son maintien à son poste en Algérie par de Gaulle serait de durée limitée ?
BON DE COMMANDE DU DVD « DANS LA TETE DES QUATRE GENERAUX »
Nous vous proposons d’acheter le film « Dans la tête des quatre Généraux » qui avait été
diffusé sur la chaîne HISTOIRE avec la participation financière de l’ARS.
Vous pouvez passer commande en adressant un message à : raoulsalan.fr@gmail.com
Prix 10 €, port compris