BULLETIN 35 – 4EME TRIMESTRE 2012

BULLETIN 35 – 4EME TRIMESTRE 2012

SOMMAIRE :

  • Hommage à Yves Gignac
  • Recension du colloque «De Gaulle et l’Algérie» par Jean-Paul Angelelli
  • Note sur Edmond Michelet et l’affaire Si Salah
  • Roger Le Doussal : Commissaire de police en Algérie. 
  • Le procès du Général Raoul Salan vu par le général Zeller détenu à la prison de Tulle
  • Texte inédit du Général Raoul Salan, écrit le lendemain de sa condamnation
  • Allo Carreras, Ici Godard (suite et fin): Les accords OAS-FLN vus par le colonel Godard, suite et fin

Biographie

Yves Gignac

Il s’agit de la biographie synthétique qu’Yves Gignac avait rédigée lui-même pour le site Internet consacré au général Salan. Sa vie est un vrai roman, historique. Un moderne Alexandre Dumas aurait pu l’écrire !

Né en 1920 à Bordeaux dans une famille modeste, Yves Gignac entre en 1936 à la Caisse d’Epargne de Bordeaux.

Mobilisé en 1940, il fait son temps dans les Chantiers de Jeunesse avant d’être démobilisé en janvier 1941. Il entre cette année-là au séminaire des vocations tardives qu’il quitte en 1943 pour tenter d’échapper par l’Espagne au S.T.O. Réfugié dans un monastère à Madiran, il vit dans la clandestinité jusqu’en 1945 qui le voit rappelé et servir au 92ème bataillon de génie sur le front de Royan, puis  dans les Alpes.  En décembre 1945, il est volontaire pour

l’Extrême-Orient, s’engage pour trois ans au 72ème  bataillon colonial du génie et sert en Cochinchine, au Laos et au Centre-Annam. De retour en métropole en décembre 1948, il est démobilisé en mars 1949 avec le grade de sergent-major et devient chef comptable d’une entreprise bordelaise. Créateur d’une section locale de l’association des « Anciens du C.F.E.O. », il est élu, en 1950, vice-président national de l’association dont il assure la présidence par intérim en 1951. En 1953, il devient permanent de l’association et assure son secrétariat général, la direction de ses services sociaux et la direction de sa revue mensuelle.

En 1954, il est désigné comme vice-président du comité national d’aide aux combattants d’Indochine (devenu en 1955 Fondation Maréchal de Lattre). En 1955, il est administrateur de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre et membre de la commission « Armée-Jeunesse ». En 1956, l’Association des Combattants de l’Union Française (A.C.U.F.) prend la suite de l’association des anciens du C.F.E.O. ; Yves Gignac y conserve les mêmes fonctions. Il est également membre du Comité d’Action Nationale des Anciens Combattants (C.A.N.A.C.). 

Il est arrêté le 13 mai 1958, mais relâché à l’arrivée du général de Gaulle au pouvoir. Le 24 janvier 1960, il est inculpé d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat et incarcéré ; il fait ultérieurement l’objet d’un non-lieu. Recherché par la police à partir de septembre 1961, il passe dans la clandestinité. Il est arrêté en mars 1962 ; il est soupçonné d’avoir été le délégué général de Raoul Salan en métropole de mai à août 1961,  d’être son correspondant permanent à Paris et d’être le secrétaire général de l’O.A.S. – Métro. Il est condamné à 15 ans de détention criminelle par la cour de sûreté de l’état. Gracié le 23 décembre 1966, il est amnistié par décret présidentiel du 1 avril 1967. Il reprend ses fonctions au sein de l’A.C.U.F., est élu au conseil de la section française de la confédération européenne des anciens combattants (C.E.A.C.), devient secrétaire du chapitre français de la ligue mondiale anticommuniste (W.A.C.L.). Il se démet en 1995 de toutes ses fonctions associatives mais crée, en 1999, l’Association des Amis de Raoul Salan dont il est le président jusqu’en 2004. Il décède à son domicile de Riez, dans les Alpes de Haute Provence, le 14 novembre 2012.

Chevalier de la Légion d’Honneur, titulaire de la croix de guerre des T.O.E., Yves Gignac a collaboré à la rédaction de plusieurs ouvrages sur les guerres d’Indochine et d’Algérie, a publié de nombreux articles de presse et donné de nombreuses conférences.

Dominique Salan : Yves Gignac

A part sa famille proche, Yves Gignac est certainement celui qui a le mieux connu le général Salan depuis les années 50. Dominique Salan a bien voulu évoquer pour « Les Amis de Raoul Salan » ce qu’Yves Gignac représentait pour elle.

Yves Gignac était un vieil ami.

Je ne dirai rien de son rôle prépondérant à l’ACUF, ni de ses engagements politiques, et, plus tard, religieux.

D’autres, bien plus compétents, s’en chargeront certainement.

Je ne parlerai donc que de ce que je connais, c’est-à-dire de l’amitié constante et fidèle qu’il a témoignée  à mes parents en toutes circonstances, fussent-elles les plus pénibles.

Yves Gignac était présent auprès de mon père bien avant l’année 1959, mais mes propres souvenirs datent de cette période où je le voyais quasi quotidiennement aux Invalides, quand mon père était gouverneur de Paris.

Il nous a accompagnés à Marseille, quand, en juillet 1960, nous avons pris le bateau pour nous installer en Algérie, définitivement, pensions-nous !

Les années qui suivirent furent aussi difficiles pour lui et sa famille qu’elles le furent pour nous. Mais il était là en juin 1968, pour accueillir mon père à sa sortie de prison.

Dès lors, s’engagea une longue collaboration, en particulier quand mon père décida de rédiger ses Mémoires.

Nous formions alors une sorte de trio. Mon père donnait à Yves Gignac sa rédaction manuscrite, que celui-ci tapait consciencieusement et me donnait ensuite, pour, selon l’expression de papa, «rendre l’ensemble moins militaire » ! Je doute d’y être jamais parvenue !

Parfois, Yves Gignac butait sur un mot, l’écriture de mon père, déjà réputée difficile à lire, ne s’améliorant pas avec les années !

J’avais moi-même un double du manuscrit et nous confrontions, par téléphone, nos essais de déchiffrement ! 

Dans les années qui suivirent, vacances mises à part, Yves Gignac vint pratiquement chaque jour voir mon père, autant en tant qu’ami qu’en tant que secrétaire.

Il m’arrivait de passer voir mes parents au moment où Yves Gignac arrivait. Je le voyais éteindre sa pipe (papa supportait difficilement l’odeur du tabac)  et la glisser dans la poche de sa veste avec un soin qui était parfois insuffisant.

 «Gignac, la poche de votre veste fume ! », disait mon père.

Yves Gignac fut là tous les jours que passa mon père au Val de Grâce. C’est lui qui organisa ses obsèques, se conformant scrupuleusement à ses dernières volontés.

De nombreuses années durant, il aida ensuite ma mère dans ses démarches administratives et son courrier. Il lui rendait visite plusieurs fois par mois, lui donnait des nouvelles des vieux amis, lui racontait les ennuis des uns, les bonheurs des autres, lui donnait l’impression de faire encore partie d’une société dont son état de santé (elle ne pouvait plus marcher) l’avait quelque peu éloignée. Il avait, entre temps, fondé l’Association des Amis de Raoul Salan dont il lui parlait fréquemment, et au développement de laquelle il ne manquait pas de l’associer. Il était là aussi, en juin 1998, lors de ses funérailles.

Il consacra encore quelques années à l’Association avant de se retirer à Riez pour y soigner son épouse. Celle-ci décédée, il tenta avec courage de terminer la biographie de papa qu’il avait commencée de nombreuses années auparavant.

Il n’en aura malheureusement pas eu le temps.

Comme mon père, il était croyant, et le Dieu en qui ils avaient mis leur confiance n’étant pas « un Dieu de morts, mais un Dieu de vivants » (Marc, 12,27), j’espère qu’ils sont vivants, quelque part, et qu’ils se sont retrouvés.

Dominique Salan

Préface d’Yves Gignac au livre de Roger Holeindre de 2012 « C’était des hommes… »

Yves Gignac

Roger Holeindre

Depuis des siècles il y a eu des hommes et des femmes qui ont laissé leurs noms dans l’Histoire pour avoir consacré leur vie au service de leurs contemporains, allant jusqu’au sacrifice de ce qu’ils avaient de plus cher, leur vie même … Ils n’étaient pas des hommes parfaits, la perfection n’est pas de ce monde. Ils avaient leurs travers, leur caractère. Mais à travers les événements qui marquèrent le temps où ils vivaient, ils surent toujours entreprendre le bon combat. Celui qui, dans la vérité, défendait ce qui constitue l’essentiel de l’ordre naturel humain : la liberté…

Funérailles d’Yves Gignac

La cérémonie religieuse des funérailles d’Yves Gignac s’est tenue dans la cathédrale de Riez lundi 19 novembre 2012 en présence de sa famille et de nombreux délégués d’associations patriotiques. L’Association des Amis de Raoul Salan était représentée par Hervé Pignel-Dupont, délégué pour le grand Sud-Est, à qui nous devons les photographies ci-après.

Pour quelques-uns, leur nom a subsisté à l’oubli qu’engendre le temps qui passe. Hommes ou femmes, leurs noms et leurs actions demeurent dans les mémoires et… dans les livres d’histoire. Je ne citerai qu’un seul nom, celui de Jeanne d’Arc à qui la France a rendu tout récemment un solennel hommage. Beaucoup plus nombreux sont ceux qui n’ont pas franchi l’épreuve du temps, soit en raison de la modicité de leur intervention, soit, le plus souvent, parce que celle-ci s’est heurtée à l’indifférence de leurs contemporains ou à la résistance de personnalités ou de factions subversives. Roger Holeindre a eu le mérite, et le courage, de rassembler les témoignages de ceux qui, à sa connaissance, ont mené le bon combat durant la seconde moitié du XXe siècle, parmi lesquels, nombreux sont ceux qui, pour « garantir » leur témoignage, l’ont payé de leur vie. Quel que soit leur lieu de naissance ou la couleur de leur peau, vivants ou morts, tous ont un lien avec l’Indochine et la guerre que la France a été contrainte d’y mener. Parce que les combattants d’Indochine n’ont jamais eu l’appui réel de la Nation, parce que ceux qui vivaient sur cette terre que nous avions le devoir de protéger, ont été lâchement abandonnés, on comprend leur réaction et leur souci de retrouver au moins le respect de la Nation qu’ils ont servi avec fidélité jusqu’au bout. Roger Holeindre a écrit « C’était des hommes » pour qu’il reste une trace de leur vie dont l’indéniable exemplarité ne peut être qu’utile dans le monde « déboussolé » où nous vivons. Lorsqu’il m’a demandé de préfacer son ouvrage, j’ai accepté de grand cœur. Je ne savais pas qu’il me citait en bonne place digne de l’exemplarité. Je n’en suis toujours pas convaincu… Je connais Roger Holeindre depuis près de soixante ans. Nous nous sommes rencontrés en décembre 1951 à l’assemblée générale de l’association des anciens du C.E.F.E.O., dont j’étais président national par intérim depuis le mois de mars. Venant de rentrer en métropole, à la fin de son deuxième séjour en « Indo ». Il accompagnait un de nos plus extraordinaires aumôniers, le Père Jego…Roger était déjà connu chez les paras sous le surnom amical de « Popeye ». L’étincelle jaillit au cours de cette brève rencontre. Depuis, nous ne nous sommes plus quittés, ni de pensée, ni de cœur, même si cela n’était pas toujours évident. A tel point que très rapidement, on aurait pu dire de nous : Si l’on connaît la pensée de l’un, on connaît la pensée de l’autre… Pour tout ce qu’il rapporte dans son ouvrage des événements de cette seconde moitié du XXe siècle, je dis : c’est vrai. J’approuve totalement sa conclusion. Ce qu’il faut réformer, c’est l’homme !… « C’était des hommes » mérite d’être le livre de l’année. Yves Gignac                                                    

Panorama 

Commençons par « De Gaulle et l’armée« . Si la communication de Maurice Vaïsse est honnête, ne cachant pas la dégradation progressive des rapports entre De Gaulle et l’armée, celle du colonel Guelton sur « Ce que les officiers disent de De Gaulle » est décevante, se contentant de rapports officiels conformistes sur le moral alors que les dossiers de la Sécurité Militaire sont  encore inaccessibles.  

 M. Vaïsse                 

F. Guelton

O.Dard

Olivier Dard a analysé « L’O.A.S. face à De Gaulle« , en se concentrant sur les projets d’attentats visant un homme haï, accusé de « mensonge et de trahison ». Si l’O.A.S. en tant que telle n’est pas impliquée dans le Petit-Clamart – monté par un réseau indépendant, celui du Mont Faron est des plus sérieux, même s’il échoua. A noter que dans la  stratégie de l’O.A.S. en Algérie, les émissions pirates télévisées firent beaucoup pour son influence. Sur le terrain…

R.Le Doussal

Autre sujet sensible, « De Gaulle contre l’O.A.S. ». Traité par l’ex-commissaire des R.G, Roger Le Doussal ayant servi en Algérie (voir son passionnant livre de souvenirs) et ensuite haut fonctionnaire de la police en métropole… Un exposé remarquable même s’il a regretté de ne pas avoir eu accès aux archives du ministre de l’intérieur Roger Frey. Ce fut une lutte implacable avant et après Evian. Contre l’O.A.S., il y eut mobilisation de moyens importants : la Mission C, les   barbouzes et les renseignements des réseaux F.L.N. collaborant avec R. Le Doussal certains services. Les ordres supérieurs autorisaient l’ouverture du feu pour empêcher l’O.A.S. de s’emparer des villes d’Alger et d’Oran. D’où le 26 mars rue d’Isly, et la répression du réduit de Bab el Oued. A partir de mai-juin, l’anarchie s’accélère. L’exécutif provisoire est impuissant et le F.L.N. multiplie les enlèvements et les disparus.

J. Frémeaux

Professeur d’histoire à Paris-Sorbonne, Jacques Frémeaux a traité « De Gaulle et les pieds noirs, 1962-1969« . Il explique l’évolution de plus en plus dure de cette communauté contre De Gaulle et la montée des deux côtés aux extrêmes en 1962. L’hostilité et la haine succédèrent à la méfiance (voir les livres de souvenirs d’Alain Peyrefitte). Le sentiment d’abandon, l’impuissance officielle et les échecs de l’O.A.S. ont nourri un exode massif, minimisé en haut lieu (les faux touristes de l’été1962). Ensuite, les difficultés du rapatriement se sont ajoutées à l’intransigeance du général à propos de l’indemnisation et de l’amnistie. En 1964, à St-Quentin, il y aura une déclaration du général De Gaulle saluant le retour des rapatriés « sans heurts, sans drames et sans douleurs ». Bref, le divorce sera entier jusqu’au départ du général, avec des retombées électorales…Un débat (non publié dans le livre) suivant l’exposé de Jacques Frémeaux le mit aux prises avec Alain Joxe à qui il reprocha des propos pénibles sur l’armée d’Afrique de 1943-45 qui ne se rallia pas à De Gaulle.

F.X. Hautreux

C’est François-Xavier Hautreux, jeune historien, qui a traité d’un autre sujet pénible « De Gaulle face au problème des harkis« . S’il ne cache pas la politique très restrictive et honteuse, vis-à-vis des harkis menacés, pour leur transfert en France et l’insensibilité à leur égard – le général les considérant comme de simple « réfugiés » – le communicant attribue le nombre élevé des harkis au seul général Challe. S’il mentionne leur sort tragique (exactions, persécutions, massacres), il affirme qu’à la suite des protestations et même des menaces financières de l’ambassadeur de France, Jean-Marcel Jeanneney, leur calvaire aurait cessé vers la fin de 1962.  Il est permis d’en douter. D’autant plus que les archives algériennes sont obstinément closes alors que les chercheurs algériens accèdent librement aux archives françaises.

G.Pervillé

L’affaire Si Salah est traitée par le professeur Guy Pervillé. Il conteste que le ministre Michelet ou des membres de son cabinet aient prévenu à Tunis Krim Belkacem de la défection de la Wilaya IV. Même s’il ne nie pas des messages entre Paris et Tunis[1]. Pour lui, Si Salah aurait été imprudent en envoyant le 21 juin à des journaux d’Alger et au Monde un communiqué informant de « La cessation de toute action contre les populations civiles ». Aux entretiens de Melun (25-29 juin 1960) avec   les envoyés du G.P.R.A., De Gaulle espérait conclure « La paix des braves ». Un échec, mais De Gaulle reconnaissait de facto la représentativité du F.L.N.. Et ensuite, la Wilaya IV s’effondra, épurée par Bencherif. De Gaulle en aurait profondément souffert et tiré la conclusion (discours du 4 novembre 1960) que la « République algérienne existera un jour ». Un pas décisif avait été franchi.

Autres informations très résumées

Dans ce colloque, il y eut d’autres interventions permettant de préciser certains épisodes du conflit algérien. 

Ainsi, un historien anglais, Martin Evans, traitant du « F.L.N. face à De Gaulle« , confirma les difficultés sérieuses après mai 1958 entre clans civils et militaires à Tunis. Qui ripostèrent par la création d’un organisme, le G.P.R.A. (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne). Ce fut une réussite énorme car il fut reconnu par l’ensemble des pays arabes et des pays socialistes d’Asie et, à l’O.N.U. intervint pour faire reconnaître la question algérienne. 

Un historien algérien, Daho Djerbal, dans sa communication « De Gaulle, le G.P. R.A. et les maquis de l’A.L.N. » confirma l’affaiblissement sur le terrain de la rébellion en 1959. Grâce à l’efficacité du plan Challe, du bouclage des frontières, de l’intoxication de l’A.L.N., du plan de Constantine et autres.. Il y eut même du côté français une tentative de création d’une troisième voie prônant l’association qui aurait pu réussir mais son leader, le sénateur kabyle Cherif Benhabyles, fut assassiné (à l’été 1959 à Vichy par l’Organisation Spéciale du F.L.N. en France. Daho Djerbal s’appuie sur les souvenirs (non publiés) d’un des chefs F.L.N. les plus durs, Ben Tobal. En résumé, plus on avance dans le conflit, plus les civils du G.P.R.A. sont dépassés par les militaires. Ce fut le cas de Fehrat Abbas, volontairement évincé.

Autre intervenant algérien, le docteur Chawki Mostefaï, négociateur en juin 1962 des accords avec Jean-Jacques Susini qui ne furent pas évoqués. Pour lui, la stratégie du G.P.R.A. fut de revendiquer constamment l’indépendance au nom de l’unité politique, d’où l’élimination des opposants quels qu’ils soient de l’unité territoriale. Notamment en obtenant l’algérianité du Sahara.

Une controverse, Martin Evans, évoquant les débuts de l’indépendance, trace de l’Algérie la description d’un « pays au bord du gouffre ». Réaction de Daho Djerbal. Qui vante « un pays qui ne connaît pas le chaos, dont les récoltes (blé et vigne) sont rentrées » et même  » l’eau et l’électricité assurées dans les parties encore européennes (sic) ». Un optimisme exagérément orienté. 

Un autre historien anglais, Jeffrey James Byrne, retraçant « la négociation perpétuelle entre De Gaulle et le F.L.N. » (1961-1968), démontre que la coopération franco-algérienne prévue par les accords d’Evian fut très vite en crise et qu’il fallut en renégocier des aspects avec Ben Bella. Non sans concessions de la France qui voulait éviter la rupture entre les deux pays car, comme l’a dit le ministre De Broglie, « l’Algérie constituait la porte ouverte par où passe toute la politique française vers le Tiers Monde ». 

A noter, mais ce ne fut pas traité dans le colloque, qu’il ne fut pas question de la libre circulation entre la France et l’Algérie vidée d’une partie de sa substance par le départ des Européens mais entraînant après 1962 un afflux massif d’Algériens en France. Pourtant, si l’on en croit Alain Peyrefitte dans « C’était De Gaulle » – tome 1 page 526, en Conseil des ministres, le général s’en alarmait, déplorant « une invasion de main d’œuvre, qu’elle se fasse ou non passer pour des harkis» (sic).   

En fin de colloque, Benjamin Stora traita des « Héritages du général De Gaulle« . Pour lui, la paix en Algérie n’était pas un « accord profond sur la décolonisation ». De Gaulle a désarmé les harkis. Mal conseillé, il a commis une « erreur d’analyse ». « Le tapis ( ! ) a été retiré très vite, en trois mois seulement entre mars et juillet 1962. » Tous les pieds noirs n’étaient pas O.A.S. ; mais ils étaient perdus, avaient peur, étaient attachés à l’Algérie. Bref, la fin de l’Algérie française fut « apocalyptique ». Dans ces propos, il y a un accent « révisionniste ». Mais Benjamin Stora ne dit rien des responsabilités du F.L.N…

Concluons avec le professeur Xavier Yacono (Français d’Algérie). Dans son livre « De Gaulle et le F.L.N.« , il termine par cette phrase : « Vu la démographie, l’indépendance de l’Algérie était inévitable mais il n’était pas inévitable qu’elle prît la forme d’une débandade souvent tragique. »

De Gaulle et l’Algérie (1943-1969), 535 p. Chronologie, notes, index, 27,50 € Editions Armand Colin et Ministère de la Défense  2012

Note sur Edmond Michelet et l’affaire Si Salah

Guy Pervillé, en fin d’une communication qu’il a souhaité présenter, sans succès, au colloque « Edmond Michelet, un chrétien en politique » tenu les 10 et 11 décembre 2010 au Collège des Bernardins mais qui a été retenue dans les actes du colloque[1], tire trois conclusions :

  • La publication d’un communiqué de Si Salah dans Le Monde  daté du 23 juin 1960 a été, selon lui, occultée par les historiens,
  • Si Salah s’est trahi lui-même, en particulier par ce communiqué.
  • De Gaulle n’a pas voulu provoquer l’échec d’un possible accord avec la Willaya IV et s’en serait trouvé très affecté[2].

Dans le corps du texte, il écrit : « J’en ai donc conclu qu’il n’y avait aucune preuve permettant de retenir les accusations très graves portées contre Edmond Michelet. » A notre avis, Guy Pervillé tire trop rapidement cette conclusion, ceci pour plusieurs raisons :

  • Il tient pour négligeable l’entretien rapporté par le colonel Jacquin entre Krim Belkacem et celui-ci au cours duquel Krim lui affirma qu’il avait été informé de la démarche de Si Salah par Edmond Michelet.
  • Il considère que Si Salah s’est trahi lui-même par la diffusion du communiqué du 23 juin alors que ce communiqué (voir ci-contre), même s’il est la marque d’une certaine indépendance de la Willaya IV, sur la forme est loin d’être un désaveu de la politique du G.P.R.A. au moment des entretiens de Melun de la fin de juin 1960.
  • Edmond Michelet a été prévenu dès la deuxième quinzaine de mars de la démarche de Si Salah. Il s’est écoulé trois mois avant la publication du communiqué ; ceci a laissé largement le temps à Edmond Michelet ou à des membres de son cabinet bien en phase avec lui sur ces questions (Joseph Rovan et Gaston Gosselin qui communiquaient avec le G.P.R.A.) d’en informer certains membres ou un membre du G.P.R.A., par exemple Krim Belkacem. 

Guy Pervillé, au pied de la lettre, n’a pas tort d’écrire qu’il n’y aucune preuve de l’information du G.P.R.A. par Edmond Michelet mais il n’y a pas non plus de preuves qu’il n’a pas donné cette information alors que des présomptions plus que sérieuses existent.  

[1] Procédé étonnant que celui consistant pour Nicole Lemaitre à inclure dans les actes d’un colloque une conférence qui n’était pas au programme et qui n’y a pas été prononcée. Mais à y réfléchir, pas si étonnant que cela puisque cela enlèverait une épine à la cause du « serviteur de Dieu » Edmond Michelet. Il y en a cependant de nombreuses autres.

[2] Discutable car rapporté par Michel Debré et si blessure il y a, ce serait blessure dans son orgueil.

Commissaire de police en Algérie

C’est un témoignage récent  de Roger Le Doussal, affecté aux Renseignements Généraux pendant le conflit. Breton d’origine modeste, entré dans la police, il est envoyé en Algérie au début de 1954, ne connaissant ni le pays ni ses habitants. Il lui restait à apprendre sur le terrain. Surtout dans la ville de Bône où il exerça des années 1954 à 1960. Envoyé à Alger en 1961, il occupe un poste non opérationnel mais qui lui sera très pénible. Suspecté, à tort, d’être de sympathie O.A.S., il sera muté en France au début de1962. Son livre, écrit à partir de ses notes, est extraordinaire.

Il l’a rédigé en France, en confrontant ses souvenirs avec des documents consultés (sur             dérogation) aux  Archives Nationales et souvent « réservées ». Il faut préciser que le commissaire Le Doussal termina sa carrière au sommet de la hiérarchie policière comme patron de l’Inspection Générale des Services. Les notes appuyant ses souvenirs sont abondantes. C’est du lourd (985 pages) !  

Est-ce la raison pour laquelle ce livre a été peu cité et peu commenté ? C’est plutôt que l’ancien commissaire décrit et dénonce la stratégie meurtrière du F.L.N. au nom du « djihad » (guerre sainte). Il n’approuvait pas certaines méthodes que d’autres services policiers et militaires utilisaient pour réprimer. Mais il reconnaît qu’un jugement purement moral est difficile devant l’atrocité des méthodes barbares pratiquées par la rébellion. Lui privilégia l’infiltration et les indicateurs locaux. De même, il n’approuva pas le contre-terrorisme de l’O.A.S. tout en faisant remarquer que le terrorisme implacable du F.L.N. le précéda largement. A Alger, il était chargé de comptabiliser et d’identifier toutes les victimes de toutes origines.. Un travail pénible. Sur le plan politique, il souhaitait une solution libérale et crut en De Gaulle. Il se rendait compte que celui-ci préparait un « désengagement sans honneur ». Mais il tînt à rester dans la légalité et défend ses collègues souvent diffamés et pris entre deux feux. Ce livre est sans doute un des plus sérieux écrits sur la contre-guérilla (dans les villes) en Algérie et il est à recommander. A côté de faits cruels, il contient aussi des pages sympathiques sur les populations civiles, européennes comme musulmanes, dont il a compris et partagé les drames. Et bien d’autres sur les paysages (la côte surtout) qu’il admirait. Mais en conclusion, quel terrible gâchis !  

Jean-Paul Angelelli

Rive Neuve Editions, 2011, 985 p. 30 €              

Précisions biographiques sur la période algérienne de la carrière de Roger Le Doussal

(extraites de l’annuaire du Syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale)

Né le 19 août 1929 à Lorient (Morbihan). Père mort pour la France en 1940. Maître d’internat. Licencié en droit (Faculté de Rennes – 1951). Diplômé d’études juridiques nordafricaines (Alger – 1953). Commissaire de police (12 mars 1952), affecté en Algérie, à Laghouat (1952), à Bou-Saada (1953), puis aux Renseignements généraux à Bône (19541960) et à la direction de la sûreté nationale en Algérie, à Alger (1ermars 1960). Commissaire principal (16 mars 1961). Affecté à la direction des Renseignements généraux de la Sûreté nationale : au siège à Paris (1er février 1962).

Le procès du général Salan

Il se tient du 15 au 23 mai 1962. Le tribunal est composé de M. Bornet, président, de MM. Hoppenot, Cavellat, Pasteur Vallery-Radot, Gagne, des généraux Jousse, Gilliot, Gelée et du vice-amiral Galleret. L’accusation est soutenue par l’avocat général Gavalda. Le général Salan est défendu par MTixier-Vignancour, Me Goutermanoff, Me Menuet et Me Le Coroller.

Le général André Zeller, condamné à quinze ans de détention criminelle est détenu à la prison de Tulle depuis le 5 août 1961. Dans ses carnets, il note :

17 mai 1962

Au procès Salan, déclaration pleine de hauteur et de noblesse de l’accusé. Il s’oppose sans ambages à la politique d’abaissement. Il revendique toutes ses responsabilités. Qu’on le tue, puisqu’il est entre les mains de son adversaire. Mais ce meurtre passera dans l’histoire. Ce sera le symbole de la résistance à l’abandon.

Ailleret, témoin à charge, apparaît bien petit, étroit, revendicatif  …  Réplique difficile aux apostrophes de Me Tixier-Vignancour qui lui rappelle son attitude ambigüe du 22 avril 1961[1].

[1] NDLR : Charles Ailleret, le mardi 25 avril 1961 (non le 22), à la demande du maire de Bône, M.Grobi, et pour empêcher une manifestation, rédige pour la population de la ville, une proclamation en faveur de l’Algérie française.

18 mai 1962

(…) Pendant ce temps, on juge Salan. Les témoins défilent. Valluy a, comme d’habitude, fait preuve d’une calme conception des hommes et des choses : les responsabilités des massacres d’Algérie dépassent ce procès. Salan est la victime d’une politique inavouable. En partant, Valluy a serré la main de Salan. Valluy n’est pas un homme servile comme en attire et en fabrique le régime actuel.

19 au 21 mai 1962

(…) Le procès Salan continue. La défense a engagé une dure bataille. Plusieurs témoins ont été émouvants. Le général de Pouilly, faisant allusion à son attitude en avril 1961, a déclaré qu’il avait alors choisi la discipline, mais qu’il craignait aussi d’avoir ainsi favorisé la honte et l’abandon[2}.

Le 20 mai, j’adresse au Président du Tribunal une lettre très courte dans laquelle je fais allusion au refus de nous faire comparaître comme témoin, et dans laquelle je donne aussi mon opinion sur la conduite de Salan, guidée avant tout par des mobiles élevés. (…)

[2} « Monsieur le Président, j’ai choisi une direction tout à fait différente de celle du Général Salan ; j’ai choisi la discipline; mais choisissant la discipline, j’ai également choisi de partager, avec mes concitoyens et la nation française, la honte d’un abandon. »

22, 23 mai 1962

J’avais écrit le 20 au président du « Haut Tribunal Militaire » pour lui faire savoir que j’avais reçu une citation à comparaître comme témoin au procès Salan, que j’avais transmis cette citation au ministre de la Justice et que personne ne m’avait répondu. Je donnais, sous forme  résumée, mon opinion sur Salan, en indiquant qu’il n’était pas mené par l’ambition, mais  uniquement par sa volonté de sauver l’Algérie. J’ai remis cette lettre, adressée au Président, au surveillant de garde le 20 à 16 heures. Quelle n’est pas ma surprise de constater qu’elle était bien parvenue au Tribunal le 21 au matin, puisque dans l’audience du 21 après-midi, le Président en a donné lecture.

A la lecture des journaux – cependant bien différents les uns des autres dans leur relation du procès – on a l’impression que le débat a pris l’ampleur qu’il méritait. Il n’est pas exclusivement question de « Salan OAS » comme l’aurait sans doute voulu « le pouvoir » mais on voit s’affronter ouvertement deux tendances : celle de l’obéissance au régime (qu’on essaie de confondre volontairement avec la « Nation » en évoquant le « oui » du référendum[3]), et celle de la défense du patrimoine matériel et moral du pays.

La « défense » de Salan est constituée d’hommes vigoureux, adroits, mordants[4]. Elle a su faire surgir tous les incidents nécessaires. Debré a dû comparaître et s’expliquer – assez mal – sur l’affaire du bazooka. D’innombrables témoins à décharge – dont deux aumôniers, les Pères Delarue et Pascal – ont justifié l’action de Salan. Le Tribunal a dû, à plusieurs reprises, délibérer et décider de faire comparaître de nouveaux témoins. Quelle que soit l’issue du procès, sa trace restera marquée dans une partie de l’opinion. La comparution de Salan devant ses juges apparaît comme un « règlement de comptes ». Le chef de l’Etat a voulu supprimer un de ses adversaires.

(…)

Jeudi 24 mai 1962

Coup de théâtre. Salan n’est pas condamné à mort ! Trois raisons dans mon esprit :

1°- Influence de la situation politique, en dégradation, sur le jury. 

2°- Procès bien soutenu par la défense et mettant en relief les conséquences de l’abandon.

3° – Jouhaud n’avait pas bénéficié de circonstances atténuantes par 5 voix défavorables contre 4. La proportion a du s’inverser[5] du fait du remplacement dans le jury de Gardet (homme-lige) par Gelée (homme libre).

C’est un demi-désaveu, par le jury, de la politique de de Gaulle. Conséquences importantes pour la suite. Raidissement du G.P.R.A.. Réaction des partis extrémistes. Nouveaux sursauts possibles en Algérie, etc.

(…)

[3] 18 millions de oui, 2 millions de non lors du scrutin du 8 avril 1962 portant sur l’approbation des pseudo-accords d’Evian, réservé à la Métropole et aux DOM-TOM et excluant l’Algérie.

[4} Maîtres Goutermanoff, Le Coroller, Menuet et Tixier-Vignancour

[5] Il semble que ce soit par 6 voix contre 3. Le rôle de Louis Pasteur Vallery-Radot a été capital dans le vote favorable aux circonstances atténuantes.

25 au 27 mai 1962

(…)

De Gaulle, à la suite de la sentence prononcée à l’encontre de Salan, décide de supprimer le « Haut Tribunal Militaire », qui n’a pas été assez complaisant. C’est ce qu’on appelle « la séparation des  pouvoirs ». Qu’en pense le Garde des Sceaux ? 

Lettre écrite par le général Zeller au président du Haut Tribunal militaire

Le général Salan est condamné à la détention criminelle à perpétuité le 23 mai 1962 au soir. Le lendemain, dans sa cellule de la prison de Fresnes, il rédige le texte suivant, en quatre feuillets manuscrits, inconnu jusqu’à ce jour. Un fac-similé du dernier feuillet est présenté.

  « Désormais, je garderai le Silence » Et ce silence, je l’ai gardé. Si au début, j’ai pris la parole, c’est que je désirais que ceux qui me comprennent, les jeunes d’abord, puis ceux qui se sont battus, sachent bien qu’ayant engagé ma responsabilité, qu’ayant eu le douloureux devoir de conduire à la mort des soldats courageux, qu’ayant au nom de la France juré que l’Algérie resterait toujours française, je me devais de réparer et de le dire dans une déclaration liminaire. Je n’allais certes pas installer une discussion de marchands de tapis avec Monsieur Michel Debré dans cette enceinte millénaire à côté de la Sainte Chapelle, ce joyau de la pureté. Je n’allais pas non plus discuter avec les valets de ce pouvoir, venus sans honte mais baissant le front porter l’accusation qu’ils n’ont pu étayer de chiffres concordants et exacts. Je n’allais pas non plus, refaisant ma carrière – quarante-trois ans, c’est long lorsqu’on a vécu les événements que j’ai connus – exalter mon passé. Je ne l’ai jamais fait et j’ai horreur de ça.  J’ai eu la joie d’entendre les cris de détresse de jeunes officiers, de beaux capitaines, j’ai eu la douleur d’écouter des Algériens de toutes confessions décrire leur angoisse et leur amertume devant l’abandon de leur terre, Terre de France. J’ai eu la joie d’écouter Madame la Maréchale Jean de Lattre de Tassigny me rappeler combien le 1 Maréchal m’estimait. Sa devise n’était-elle pas « Ne pas Subir » qu’a rappelée à la barre un capitaine ? J’ai eu la joie d’entendre ceux que j’avais commandés, ceux qui furent mes pairs, ceux qui furent mes chefs, dire le soldat, le grand capitaine, l’homme d’armes, le meneur d’hommes que personne ne discutait. Du plus profond de mon cœur, je leur crie toute mon affectueuse reconnaissance. Que mes avocats   Maître Tixier-Vignancour,   Maître Goutermanoff,   Maître Menuet,   Maître Le Coroller, sachent combien j’ai apprécié le combat courageux qu’ils ont mené et reçoivent l’hommage ainsi que le témoignage de mon admiration pour leur talent et leur bravoure. Je sais ce que je leur dois à eux et à leurs amis du barreau. Lorsqu’à la fin des plaidoiries empreintes de tant de noblesse, de tant de générosité et chez Maître Tixier-Vignancour, d’une élévation d’esprit, d’une logique implacable, sa péroraison qui ne pouvait qu’être entendue a éclaté, ému comme jamais je ne l’ai été, j’ai crié :
« Vive la France ».
Puis me tournant vers le Procureur Général, j’ai dit simplement ceci :
« Que Dieu me garde ! »
Et j’ai entendu sans faiblesse le verdict. Les circonstances atténuantes qui m’ont été accordées marquent bien que la voie que j’ai suivie, celle de l’Honneur Militaire tout court, était bien la bonne, la seule noble, la seule possible pour le Soldat que je suis. Je pense aussi que tous ceux qui sont morts pour que la France reste Unie sont venus, cohorte sacrée, inspirer mes juges qui ont exprimé par leur décision leurs sentiments de cœur et leur sens national. Qu’ils en soient remerciés. Et maintenant, je forme le vœu fervent que ce grand moment d’unité, que cette Marseillaise qui a fait vibrer cette salle de Justice, soient entendus dans tout le pays. Que ce grand moment nous rassemble autour des Trois Couleurs pour l’édification d’une Algérie, Province de France, où tous les habitants se tenant par la main comme à Mostaganem, comme sur le Forum, comme sur la place de la Brèche, feront taire leurs rancœurs, leurs amertumes, je dirai plus leurs haines, pour ne plus penser qu’à un avenir joyeux dans la France, leur Mère Patrie à tous.
Vive l’Algérie Française Vive la France
Dans ma cellule
Salan                                                                         
Le 24 mai1962  

Allo Carreras, Ici Godard (suite et fin)

Comment expliquer que l’armée ait ainsi basculé dans le camp mercenaire ? Comment expliquer aussi que nous ayons joué un tel coup de poker ?

L’armée, à l’heure du cessez-le-feu, dispose encore, en Algérie, d’énormes moyens matériels et humains ? Sa tête, généraux et chefs de corps servilement alignés, est pourrie. Ses cadres, officiers et sous-officiers, sont profondément divisés. Les uns, ambitieux étriqués, ne songent qu’aux galons et aux étoiles. Pour eux, la voie est claire puisqu’ils n’ont qu’à suivre. Mais il y en a d’autres, beaucoup d’autres même, qui ne sont pas dupes de la « victoire sur le terrain » dont on les a hypocritement crédités. Ils savent que la guerre vise la destruction des forces de l’adversaire et non pas la domination territoriale. Ils sont donc ulcérés. Certains hésitent. D’autres refusent. L’armée a aussi une chair. Cette chair, c’est la troupe, c’est-à-dire, sauf à la légion, les hommes du contingent. De 54 à 60, ils ont généreusement combattu, en versant parfois leur sang et en sacrifiant toujours près de trois années de jeunesse. Mais on leur a dit qu’en avril 61 ils avaient sauvé une patrie en danger parce que les cellules communistes des bases de l’armée de l’air avaient refusé d’obéir aux officiers félons. Depuis, dans leur esprit, le devoir a changé. Pour être bon soldat, il ne s’agit plus d’en découdre dans le bled, mais de se garder contre les mauvais bergers…

Avec un cerveau détraqué, un squelette désuni environné de chair faible, l’armée n’est, en définitive, qu’un grand corps sans âme. Jusqu’ici, ses interventions, après des violences éparses sous prétexte de rétablir le calme et de parer au pire lui ont permis de « sauver la face en se voilant la face ». Mais le hérisson de Bab el Oued a subitement rompu ce numéro d’équilibre sur la corde raide et sonné le glas du style d’autruche. Il a suffi alors de quelques maladresses à l’égard de patrouilles pour que le colosse aux pieds d’argile hurle avec les loups.

L’heure de vérité est toujours inévitable, mais à Bab el Oued, elle est venue trop tôt. Le général Salan l’avait pourtant remise à plus tard. Dans son instruction n° 29, il avait, dès le 25 février, défini sa parade à « l’irrémédiable probable ». Pas de putsch, pas d’exaspérations localisées ni d’insurrection populaire avant une phase ultime qui serait celle du désespoir mais, au contraire, accentuation de l’agitation sur de larges surfaces. C’était clair. Pourtant, Bab el Oued, populeux, courageux, autant que ponctuel, n’a pas entendu cette voix de la raison qui était aussi un ordre.

Pourquoi ? Est-ce parce que le général Salan ne commandait rien ? Pérez, dans un testament espagnol, m’a fait un grief semblable. Non, quand on sait les limites que la clandestinité impose à l’exercice du commandement.

Sur la boîte à sable et même au champ de manœuvres, il est toujours facile, sans être un génie militaire, d’imposer un Kriegspiel. Quand on fait la vraie guerre, il arrive que l’adversaire apporte quelques perturbations au plan d’opérations. Il faut alors, pour garder l’avantage ou pour se l’assurer, intervenir, c’est-à-dire manœuvrer et souvent « au plus près ». C’est parfois délicat mais quand même possible tant qu’on est en mesure de marquer une volonté par des ordres, transmis, dans des délais convenables, à des subordonnés, psychologiquement et matériellement, en état de les exécuter. Quand on combat dans l’ombre, tout est très différent. Il faut se résigner à commander de loin et renoncer à redresser, sur le champ, les erreurs d’aiguillage. Pour diriger, plutôt que commander, il faut donc surtout estimer et prévoir, puis, une fois les dés jetés, assister et souvent se morfondre. La discipline intellectuelle suffit dans le conventionnel, mais l’efficience d’une direction clandestine exige, de la part des échelons d’exécution, une étroite adhérence, faite de foi et de confiance aveugle, à la pensée du chef. C’est beaucoup demander… C’est là la grande faiblesse de toutes les subversions, la source des déviations et parfois des purges qui étonnent le témoin, déçoivent le partisan et servent l’opposant.  En mars 1962, il n’y aucune divergence au sein de l’OAS dont le général Salan est le chef incontesté. Il y a pourtant un malaise parmi les responsables d’Alger-ville. C’est le général Gardy, auquel je suis adjoint, qui commande la région. Le colonel Gardes est chargé de l’infrastructure et des populations. Perez supervise le renseignement et l’action. La propagande est entre les mains de Susini. Ce braintrust régional, dans lequel certains observateurs ont vu, à tort, le comité directeur de l’OAS, actionne un délégué dans chacun des départements d’Orléansville, Médéa et Tizi-Ouzou. Comme dans une Igamie, il actionne aussi directement, dans le département d’Alger, des chefs de secteurs, calqués sur les arrondissements. Pour le Grand-Alger, c’est le colonel Roland Vaudrey, combattant chevronné de la haute région tonkinoise et vétéran de Na San. Il a commandé dans le Sud Oranais et aussi à Collo. Il connaît bien Alger où il a servi sous mes ordres en 58. Il nous y a rejoints après s’être évadé de la Santé où il était consigné à la suite d’une lourde condamnation dans l’affaire du prétendu « Complot de Paris ». Une fois Vaudrey en selle, nous avons estimé Alger en bonnes mains d’autant plus que ses sous-secteurs étaient confiés à des garçons solides, presque tous officiers en rupture de ban. La formule a, pourtant, échoué, l’équipe ne s’étant pas soudée. Les causes sont multiples. Alger, secteur et capitale, a toujours été d’un maniement malaisé du fait d’inévitables intrigues, de multiples interférences et des échos soulevés par le moindre fait divers. Alger/OAS n’a pas échappé à cette règle ; j’en parle en connaissance de cause, l’ayant découverte et subie, dans la légalité, de 1957 à 1960 ! Vaudrey en a été victime parce que, clandestin et traqué, il n’a pas disposé d’une suffisante liberté d’action pour s’imposer à des capitaines, peut-être un peu frondeurs, subissant la pression de la base mais surtout, trop souvent « incités » par l’environnement du « Sommet ». De qui peut-il s’agir ? Ni de Gardy, grand subordonné mais très respectueux des ordres supérieurs ; ni de Perez qui connaît à peine le général Salan ; de Degueldre non plus, qui a trop à faire ; pas question du général Jouhaud qui se débat dans le folklore oranais ; ni de Château-Jobert qui, très militairement, s’escrime dans le Far East algérien ; ceux d’Espagne, dont Argoud, sont encore relégués aux Canaries. Broizat, le non violent, se contente de distiller des idées. Gardes ne rêve que de fraternité. Ce n’est pas moi qui cherche à compliquer la tâche de mon ami Vaudrey. Que reste-t-il, alors, pour jouer les satellites ? Une poignée de courtisans du genre de Ferrandi, sans doute, mais surtout Susini qui sait enjôler quand il veut dominer. Pourquoi, diable, Louis XV nous a-t-il affublés d’une Ile de Beauté ?

Courant février, Achard m’a averti de cette situation. Ce sous-préfet en cavale est un combattant de choc qui s’est égaré dans l’Administration, une erreur de jeunesse l’ayant fait opter pour l’Ecole de la France d’Outre-Mer. Le général Salan est pour lui une idole mais une idole qu’il sert avec clairvoyance, sans calcul ni bassesse. C’est lui le chef de file des capitaines qui encadrent Alger et qui sont, disons, en désaccord avec le colonel Vaudrey. Il a mesuré pourtant le danger des rivalités de clan et a tiré la sonnette d’alarme. J’en ai tenu compte, mais pas assez. J’ai cru pouvoir, encore, raccrocher les wagons. L’erreur m’est apparue quand, vers le 15 mars, Vaudrey m’a dit son impuissance à se faire entendre par des subordonnés n’écoutant que la voix des sirènes. A la veille de l’épreuve – Evian était déjà conclu – il était trop tard pour assainir le climat en cultivant l’eucalyptus. Alors, le général Gardy et moi, nous nous sommes employés, fébrilement, à verser de l’huile dans les rouages. Ce fut en pure perte. Les rouages sont demeurés grippés. Seconde erreur, celle-là lourde de conséquences ! Il aurait fallu porter un fer rouge dans la plaie et sans doute amputer. Mais on ne pouvait le faire que d’un commun accord, et ce commun accord n’était plus possible.

Gardes était parti du côté de l’Ouarsenis. Perez, toujours survolté, était déjà plein d’arrière-pensées et d’ambitions mal définies mais démesurées. Quant à Susini, c’eût été vain de lui demander de renoncer à l’intrigue. C’est ainsi que, malgré les ordres du commandant en chef, à l’insu de Gardy, sans le feu vert de Vaudrey, nous en sommes arrivés au 23 mars à Bab el Oued.

Certes les militaires qui ont trop longtemps porté le dolman, même s’ils l’ont parfois troqué contre un treillis de combat, seront toujours des c… Certains d’entre eux ont pourtant perçu, ce soir-là, l’âcre odeur du désastre. Ils l’avaient découverte en 1940, retrouvée du côté de Dien Bien Phu et appréhendée dans les marigots de Port Saïd. Alors que faire, sinon de s’adresser au patron, moins pour rendre compte que pour lui demander de résoudre un problème. C’est dans cet esprit que, le dimanche 25 mars, je me suis rendu, avec le général Gardy, auprès du général Salan. Pour gagner la rue Desfontaines, je me souviens avoir traversé une ville lugubre, sillonnée de blindés. C’est à peine si, aux environs du carrefour Victor Hugo, quelques jeunes gens taquinaient des gardes mobiles harassés. L’entrevue s’est passée au rez-de-chaussée, dans un bureau qui m’a semblé être celui de Ferrandi. J’ignorais alors que le général habitait dans l’immeuble. Je lui ai expliqué, en long et en large, la nécessité de mettre fin à l’anarchie qui se dessinait dans Alger et lui ai proposé diverses formules de réorganisation. Il m’a écouté avec son calme habituel mais en laissant percer une certaine lassitude. « Tout n’est pas parfait, m’a-t-il dit, mais ce qu’il y a a au moins le mérite d’exister ». Je crois avoir réagi vivement à ce « wait and see ». Pourtant le Mandarin n’a rien voulu trancher, prétextant réfléchir avant de décider. Quand j’ai regagné mes pénates, j’étais déçu et surtout inquiet.  

Le soir même, l’arrestation du général Jouhaud a bouleversé tous les plans que nous venions d’ébaucher. Le lendemain, le général Gardy était désigné pour prendre la relève à Oran et c’est à moi seul qu’allait incomber la responsabilité de l’Algérois, alors qu’à Alger rien n’était assaini.

Le Rocher Noir changeait alors de mains. Morin, ancien commis du président Bidault et dernier Délégué Général, cédait la place à un dangereux tandem fait de Fouchet, promu Haut-Commissaire et de Tricot, valet de l’Elysée. Tous deux avaient pour mission principale de casser l’OAS et de mater, par tous les moyens, les Français d’Algérie. La suite n’a pas tardé. Dès le lundi 26 mars, le sang a coulé. Plus de quarante morts et quelques cent cinquante blessés ! Tous, bien entendu, Européens. En face, dans le camp des laquais, un CRS, un seul, victime d’une balle perdue, très loin, aux confins d’Hussein Dey ! Pourquoi tant de meurtres ? Tout simplement parce que des Algérois ont tenté d’exprimer leur solidarité avec ceux qui, dans le bas de la ville, étaient, depuis trois jours, victimes d’une répression féroce. Qu’on ne raconte pas de balivernes ! L’indignation a été spontanée. Les manifestants n’étaient ni armés ni agressifs. Il y avait, parmi eux, moins d’hommes que de femmes et de gosses. Les couffins qu’ils traînaient ne recelaient aucune grenade. Ils n’étaient gonflés que de générosité avec des victuailles et des médicaments. La manifestation, a-t-on dit, était interdite. Ne l’étaient-elles pas toutes depuis mars 1956 ? Celles de mai 58 qui ont ouvert les allées du Pouvoir, ne furent-elles pas « comprises » ? Et, en décembre 60, le Belcourt FLN n’a-t-il pas été incité à faire ovation et à donner de la voix en brandissant le drapeau vert et blanc ? Au lecteur de juger.

Comment se fait-il, sinon pour être certain de faire parler la poudre, qu’un régiment de tirailleurs ait été posté là, à la dernière minute, en travers de la rue d’Isly ? Ce régiment était, comme par hasard, commandé par un parfait inconditionnel qui, déjà en avril 61, avait joué à fond contre l’entreprise du général Challe[6]. Il était médiocrement encadré, ne servant plus, depuis fort longtemps, que de moyen d’appoint dans le secteur d’Aumale. Certains ont cru voir, sur les casques des soldats, l’écusson de la Willaya IV. C’est faux. Ce qui est vrai et sûr, c’est que les tirailleurs modèle 62 – des Musulmans appelés – étaient épouvantés d’avoir à intervenir dans Alger. Alors, quand la foule a atteint le premier barrage – une maigre section, en ligne sur un rang, aux ordres d’un sous-lieutenant, lui aussi du « contingent » – un coup de feu est parti, du côté de la troupe. Affolement, maladresse ou provocation ? On ne le saura jamais. Immédiatement après, toutes les armes du service d’ordre ont craché, du Monument aux Morts à la Grande Poste, faisant un vrai carnage dans les grappes humaines qui, après avoir tenté de refluer, étaient couchées sur la chaussée. J’en ai été témoin. J’ai vu des militaires de l’infanterie de marine, embusqués sous le porche du lycée Delacroix, « allumer » allègrement les fenêtres des immeubles d’en face. J’ai vu aussi des énergumènes casqués s’acharner sur des blessés gisant devant le Coq Hardi, alors que, boulevard Laferrière, des guerriers, planqués sous des camions, faisaient feu, vraiment à volonté. Le feu n’a cessé qu’une fois les chargeurs vides. Alger  a alors, encore une fois, relevé ses morts avec la rage au cœur. La troupe a regagné ses quartiers en contant ses exploits. Les officiers, eux, étaient beaucoup moins fiers. Au Rocher Noir, Tricot a jubilé. L’armée, devenue complice était enfin mouillée, c’est-à-dire, à merci.

Comme rien ne devait nous être épargné, trois jours après, le jeudi 29 mars, c’était l’Ouarsenis. Gardes y était installé depuis le début du mois pour y jeter les bases d’une des zones insurrectionnelles prévues par l’Instruction 29. L’Orléansvillois offrait, certes, de larges possibilités. L’Etat-Major et certain chefs de corps n’étaient pas très chauds à l’idée de faire bientôt la malle. Des maquis OAS, modestes mais actifs, tenaient le Djebel autour d’Affreville. Dans l’Ouarsenis, les Beni Boudouanes du bachaga Boualem, armés en supplétifs, avaient chassé les katibas et les commissaires politiques.

Leur chef, le bachaga, était député, vice-président de l’Assemblée Nationale et officier de l’Armée d’Afrique, celle qui, à Cassino, fit oublier juin 40. Boualem se rangeant à nos côtés était un espoir raisonnable. Au sud, le Sursous, de Vialar à Tiaret, était meublé de harkas, mal disposées envers la Willaya. A l’ouest, à Mascara et à Sidi Bel Abbès, il y avait la Légion qui semblait disponible. Dans l’ensemble, donc, une vaste tache, vide de FLN, où d’importantes unités autochtones aspiraient à se rallier et où l’armée n’était pas celle de la rue d’Isly. Dans ces conditions, un paquet de légionnaires pouvait suffire pour faire tout basculer, y compris le bachaga… Telle fut l’idée de manœuvre. Elle n’était pas si folle puisqu’elle était basée sur des assurances formelles données au général Salan par des officiers légionnaires. 

[6] Colonel Goubard

Ces promesses, comme d’autres venant de Zéralda, dataient de février. Etaient-elles encore valables après le cessez-le-feu et après l’empoignade de Bab el Oued ? J’en ai douté et je me souviens avoir fait part de mes doutes au général Salan lors de notre entrevue du 25 mars.

La partie a, quand même été engagée et dans un tel secret que beaucoup, dont moi, furent pris au dépourvu. Gardes m’a dit, après coup, être tombé des nues en voyant se pointer, à l’aube du 29 mars, un commando d’Alger, fort de 150 hommes portant le béret vert. Le Bachaga, lui aussi, s’en est étonné et n’a pas apprécié « le fait accompli ». Quant au général Gardy, il a, pour rejoindre Oran, emprunté un train de messageries sans se douter que ce convoi véhiculait, jusqu’à Affreville, la force destinée à l’assaut de l’Ouarsenis ! Boualem n’a engagé dans l’aventure qu’un de ses fils et son garde-champêtre. Pour le reste, il a, disons, tergiversé… La surprise a pourtant porté quelques fruits, hélas éphémères. Des postes, au moins trois, ont, au cours de la matinée, été très « pacifiquement » submergés. Mais le reste n’a pas suivi parce que l’aviation, commandée d’Alger, est intervenue sans se soucier, le moins du monde, des scrupules qui pouvaient agiter les rampants d’Orléansville. L’affaire a alors tourné court, Gardes refusant de croiser le fer avec ceux qu’il considérait comme des compagnons d’armes, tandis que la Légion, sollicitée par le capitaine Branca, renonçait à se manifester. La suite ne fût que straffing, dispersion, chasse à l’homme et passage du djebel au peigne fin.

La tentative de l’Ouarsenis, se soldant par un échec, a confirmé la soumission de l’armée. Comme à Bab el Oued où les commandos d’Achard bénéficièrent pour décrocher de certaines complaisances, les unités locales menèrent, certes, les opérations de répression sans beaucoup de conviction, mais l’aviation et la Garde Mobile le firent avec acharnement. L’Ouarsenis nous a porté un coup très dur en privant Alger-Ville d’une bonne partie de ses cadres. A part Gardes qui s’en est sorti de justesse et de Branca que la Légion n’a quand même pas « donné », tous les autres y sont restés. Je pense à Montagnon et à Pouilloux, tous les deux capitaines de la Légion, au lieutenant Prohom, à Delhomme, sous-lieutenant des commandos de l’air et bras droit de Degueldre, au lieutenant Bernard qui, après avoir opté à Lille, venait de nous rejoindre et à d’autres, eux aussi à peine débarqués, qu’il vaut mieux encore ne pas nommer mais qui nous ont ensuite échappés. Il faut joindre à cette liste le chef de bataillon Bazin, du régiment de tirailleurs de Zéralda, tombé au combat contre le FLN, à la tête de son commando de chasse, le 5 avril, quinze jours après le cessez-le-feu.

J’ai rencontré Gardes, dès son retour, en compagnie de Vaudrey. D’un commun accord, nous avons adressé, au général Salan, un message disant notre amertume et surtout notre inquiétude de voir Alger « dégarni » par une opération malheureuse, engagée pour ainsi dire à notre insu en application d’un schéma dépassé. J’ai su, par la suite, que le général n’avait pas apprécié notre prose…

Fort heureusement, la propagande officielle n’a pas exploité à fond nos revers de l’Ouarsenis. Peutêtre, nos adversaires n’en ont-ils pas, sur le moment, mesuré toute l’étendue ? Peut-être aussi, ont-ils jugé opportun, pour ménager l’opinion publique métropolitaine et le GPRA, de ne pas souligner une manifestation d’opposition  qui, si elle avait été menée autrement, aurait pu être lourde de conséquences. Quoi qu’il en soit, le moral des patriotes d’Alger n’a pas été sensiblement atteint. Depuis le 26 mars, ne savaient-ils pas qu’il n’y avait plus rien à attendre de l’armée ?

En avril, la série noire a continué. Passons sur le référendum du 8 avril en notant, toutefois, que, si l’Algérie avait voté, les deux millions de « Non » métropolitains auraient été, au moins, doublés, malgré le FLN et malgré l’Administration. Mais, ni les Français tout court, ni les Français musulmans, pourtant plus concernés que les gaullistes bretons, n’ont été admis à faire entendre leurs voix. C’est donc avec des dés pipés qu’a été arrachée l’approbation légalisant l’abandon.

En dehors de cette mascarade, nous avons eu deux gros pépins qui furent l’arrestation de Degueldre, le 7 avril et celle du général Salan, le 20, jour du Vendredi Saint.

On a dit que Degueldre avait été vendu par un légionnaire capturé dans l’Ouarsenis. C’est possible, mais cette explication cadre mal avec les circonstances de l’arrestation. Le chef des Deltas assistait, le 7 avril, à une réunion au PC de l’O.R.O. installé depuis trop longtemps, certes, dans un immeuble voisin du viaduc du Télemly, trop voisin aussi de la rue Desfontaines. Cet immeuble a, subitement, été cerné par la Garde Mobile. Achard et Degueldre ont décidé de prendre du champ en forçant les barrages, alors que les autres, dont Perez, préféraient se réfugier dans une cache, aménagée dans l’appartement PC. Achard est sorti sans encombre après avoir exhibé une vague carte d’identité ; quelques instants après, Degueldre, lui, a été reconnu et immédiatement maîtrisé.

                 

 Extrait de répertoires photographiques des activistes à arrêter ou à surveiller de la Direction de la Sûreté Nationale

Comment expliquer que, après cette prise capitale, les gendarmes n’aient pas procédé à une fouille minutieuse de toute la baraque. Non, ils ont levé le siège… C’est donc Degueldre seul qui était visé. D’ici à penser que d’autres devaient être épargnés, il n’y a qu’un pas….  Je me suis gardé de franchir ce pas mais la retraite de la Garde m’a beaucoup étonné. Moins sur le champ que quelques temps après. Degueldre avait une doublure. C’était un civil, Paul Nocetti dit Paulo. Je ne l’ai pas connu, mais on m’en a toujours dit beaucoup de bien. Nous verrons, bientôt, ce qu’il est advenu de lui.

Le 20 avril, ce fut le tour du général Salan. Encore une ténébreuse histoire : un ancien adjudant, nommé Lavanceau, en a été le triste héros. En 56, il servait, sans éclat, à la compagnie de transmissions  de la 10ème Division Para. Je me rappelle avoir assisté, à bord d’un Nord 2500 et à l’occasion d’un saut d’entraînement sur la plage de Courbet-Marine, aux efforts du largueur pour faire franchir la porte à un sous-officier grisonnant et bedonnant. Etant, en qualité de chef d’état-major, chef de corps des unités divisionnaires, je me suis enquis du nom de ce parachutiste hésitant. J’ai ainsi appris qu’il s’agissait de l’adjudant Lavanceau qui, frisant la limite d’âge, avait quelques raisons d’avoir horreur du vide.

Une fois rendu à la vie civile, le dit Lavanceau s’est fait embaucher à la Préfecture de Police qui, à cette époque, recrutait des supplétifs musulmans pour battre en brèche les Fidayines parisiens du FLN. Achard m’a dit, par la suite, que Lavanceau avait, en février 62, fait le voyage d’Alger, soi-disant, pour remettre dans le droit chemin un fils égaré de l’OAS. Son chef du moment, le capitaine Géromini, lié d’amitié avec Achard depuis l’Indochine, l’avait muni de chaudes recommandations et sans doute instruit d’une filière. Lavanceau avait ainsi pu joindre Achard et, par ce dernier entrer en contact avec « les proches » du général Salan, si ce n’est avec le général lui-même. Il s’était, en effet, prétendu en mesure d’établir une liaison avec des Messalistes, quelques dissidents et réfugiés en Suisse mais désireux de joindre leurs efforts à ceux de l’OAS. Notre général avait toujours caressé l’espoir de jouer le MNA contre le FLN ; En 57, alors qu’il commandait en chef, n’avait-il pas misé gros sur Bellounis, « général » d’une ANL, ennemie jurée de l’ALN ?

Les Messalistes genevois constituaient donc un appât fort adroit. L’idée n’en a certainement pas germé dans la cervelle de l’adjudant mais, plutôt, dans quelque bureau d’études de la caserne des Tourelles. Elle portait d’évidence les griffes de la DEC ! Pour la mettre en œuvre, il fallait un Judas. Le rôle n’étant pas très recherché, il n’y eut que Lavanceau pour l’accepter. Il l’a, malheureusement, fort bien joué, le salaud ! Il est reparti d’Alger avec carte blanche pour nouer des relations avec les Messalistes et surtout consigne de revenir dès que la chose serait faite. 

Il est revenu le 19 avril. Après s’être logé dans un modeste hôtel, il lui a suffi de tirer une sonnette, dans le haut de la rue Michelet, pour être admis à remettre, dès le lendemain et au général lui-même, l’important dossier dont il se prétendait porteur. Dans la matinée du 20, un des petits fils du feu président Amédée Froger est venu le chercher pour le conduire rue Desfontaines. Quelques superpoulets, mis dans la confidence, ont filé discrètement. Une fois l’affaire située, la Garde Mobile a surgi en force. La suite est connue…

C’est ainsi que l’OAS a été décapitée par un sous-officier de carrière, en retraite et acheté par la DEC ! Lui-même n’en revenait pas. N’est-il pas allé, dans la soirée, mettre en « garde » un de ses anciens camarades de la DP, un sergent-chef dont il est encore prudent de taire le nom, contre une arrestation immédiate en lui avouant le dégoût qu’il avait de lui-même ? Cette suite était, peut-être, prévue au scénario pour amorcer une autre manœuvre. Mais qu’importe puisqu’un jour viendra…. Lavanceau, je l’espère pour lui, aura sans doute déjà été tué par le remords. Il restera pourtant à éclaircir le rôle de ceux qui se sont servis de l’amitié d’Achard. A leur tête figure le capitaine Géromini qui, après avoir été, comme par hasard, éloigné au Laos, a, pour se disculper, déployé trop d’efforts. 

Je précise, pour la forme, que Jacques Achard ne sera mis en cause, ni par Degueldre, ni par Salan. J’ai eu, courant mai, un long entretien avec lui et j’ai mesuré combien il était affecté par la chute de son « patron ». Il m’a dit, ce jour-là, son intention, non pas d’abandonner, mais d’aller se battre en métropole. Je lui ai demandé de rester. Il est parti quand même, écœuré par Pérez qui ne pensait qu’à faire butter tout le monde. Il est revenu en juin et en bien meilleure forme. Pérez, lui, était déjà replié en Espagne !

Cette suite de malheurs et d’erreurs a-t-elle, comme l’affirme Carréras, discrédité l’OAS ?

Certainement pas ! Sans doute a-t-elle incité le marais Musulman à s’orienter dans le vent. Sans doute  aussi, a-t-elle rendu une lueur d’espoir au « mini-clan » de Jacques Chevallier. Mais elle n’a absolument pas entamé la détermination des Français d’Algérie. Aucun d’entre eux n’a renié l’OAS. Cette OAS ne s’était, en effet, pas imposée à eux par la violence ou par le racket. Elle était leur propre chair et leur propre sang. Elle était aussi l’expression de leur volonté commune de ne pas subir. Bab el Oued, la rue d’Isly et l’Ouarsenis leur ont, certes, appris qu’ils n’avaient plus rien à espérer de l’armée. Ils n’ont, alors, fait que serrer les rangs, ceux de l’OAS, même si l’issue devait être perdante. Chapeau, mes amis les Pieds Noirs ! Après tout, Cassino aurait, aussi, pu être une défaite…

Carréras affirme qu’un « massacre délibéré des Musulmans » a précipité un divorce. C’est encore faux. D’abord parce qu’il n’y a pas eu de divorce. Ensuite et surtout parce que, s’il y a eu massacre, ce fut surtout celui des Européens. Il y a eu certes du sang musulman versé. Ce fut le cas au cours d’actes de combat, comme les tirs au mortier du 20 mars sur la place du gouvernement, ceux du 5 avril sur Belcourt et du 2 mai sur Climat de  France et encore sur Belcourt. J’ai dit ce que je pensais du bombardement du 20 mars. Mon opinion est la même pour les autres. Il y a eu, aussi, le 3 avril, l’attaque de la clinique du Beau Fraisier à la Bouzaréah. Un hôpital traité au plastic. Une trentaine de patients tués ou blessés, quelle horreur ! Non pas, puisque la croix de Genève couvrait, au Beau Fraisier, le repaire d’Azzedine et de son brain-trust de tueurs. Azzedine était, pour nous, une vieille connaissance. Il avait été fait prisonnier, en novembre 58, par la compagnie Planet du 3ème Para Colo, au cours d’un baroud du côté de Palestro. L’ancien chaudronnier de Bougie se disait alors « commandant » et responsable militaire d’une zone de la Willaya IV. Massu, toujours subtil, lui avait épargné la potence. Marion, qui, avant de se laisser tenter par l’Echo d’Alger, servait comme capitaine au 2ème bureau de la Division, avait été chargé d’endoctriner le prisonnier et d’en faire un apôtre de la Paix des Braves. Le drôle, affectant d’être complaisant, en avait profité pour se tailler sans le moindre risque. C’est, en effet, une Jeep couleur sable, celle de Port Saïd, qui l’avait reconduit, avec beaucoup d’égards, aux frontières de la dissidence. Une fois à Tunis et après quelques vicissitudes d’acheminement dont un violent accrochage qui, en Kabylie, avait coûté la vie au capitaine Graziani du 2ème RPC, il avait été lavé de tout soupçon et, au moment critique des pourparlers d’Evian, le GPRA l’avait choisi pour reprendre en main sa future capitale. Son retour avait été marqué par un regain d’assassinats et de disparitions auquel le cessez-le-feu n’avait pas mis un terme. L’autorité militaire n’ignorait rien des activités du nouveau chef de la zone FLN d’Alger, mais des ordres supérieurs lui interdisaient d’intervenir. Le commandant du 12ème Bataillon d’Infanterie, unité qui quadrillait le quartier de la Bouzaréah, en a témoigné dans un mémorandum dont les défenseurs du capitaine Mura ont fait état devant la Cour de Sûreté de l’Etat. Certains chiffres – 435 enlèvements d’Européens entre le 20 mars et le 3 juin – et la confirmation de l’implantation d’une base FLN au Beau Fraisier suffisent  pour justifier l’opération du 3 avril. C’est l’armée qui aurait dû s’en charger. N’est-elle pas, en toutes circonstances, garante du respect des personnes et des biens ? Devant la carence des forces légales, Mura a frappé. Il l’a fait rapidement et brutalement, dans le seul style permis à des commandos clandestins. Le coup a porté, mais Azzedine n’a pas été mis au tapis. Il a donc poursuivi ses meurtres. Mais, pour ménager le partenaire de la Commission Mixte, la propagande de Fouchet s’est déchaînée contre une entreprise prétendue criminelle.

Une élémentaire franchise commande de reconnaître que des Musulmans furent, parfois, frappés, au hasard, par des énergumènes, échappant – je l’espère du moins – à tout contrôle. Ce fut le cas, le 24 avril, au marché Barnave, comme le 8 mai dans le centre d’Alger. Les voitures piégées de la Place du Gouvernement (25 avril) et du port (2 mai) furent, elles aussi à mon sens, des excès condamnables. L’OAS n’avait rien à gagner à abattre des fatmas ou des marchands de légumes et à imiter les attentats, de sinistre mémoire, des Lampadaires et du Casino de la Corniche ! Nous nous sommes insurgés, Gardes, Vaudrey et moi contre de telles pratiques. Ce fut en pure perte, parce que c’est la violence des autres qui déchaînait celle des nôtres. La façon dont Azzedine a célébré l’Aït el Kébir en fournit un exemple. Ce jour-là 14 mai, soixante-dix Européens sont tombés sous les balles de ses commandos. Le lendemain, une riposte, spontanée et inévitable, a fait, dans l’autre camp, un nombre équivalent de victimes.

Quand on épilogue sur cette triste période, il faut se souvenir que des centaines de milliers de Français étaient, alors, le dos à la mer et, bien souvent, au mur. Il faut comprendre que la terreur subie jour après jour peut mener à la révolte et à la fureur quand vient s’y ajouter l’angoisse du lendemain. Il faut,  en un mot, rester humain et vrai. Carréras, dans les jugements qu’il prononce, n’est ni l’un, ni l’autre. Dans un tel domaine, les comptes sont répugnants. Il faut pourtant en faire pour contrer le mensonge. D’après les statistiques officielles, il y a eu, parmi les Musulmans d’Alger, quatre cent cinquante victimes, entre le cessez-le-feu et la fin du mois de mai. Deux cents morts et deux cent cinquante blessés, c’est beaucoup. Fort heureusement ces chiffres ont, sans nul doute, été gonflés par l’Administration pour les besoins d’une cause. Mais n’ergotons pas et voyons ce qui s’est passé en face. Le prix de Bab el Oued a toujours été tu. Les mitrailleuses, les rockets, les canons des blindés et des avions n’y ont quand même pas percé que les briques des murs ou les dalles des terrasses ! Mais passons puisque rien que le triste bilan d’Azzedine et de la rue d’Isly se solde par cinq cents morts et deux cents blessés. C’est beaucoup, aussi, pour une ville et ce ne sont là, cette fois, que des chiffres incomplets. Les butors de Debrosse ont fait d’autres victimes en arrosant les façades avec leurs armes de bord. J’ai assisté à certains de leurs numéros de « chasse libre ». J’en ai gardé plus que du dégoût. Je crains que ce soit de la haine.

Avril et mai furent donc des mois sanglants. L’OAS en porte-t-elle la responsabilité ? Je ne le pense pas. Je crois plutôt que les Algérois ont été entraînés dans un engrenage infernal dont les origines sont la férocité de la répression, l’abandon au FLN des quartiers périphériques et la multiplication des assassinats. Les deux premiers facteurs engagent le Pouvoir, le troisième est du ressort d’Azzedine. On a prétendu que l’OAS  a imposé le « clivage » des populations et la ségrégation par quartiers. Quelle invention ! Depuis 54, le terrorisme FLN ne visait qu’à cela, dans toute l’Algérie. S’il égorgeait des colons, s’il brûlait les fermes et les récoltes, c’était pour contraindre les rescapés à abandonner le bled. Mêmes efforts dans les villes où il avait toujours cherché à s’assurer des bastions. Souvenons-nous de la casbah d’Alger en 57 ! Prescrire le clivage, c’était donc faire le jeu de l’adversaire. Nous n’avons pourtant pas pu y parer  dans Alger, après le cessez-le-feu. L’armée a, alors, reçu l’ordre de ne plus se montrer dans les îlots musulmans où les avant-gardes de l’ALN se sont hâtées de prendre sa relève, non pas pour y assurer l’ordre mais pour liquider les Européens qui s’obstinaient à y demeurer. L’attaque appelant la riposte, les Musulmans ont, à leur tour, déserté Bab el Oued et les quartiers du centre. Ce double exode  a donc été la conséquence inévitable d’un abandon suivi de violences, la peur amplifiant le tout. Je ne dis pas que nos grands cerveaux n’ont pas, dans leurs palabres, fait, parfois, du clivage une arme victorieuse. Ces grands cerveaux n’étaient que des petites têtes qui cédaient au courant. Disons, à leur décharge, que le torrent était en crue. 

Reste la « Terre brûlée ». C’est un bien grand mot. D’importantes perturbations de secteurs clés – pétrole, infrastructure ou télécommunications – auraient pu peser sur les débats d’Evian. Nous étions, en février, en mesure de le faire. Le général Salan ne l’a pas voulu. Il a, au moment crucial, renoncé à porter atteinte aux œuvres vives du patrimoine de l’Algérie qui, à ses yeux, était encore un patrimoine français. Maintenant que tout est perdu parce que l’OAS a perdu, l’erreur est aveuglante. Il n’en reste pas moins que, une fois l’occasion passée, le spectre de la « Terre Brûlée » n’a plus été qu’un moyen de chantage dont les « négociateurs » ont usé sans vergogne. Pour feindre le risque d’être débordés par des durs, ils ont cassé quelques bricoles, sans doute, mais, quand même, la bibliothèque de l’université d’Alger, un rectorat et quelques écoles, proies faciles mais non pas objectifs d’un honnête combat. Ça, comme le reste, ne fut, en mai et juin, de la part de Susini, que bidon et piteux cinéma.

Quant à moi, je suis, d’après l’auteur, le chef de file des déments prônant les ratonnades, se vautrant dans la ségrégation et s’acharnant à détruire, rien que pour détruire. Allons, Carréras, pensez un peu à ceux qui vous prennent, encore, pour un garçon sérieux ! Je sais, depuis longtemps, que vous n’avez jamais été étouffé par l’objectivité. J’admets, donc, que, dans une polémique, vous soyez amené à interpréter et même à broder pour une finalité. Mais la mauvaise foi, comme toute chose, a ses conditions et, aussi, ses limites. Pour avoir une chance d’être cru, il vous aurait fallu, au moins en apparence, raisonner à partir d’une analyse vraisemblable et vous garder de conclusions extrêmes. Vous ne faîtes qu’affirmer des énormités. Seriez-vous donc, à ce point, ignorant du sujet auquel vous prétendez apporter témoignage ?

FIN


Les commentaires sont clos.