Bulletin 24
LES AMIS DE RAOUL SALAN LE BULLETIN
Nos amis & adhérents ont publié
Michel Déon et l’Algérie
Les débuts de la répression contre les partisans de l’Algérie française
Le colonel Godard en janvier 1960
Nos amis et adhérents ont publié
L’abbé Pierre Molin est retourné à Dieu à la fin de l’année dernière. Le 7 décembre 2009, ses obsèques ont été célébrées à la chapelle du Val de Grâce où il avait dit plusieurs fois la messe pour l’anniversaire de la mort du général Salan. Ni polytechnicien, ni jésuite, ni docteur en théologie, ni psychiatre, ni sociologue, mais… prêtre, il avait écrit en 2007 ce livre « Lumières de France« . « Se souvenir de la France, c’est, parmi d’autres choses, se rappeler l’exemple de ses soldats, goûter le charme de ses poètes et l’imagination fertile de ses écrivains, invoquer la protection de ses saints ». Le général Salan se retrouve en compagnie de Laperrine, de Psichari et de Bastien-Thiry et aussi de Villon, de Corneille, de Brasillach, de Saint Louis et de Saint Jean-Marie Vianney.
Abbé Pierre Molin, Lumières de France, 140 p. Editions Dualpha, 2007
Une fois n’est pas coutume, il ne s’agit pas ici d’un livre mais d’un enregistrement sonore, exceptionnel. Le 30 novembre 1961, pour s’opposer à la sortie de La Santé – avant internement administratif dans un camp – du commissaire Dides, les 26 détenus de la 6ème division de La Santé se barricadent. Ils résistent sept heures aux assauts des gendarmes mobiles. Parmi les détenus, les généraux Faure, Gouraud et
Vanuxem, le colonel de Blignières, le capitaine Souètre, Dominique Venner. Ces moments intenses ont été enregistrés à l’époque sur un petit magnétophone. Les voici.
Ils étaient 26 français.. Editions Histoire et Mémoire 18€
Armand Belvisi a réalisé avec le soutien de l’ADIMAD, sur souscription, un album qui ne ressemble à rien de ce qui a pu être fait sur la vie des prisonniers politiques des dix premières années de la Ve République. Des centaines de photographies prises en majorité à Saint Martin de Ré mais aussi à la Santé et aux camps de Thol et de Saint Maurice l’Ardoise, il ressort que les combattants de l’Algérie française n’ont jamais courbé l’échine : ils étaient indomptables et ont trouvé, en eux-mêmes et collectivement, la force de tenir dans des conditions matérielles et morales extrêmement pénibles : patriotes enfermés par les autorités légales du pays pour avoir lutté contre l’abandon par celles-ci d’une partie de la patrie à des terroristes.
Michel Déon et l’Algérie
Michel Déon a eu 90 ans en août dernier. Il est toujours « le jeune homme (en habit) vert » de l’ Académie française qui l’a élu en 1978. Coup sur coup viennent d’être publiés :
- « Lettres de château » (Gallimard, 166 p., 15,90 €), de merveilleux hommages, sous des angles inattendus, aux écrivains et artistes que Michel Déon aime, Larbaud, Conrad, Manet,
Giono,Poussin, Toulet, Braque, Apollinaire, Stendhal et Morand ;
- Journal 1947-1983 Extraits (L’Herne, 139 p., 12 €) ;
- Et pour couronner le tout, Les cahiers de l’Herne ont consacré leur plus récente publication à Michel Déon (L’Herne, Déon, 272 p. grand format 21×27, 39 €).
Dans le Journal et dans le cahier de l’Herne, la période de la fin de l’Algérie française et celle qui a suivi ne sont pas occultées.
Le Journal cite l’épisode d’un voyage en Italie en décembre 1963 au cours duquel Michel Déon, à la demande du directeur des éditions de la Table ronde, Roland Laudenbach, rencontre Jean-Jacques Susini qui lui remet une partie d’un manuscrit.
Les Cahiers de l’Herne consacrent une page à une lettre du général Challe à Michel Déon datant de janvier 1971. Le général Challe a lu son roman « Les Poneys Sauvages ». Dans un style sans fioriture, il écrit qu’il a « beaucoup apprécié la façon exacte de sa présentation (de l’Affaire Si Salah, NdR.) parmi les aventures d’un de vos héros ». A propos de l’Algérie, il ajoute « Les politiciens fous ont transformé notre décolonisation par promotion en décolonisation par abandon ». Sans doute était-il pleinement d’accord avec cette phrase extraite du roman : « On allait assister à une chose inouïe : un gouvernement dont l’armée était victorieuse allait faire cadeau de cette victoire à l’adversaire ».
Michel Déon connaissait bien l’Algérie. A l’été 1958, le directeur littéraire des Editions Plon, Charles Orengo, avait écrit une lettre au général Salan, puis avait été reçu par lui, en vue de solliciter son accord pour faciliter un séjour de Michel Déon en Algérie. Le but était de rassembler les éléments nécessaires à l’écriture d’un livre destiné à être publié dans la collection « Tribune libre » de Plon.
Cette lettre figure dans les archives du général Salan. Charles Orengo présente Michel Déon comme un jeune auteur talentueux. Elle ne peut malheureusement être reproduite dans ce bulletin car le texte est trop peu contrasté par rapport au fond et, de ce fait, difficile à lire. Une fois le livre édité, en mai 1959, sous le titre « L’armée d’Algérie et la pacification », Charles Orengo écrit de nouveau au général Salan, qui a été muté à Paris à la fin de 1958 (voir le bulletin n° 23). Il lui recommande le livre de Michel Déon et souhaite que le général Salan favorise une large diffusion de celui-ci.
Le livre de Michel Déon, que l’on aurait pu croire de pure circonstance et, pourquoi ne pas l’écrire, de pure propagande, reste d’un grand intérêt, cinquante ans plus tard, grâce à ses analyses fouillées et nuancées. Il est rédigé en deux parties : la première replace la guerre d’Algérie dans son contexte et met en évidence les caractéristiques d’une guerre révolutionnaire ; la deuxième partie traite de la pacification sous ses différents aspects : détruire l’organisation rebelle et construire la paix – les contremaquis – l’action psychologique – la structure du pays – zones interdites et zone pilote.
En exergue à sa conclusion, Michel Déon cite le général Salan : « Ramener le calme et la paix sur cette portion de terre française ne peut être le seul fait de la Force. Il faut, avant tout, ramener la paix dans les cœurs et les esprits. Une telle tâche demande beaucoup de persévérance, beaucoup d’amour et une foi ardente en l’avenir de notre pays ».
Michel Déon, dans les années suivant l’abandon de l’Algérie, donne plusieurs « Tribunes libres » à « Combat« . Ce sont de petits chefs d’œuvre de subversion du régime gaullien. Ils ne peuvent donner lieu à saisie du quotidien car presque tout est dans le non dit. Rappelez-vous, sous la présidence de Charles de
Gaulle, le nombre de saisies de journaux a atteint des sommets inégalés de même que les poursuites pour offense au chef de l’état. Les titres des deux articles ne sont en eux-mêmes pas subversifs : « Un voyageur traqué » et « Les grenouilles et le roi ».
Le voyageur traqué, c’est le général de Gaulle. Le luxe des précautions prises pour son voyage aux Pays-Bas en 1963 inspire à Michel Déon une réflexion sur le triste privilège dont jouit la France d’avoir à sa tête le chef d’état le plus menacé du monde. Il cite la presse étrangère qui « commence à douter de la légitimité d’un chef d’Etat aussi menacé dans sa vie et dans son œuvre » et qui se demande « si dans un pays sainement dirigé par un homme choisi selon le cœur des électeurs, il est logique que le premier politicien du pays soit aussi constamment en danger ». Conclusion du lecteur, que Michel Déon se garde bien d’expliciter : la dictature plébiscitaire n’est pas loin. Dans Les grenouilles et le roi,
Michel Déon compare les portraits de Charles de Gaulle tracés par Mauriac, en transe, et, en réponse, par Jacques Laurent, décapant.
Conclusion : un écrivain a sauvé l’honneur. Il a osé écrire que le roi était nu.
Les débuts de la répression contre les partisans de l’Algérie française
Extrait de « Edmond Michelet est-il un saint ? » pp. 49-51
Après le limogeage du général Massu du corps d’armée d’Alger le 22 janvier 1960 et son remplacement par le général Crépin, et après les manifestations des Algérois qui s’en sont suivies le 24 janvier[1], le gouvernement se divise sur les moyens à employer pour réduire l’insurrection à Alger : Maurice Couve de Murville (ministre des Affaires Etrangères), Louis Joxe (secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre), André Malraux (ministre des Affaires culturelles), Robert Buron (ministre des Travaux publics et des Transports) et Edmond Michelet sont partisans de la manière forte. Edmond Michelet répète : « Le gouvernement doit demeurer ferme. Il ne doit pas négocier ». Alors que Jacques Soustelle (ministre délégué auprès du Premier Ministre), Bernard Cornut-Gentille (ministre des Postes, Télégraphes et Téléphones), Pierre Guillaumat (ministre des Armées) et Raymond Triboulet (ministre des anciens combattants) souhaitent un dialogue avec la population européenne d’Algérie.
En métropole, cinq journaux sont saisis, 80 mandats d’amener sont délivrés.
Le 1er février, l’insurrection est terminée. Les insurgés, conduits par le député d’Alger Pierre Lagaillarde, quittent le réduit de la faculté d’Alger où ils s’étaient retranchés
Dans la nuit du 2 février, les pleins pouvoirs sont votés à une large majorité (y compris les socialistes) par l’Assemblée nationale ; ils donnent la possibilité au gouvernement de légiférer par ordonnances pendant une durée d’un an. C’est ainsi que toutes les lois répressives contre les partisans de l’Algérie française, y compris le rétablissement de la peine de mort pour crime politique, sont imposées par le pouvoir exécutif et promulguées sans être soumises à l’Assemblée nationale et au Sénat où les oppositions sont fortes.
Le 2 février, Edmond Michelet nomme par décret André Rocca, procureur général près la cour d’appel d’Alger, au poste d’avocat général à la cour de cassation[2]. Par un second décret du même jour, il nomme Robert Schmelck, premier substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de la Seine et membre de son cabinet, au poste précédemment occupé par André Rocca à Alger.
Le 5 février, à l’occasion d’un remaniement ministériel, Jacques Soustelle et Bernard Cornut-Gentille, partisans de l’Algérie française, sont exclus du gouvernement et remplacés respectivement par Roger Frey et Michel Maurice-Bokanowski, tandis que Pierre Messmer remplace Pierre Guillaumat au ministère des armées.
Ipso facto, d’après les dirigeants du parti gaulliste, Jacques Soustelle n’est plus membre du comité central de l’U.N.R., ce qu’il conteste formellement.
Le 6 février, Pierre Chatenet, ministre de l’Intérieur, Pierre Messmer et Edmond Michelet, ministre de la Justice vont à Alger étudier sur place « diverses mesures de remise en ordre ».
Edmond Michelet procède à l’installation de son collaborateur Robert Schmelck au poste clé de procureur général, installation boycottée par les avocats du barreau d’Alger qui protestent contre les mandats d’arrêt lancés contre deux de leurs pairs, Me Jacques Laquière et Me Trappe; Robert Schmelck y restera jusqu’en 1961 avant de revenir diriger l’Administration pénitentiaire en métropole jusqu’en 1964.
Le 7 février, à Alger, Me Popie[3], avocat « libéral » vient voir Alain de Sérigny. Directeur de L’Echo d’Alger, quotidien de tendance Algérie Française, celui-ci est en résidence surveillée à son domicile. Me Popie lui rappelle qu’il est l’ami d’Edmond Michelet, précisément à Alger ce jour-là, et lui dit qu’il sera arrêté le lendemain sauf s’il accepte que L’Echo d’Alger change de mains ou de politique.Alain de Sérigny congédieMe Popie. Le lendemain, Alain de Sérigny est inculpé de complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat[4] et incarcéré.
Echo-Soir daté du dimanche 7 février 1960
Le 9 février 1960, le commandant Sapin-Lignières [5] est arrêté à son tour et quatre mandats d’amener supplémentaires sont délivrés.
Au conseil des ministres du 10 février, les trois ministres rendent compte de leur mission à Alger et diverses mesures sont adoptées dont un « renforcement de la justice » et une réorganisation de la justice militaire en Algérie. L’épuration et la répression se mettent en place : des personnalités favorables à l’Algérie française, dont plusieurs députés, Mourad Kaouah, Jean-Marie Le Pen, Jean-Baptiste Biaggi, théoriquement protégés par l’immunité parlementaire, sont appréhendées et mises en détention sans l’accord préalable de l’Assemblée Nationale.
De nouveaux magistrats sont affectés à l’instruction des nombreux dossiers et le 12 février, une requête est présentée à la Chambre criminelle de la Cour de Cassation afin d’ordonner le transfert au Tribunal de Grande Instance de la Seine de dossiers instruits à Alger.
Parallèlement, le 24 février, la police découvre un réseau de soutien au F.L.N. composé de métropolitains et animé par Francis Jeanson qui prend la fuite. Celui-ci tiendra une conférence de presse clandestine à Paris dont Paris-Presse l’Intransigeant rend compte le 20 avril, alors que de nombreux attentats du F.L.N. ont lieu les 23 et 24 avril et que le procès des assassins du sénateur Benhabylès débute à Lyon.
Le 25 avril, Jacques Soustelle, l’un des plus anciens des gaullistes et le plus pugnace à l’Assemblée nationale durant la « traversée du désert » de Charles de Gaulle, est exclu de l’U.N.R. par le comité central, présidé par Jacques Chaban-Delmas et où siège Edmond Michelet.
La « semaine des barricades » cristallise l’opposition latente entre gaullistes fidèles au général de Gaulle et gaullistes fidèles à l’Algérie française.
Elle est également le point de basculement dans la mise en œuvre par le gouvernement de la politique de répression qui, progressivement au cours de l’année 1960, va frapper de plus en plus les partisans de l’Algérie française et de moins en moins, les partisans du F.L.N.
L’ordonnance 60-384 du 18 avril 1960, signée de Charles de Gaulle, Michel Debré et Edmond Michelet est la première à marquer ce basculement en étendant à tous les faits commis en relation avec les événements survenus dans les départements algériens l’application de l’ordonnance 58-921 du 8 octobre 1958 qui, jusqu’alors, réprimait uniquement les infractions commises en vue d’apporter une aide aux rebelles des départements algériens. Le pouvoir dispose alors des moyens pour poursuivre les partisans de l’Algérie française en Algérie comme en métropole.
Le colonel Godard en janvier 1960 (II)
Nous poursuivons la publication du document inédit dont la première partie, « Les Forces en présence », figure dans le numéro 23 du bulletin. La 2ème partie du document est intitulée : Le Climat et sous-titrée « Ambiguïté et équivoque ». Elle est restée à l’état de document de travail non terminé
Le Climat
Ambiguïté et équivoque
L’autodétermination, c’est l’offre de la sécession. L’association demeure une formule non définie. La francisation est une défiguration de l’intégration (le terme évoque l’assimilation).
Les motifs d’inquiétude :
- Le discours du 16 septembre 1959
- Les bruits de négociation (déclaration de DG à Lauriol, Laradji, Portolano –cf. Barricades pour un drapeau, pp 23, 24 et 25) et Un procès, p. 71.
- La carence de la répression (396 condamnations à mort, 14 exécutions) et la poursuite du terrorisme. (La 7ème D.M.R. quitte la Mitidja en mai 1959)
- La montée de la tension
- Conclusion : il ne manque que le détonateur. Ce sera l’affaire Kempski
Cf. Un Procès, p.60
Déclaration du colonel Gardes : quand il prend ses fonctions de chef du 5ème Bureau, en décembre 1958, Gardes constate que les contacts sont difficiles avec les Européens, alors que, grâce aux S.A.S., ils sont satisfaisants avec les musulmans.
Le « retrait » des Européens n’a fait que s’accentuer par la suite.
Le 18-9-59, deux jours après le discours de l’autodétermination, Challe dit à Gardes, Lancrenon et Brothier, que l’armée marchait sur la voie de la seconde solution, celle de la francisation, mais reconnaît qu’il ne peut pas l’écrire et que ce choix ne peut faire l’objet que de directives verbales. Par la suite, Paris, sous prétexte de la nécessité de « franchir le cap de l’ONU », s’est employé à parer à toute prise de position de l’armée en faveur de la francisation (« impulsions » de Paris, dit Gardes.)
Le 16 septembre 1959, c’est :
- les Européens conscients du bradage
- les Musulmans doutant du maintien de la France
- l’armée trompée (Cf. Tournée des popotes d’août 1959 et déclaration de DG au P.C. de Challe en Kabylie
L’orientation que Challe a donnée à Gardes qui consistait, pour l’armée, à continuer à jouer la solution la plus française, c’est-à-dire la francisation, a été confirmée à une réunion des commandants de Corps d’Armée, de zones et de secteurs (voir « Un procès, p.90, déposition de Massu). « Nous ne sommes pas des demi-portions » déclare Challe. Si nous ne sommes pas foutus de nous défendre contre l’O.P.A., nous ne sommes que des bons à rien.
Ainsi, l’autodétermination est admise par l’armée qui choisit de jouer la francisation. Mais elle est refusée par les Mouvements Nationaux et en particulier par le F.N.F.. Une brèche s’ouvre ainsi dans le front commun anti F.L.N. qui groupait l’armée, les Européens et les Musulmans français.
Avant le 16-9-59
23-10-58 Paix des Braves, « le reste » se faisant, après le cessez le feu, avec les représentants légitimes que le peuple algérien désignera – Refus net et brutal de la part du G.P.R.A. –
8-1-59 DG: Place de choix destinée, dans la Communauté, à l’Algérie de demain, pacifiée, transformée, développant elle-même sa personnalité et étroitement liée à la France !
13-1-59 Mesures de clémence à l’occasion de l’accession de DG à la Présidence de la République[6] :
- grâce pour tous les condamnés à mort
- libération de 7000 assignés à résidence (Westphal)
- Ben Bella transféré de la Santé dans une enceinte fortifiée et devenant ainsi, de prisonnier de droit commun, prisonnier de guerre.
25-3-59 Conférence de presse de DG. Il parle de « personnalité algérienne »
7-5-59 DG à Bourges : « Le jour est en vue où l’Algérie sera pacifiée. »
9-5-59 DG à Blois : « Nous allons vers des négociations qui peuvent être décisives. »
29-4-59 L’Echo d’Oran fait état des déclarations faites par DG à son directeur, Laffont, condamnant
« l’Algérie de papa ». Cf. fichier « Députés »
13-5-59 Anniversaire du 13 mai. Alger calme mais froid
4-6-59 Débat à l’Assemblée Nationale sur le problème algérien. Déclaration de Debré (Cf, Année Politique 1959, page 63)
DG
- Cf. Un Procès, p.121 – entretien et correspondance de Sérigny/Soustelle, en mars 1958, position de DG sur problème algérien
- Cf. Un Procès, page 162 – audience accordée par DG à Lauriol et Marçais (j’ignore à quel titre) la veille de son premier voyage à Alger.
On lui parle de la réalité de la fraternisation. Il demande à Marçais, qui en qualité de professeur d’arabe doit connaître les Arabes, si c’est vrai !
On lui parle d’intégration – il balaie la formule d’un revers de main.
« Je ne vous demande pas ce qu’on doit faire en Algérie. On fait appel à DG et DG fera ce qu’il y a à faire – qu’on lui fasse confiance »
Inquiétude de Marçais et Lauriol – mais confiance quand même.
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- Cf. Un Procès, page 131 et Année Politique, année 1958, page 544
Discours de DG à Alger le 4/6/58
A Oran (6 juin) « L’Oranie est terre française, organiquement et pour toujours »
A Mostaganem (6 juin) : « Vive l’Algérie Française »
Il ne prononce pas le mot d’intégration, et semble ainsi refuser de s’engager dans une formule politique précise.
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Discours de DG le 29 août 1958 à Alger, A.P. 1958, page 550 :
« Voter oui dans les conditions présentes, cela voudra dire, tout au moins, que l’on veut se comporter comme Français à part entière et que l’on croit que l’évolution nécessaire de l’Algérie doit s’accomplir dans le cadre français.»
– Cf. Un Procès, page 165
DG à Marçais, le 12 juin 1959 : « Voyons, Marçais, ces gens-là (les musulmans) ne sont pas des Français, ce ne seront jamais des Français.»
Il y a donc eu, en juin 58, de la part de DG dissimulation de son plan
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Référence : Un Procès, page 167
Audience accordée par DG à Marc Lauriol le 19/1/60
Lauriol était porteur d’une motion des municipalités de Mitidja.
DG condamne l’intégration en termes extrêmement crus. « Les militaires ne font que des conneries : l’affaire Dreyfus, Pétain et l’intégration ».
– Voyons, Lauriol, ce ne sont pas des Français ces gens-là. La politique se fait avec des réalités et non pas des désirs.
DG raconte que lorsqu’il a parlé à Constantine, sur la place de la Bréche (sans doute quand, le 3/10/58, il a annoncé le plan de Constantine), des « gens à lui », éparpillés dans la foule, lui ont rapporté que les Musulmans s’attendaient à voir paraître Ferhat Abbas à ses côtés !
DG prétend que ce que disent les FA à Lauriol, « c’est pour ne pas lui faire de peine, parce qu’ils l’aiment bien. Mais ce qu’ils pensent, c’est à DG qu’ils le disent ! »
Lauriol insistant ensuite pour que, dans le cadre de l’autodétermination, tout soit mis en œuvre pour que les FMA choisissent la France, DG le refuse sous prétexte de ne pas prédéterminer. « Non, dit-il, ils choisiront librement. »
On ne devait donc pas chercher à gagner la partie, alors que le F.L.N., lui, le faisait, et par tous les moyens ! C’était insensé.
Le passage qui suit est barré par l’auteur :
Référence : Un Procès, page 71 et Barricades pour un drapeau, page 23
Entrevue entre DG et trois députés d’Algérie (Lauriol, Portolano et Laradji) début janvier 60 (19/1/60) D’après Gardes, informé par Marçais, les bruits répandus autour de cette entrevue ont fait l’effet d’une bombe et furent aussi déterminants que l’annonce de l’autodétermination (déclaration au procès).
DG a déclaré aux trois députés que l’Algérie pourrait être partagée entre territoires ayant voté pour la France et ceux qui auraient voté pour l’association ou pour l’indépendance
Référence : Un Procès, page 376 Entretien entre DG et Sérigny le 21/12/58.
Sérigny, reçu par DG, plaide pour l’intégration. DG : « Mon jeune ami, l’Algérie sera au mieux de l’Houphouët-Boigny et au pire du Sekou Touré.»
Sérigny n’en a pas fait état dans son journal[7]. Il en a pourtant fait part à « ses familiers » et à Soustelle qui n’en a pas été surpris, sachant que DG avait dit la même chose à Robert Lazurick, directeur de l’Aurore.
La montée de la tension
- 3/1 Réunion du F.N.F. à Tefesschoun où Perez et Susini prennent la parole.
- 4/1 Djebbour, député d’Alger : « S’il faut prendre une mitraillette pour devenir un interlocuteur valable, nous agirons en conséquence ».
- 5/1 Appel à l’union par le Comité d’Entente des Mouvements Nationaux.
. Refus de l’autodétermination
. Refus de toute discussion avec le G.P.R.A.
. Intégration respectant les particularismes locaux.
- Communiqué de SOS Algérie le 7/1 qui annonce que le moment est venu de renforcer la résistance à l’abandon (A.P. 267)
- 8/1 Trois grenades à Alger – trois morts et trois blessés
- 10/1 Réunion du M.P. 13, où Martel se dit assuré du soutien, en métropole, d’une Vendée militaire. Réunion du F.N.F. Ortiz très violent
- 11/1 Communiqué du Comité d’Entente des Mouvements Nationaux constatant carence de l’autorité pour assurer le respect de la vie et des biens des citoyens et invitant les algérois à s’organiser et à rejoindre les mouvements nationaux – communiqué sanctionné par Challe.
- 12/1 « Ici la France » de Lopinto paraît avec un énorme titre : La mesure est comble.
- 13/1 Réunion Assistance et Protection : « Défendons-nous nous-mêmes contre le terrorisme. Notre droit à la vie prime le Code Pénal. »
Le mécontentement des colons de Mitidja et du Sahel
- En Mitidja, 22 victimes du terrorisme en décembre
- Constitution d’une Fédération de Syndicats de défense des agriculteurs de Mitidja et du Sahel qui, en liaison avec la Fédération des maires de L’Algérois, réclame que l’armée dispose des ordres et des moyens indispensables à l’anéantissement du terrorisme (Année Politique 1959, page 268) ; Le syndicat de défense n’adhère pourtant pas au Comité d’entente des Mouvements Nationaux.
- Le 7/1, les agriculteurs de l’Algérois adresseront une motion soulignant la carence de l’autorité, réclament des armes et l’exécution rapide des décisions de justice[8].
- Les députés d’Alger-Campagne, Lauriol, Marçais et Abdesselam se déclarent solidaires des colons qui sont leurs électeurs.
- 8/1 Motion du conseil municipal d’Alger se déclarant solidaire des agriculteurs.
- A Médéa, à l’enterrement d’un couple de colons européens, unanimes, les agriculteurs avisent les autorités locales qu’ils refuseront leurs condoléances. Le sous-préfet et le commandant de secteur s’éclipsent du cimetière pour éviter l’incident.
La 3ème partie du document est intitulée : La semaine d’avant. Elle débute avec « l’affaire Kempski » et s’étend du dimanche 17 janvier au samedi 23 janvier 1960.
L’affaire Kempski
La crise s’est ouverte par ce qu’on a appelé l’affaire Kempski, mais qui est plutôt l’affaire Massu. Depuis quelques mois, Massu savait par son ancien camarade du Prytanée Militaire, Guillaumat, ministre des Armées, que son commandement en Algérie touchait à sa fin. Son successeur était en place. Il s’agissait de Crépin, ancien de l’artillerie de la 2ème D.B., venu en Algérie en mars 59 comme adjoint du général commandant le corps d’armée d’Oran, puis affecté en juin au commandement du Sud-Oranais et finalement placé en position d’attente, depuis novembre, à la disposition du Généchef. Malgré des offres alléchantes de commandement supérieur à Madagascar, Massu n’avait pas donné dans le panneau. Il exerçait à Alger un commandement passionnant. Il y était très populaire parmi les Européens et avait su, dans les milieux musulmans, faire oublier sa rudesse par certains gestes généreux. F.F.L. pur sang, parti du Tchad et venu en Indochine avec Leclerc, il était grisé par une réussite inespérée et se croyait destiné à jouer les arbitres entre l’Elysée et les activistes algérois. Et puis son épouse, elle aussi, avait trouvé à Alger l’occasion d’apaiser sa turbulence congénitale dans une œuvre dépassant de beaucoup l’envergure de la kermesse annuelle de la 2ème D.B.
Kempski : recommandé à Challe par le Quai d’Orsay pour prendre contact avec des officiers français et reproduire leurs propos sans leur donner de signification politique.
Challe l’envoie à Massu et le fait accompagner d’un de ses officiers de presse, le commandant Cros, de l’écurie Guillaumat, qui est affecté depuis juin à Alger (E.M.I.). Challe lui a déclaré : « N’oubliez pas que l’Armée est en Algérie et qu’elle ne la quittera jamais ».
Kempski est l’envoyé de la Süddeutsche Zeitung qui, dans son numéro du 18 janvier publie les déclarations de Massu :
- contre l’autodétermination
- DG ne comprend rien aux musulmans
- Faute commise le 13 mai en ramenant de Gaulle au pouvoir
Debré a connaissance de l’article de Kempski le 18 au soir. Il alerte Challe. Ce dernier, tout en mettant en doute la forme, reconnaît que le fond doit être exact et qu’il exprime le sentiment de la majorité des officiers.
Debré exige un démenti et convoque Massu à Paris pour le lendemain 19. Le démenti est diffusé par un bref communiqué de Challe qui affirme que Massu dément.
DG apprend l’affaire le 19 matin. Il n’en semble pas trop surpris. Il ne se fait sans doute pas trop d’illusion sur ce que pense l’armée qui n’a admis le 16 septembre que parce qu’il lui a outrageusement menti (P.C. Artois, août 59) – « Si la France perd l’Algérie, je ne survivrai pas à cette perte et avec moi les institutions de la France. »
La presse parisienne – le Figaro dans le sillage de Serge Bromberger et même l’Aurore – est indignée des propos de Massu.
Massu arrive à Paris le 19 soir. Chambré par les émissaires de Debré et de Guillaumat, toujours à, la merci du dernier interlocuteur, il ne tarde pas à affirmer qu’il a été pigeonné.
Le 20 janvier, il confirme à Guillaumat le démenti diffusé par Challe. Et Guillaumat rédige pour lui un nouveau communiqué beaucoup plus explicite que le précédent. Au prix d’une déroute, il revient dans le sillage de DG. Alger comprend mal mais garde sa confiance à Massu. On croit encore dur comme fer qu’il reviendra à Alger.
Massu, le 20, sans doute après son entrevue avec Guillaumat, prescrit à Argoud de veiller à ce qu’Alger ne bouge pas. Il aura changé d’avis le vendredi 22 puisque, ce jour-là, au cours d’une conversation téléphonique avec son chef d’Etat-Major, il donne le feu vert pour une manifestation à Alger. C’et Argoud lui-même qui me l’a appris assez tard dans la nuit du 22 au 23.
Le jeudi 21 au soir, Massu est avisé qu’il ne retournera pas à Alger. C’est Challe, qui sort de l’Elysée, qui lui apprend. Il lui annonce aussi qu’il ne participera pas à la conférence du lendemain 22.
L’affaire Kempski d’après la déposition de Massu au Procès des Barricades (Un Procès, page 96)
- Massu, depuis un certain temps, refuse de recevoir des journalistes.
- Lancrenon insiste auprès d’Hotchot (Raymond Cahuzac, directeur de cabinet est absent) pour que Massu reçoive Kempski, garçon formidable, ancien para, qui s’est battu à Cassino.
Massu, finalement accepte et prend rendez-vous avec Kempski pour le 16/1/60.
Kempski est flanqué du commandant Cros, interprète d’allemand à l’E.M.I.. Il s’agit d’un entretien, d’une conversation, non pas d’une interview. On parle de la Crète et de Cassino. Massu prétend n’avoir pas gardé un souvenir très précis de l’entretien. Bien qu’ayant, soi-disant, étudié l’allemand dans sa jeunesse, il ne comprend rien à l’allemand de Kempski, qu’il prétend « indistinct ». Massu n’oppose pas à Kempski un démenti formel, prétextant q’il était, sans doute, de mauvais poil. Il s’insurge pourtant de l’exploitation qui a été faite de ses paroles. – Il venait de lire le livre de Servier « Demain en Algérie » qui préconisait le retour de biens domaniaux aux communes. C’était son idée du jour. Il l’a donc abondamment développée. – Après avoir prétendu être de mauvais poil et ne pas avoir été gentil, il affirme s’être trouvé dans une ambiance de détente, en face d’un copain !
Il accuse l’interprète d’avoir mal traduit. Tout ceci est bien vaseux…
18/1/60 à 22h. Challe téléphone à Massu. « Il faut que vous démentiez ». L’affaire est certes montée en épingle par la presse parisienne. Massu répond : « Démentez si vous voulez, c’est vous qui me l’avez envoyé ». « Oui, je démens, je n’ai pas du tout l’intention de gêner mon patron, le
Exemplaire d’une page du manuscrit du colonel Godard sur l’Affaire des Barricades
général DG, quoique je puisse penser de sa politique ». « Alors, débrouillez-vous….. »
En réalité, Massu sait que DG a décidé de l’enlever d’Alger. Guillaumat, son ami du Prytanée militaire, lui a dit en décembre. « Je sais où le général de Gaulle nous mène. Vous allez beaucoup
souffrir, mon pauvre vieux. Ne feriez-vous pas mieux d’aller à Madagascar ? » Massu sait aussi que c’est Crépin qui doit lui succéder.
Massu convoqué à Paris, y arrive le 19/1. Il est, prétend-il, endormi au ministère des Armées, où on lui dit que tout va s’arranger, et où le ministre « lui fait faire un beau communiqué » sur trois points qui avaient particulièrement énervé DG :
- la justice
- l’opinion des FMA à l’égard de DG
- et « je ne sais quoi encore »
Mais l’affaire ne s’arrange pas, et Guillaumat le regrette « parce que, à son avis, le citron que représentait Massu n’était pas encore totalement pressé et qu’il aurait fallu encore quelques mois pour l’exploiter à fond. »
- Le 21/1, Challe annonce à Massu qu’il n’assisterait pas à la conférence du 22/1.
- Le 22/1, à l’issue de la conférence de l’Elysée, Challe revoit Massu et lui confirme qu’il n’a pas pu obtenir son retour en Algérie.
- Alors Massu, héroïque : « Ne donnez pas votre démission ; laissez-moi tomber et retournez làbas pour tâcher d’arranger les choses et pour nous défendre ».
- Le témoignage de Massu a la valeur de l’indignation qu’il manifeste quand Me Isorni engage le débat sur la torture. Massu pense à Audin et qualifie d’effroyables les accusations portées contre le capitaine Charbonnier du 1er R.C.P. Une honte, dit-il. D’accord pour Charbonnier, mais est-ce vrai pour certains autres ? C’est faux d’affirmer que les intéressés étaient « à ce moment-là sous les ordres du colonel Godard », parce que c’est justement ce dernier qui a sommé et obtenu du général Massu de les éloigner de son entourage immédiat. Je suis prêt, à ce sujet, à répondre à toutes les questions qu’on voudra bien me poser, un jour, et je suis sûr que Massu n’en posera aucune. J’ai moi-même affirmé à Guillaumat, en décembre 59, que Charbonnier n’était pas le meurtrier d’Audin. C’est vrai. Mais quand on sait, comme moi et comme Massu, qu’Audin a été victime d’une « erreur » d’identité, confusion avec Alleg, l’agent d’exécution étant……, il est permis de suspecter la bonne foi d’un officier général, actuellement commandant supérieur des troupes d’occupation en Allemagne, témoignant sous serment.
En 40, Massu était au Tchad ou ailleurs. Moi, j’étais dans le bain, c’est-à-dire dans le illisible. J’ai mesuré, à l’échelon d’une compagnie de mitrailleuses Hotchkiss, l’épouvantable faillite de notre appareil militaire. J’ai été sensible à l’appel du 18 juin parce que je crois que, dans les pires conditions, il ne faut jamais s’avouer vaincu quand on fait la guerre et qu’on a encore un empire. J’ai cru, avec certaines réserves et jusqu’en novembre 42, au Maréchal Pétain, et à la France de Vichy. Après le débarquement des alliés en A.F.N., après l’occupation de la France entière, j’ai opté, sans restriction mais sans passion illisible pour la croix de Lorraine. J’ai enfin réussi à m’évader pour reprendre un combat qui n’était pas celui de certains mais, simplement, celui de la France. Je ne suis donc pas, comme d’autres, un « grognard » subordonnant tout à celui qu’on ne peut pas trahir. La fidélité servile à un homme qui, étant au pouvoir, distribue les prébendes est peut-être une motivation suffisante pour le ménage Massu, et sans doute plus pour elle que pour lui.
Affaire Kempski (suite)
Les communications téléphoniques de Massu avec Alger (Un Procès, page 116)
- Massu reconnaît avoir téléphoné le soir du vendredi 22 à Argoud : ne faîtes pas l’imbécile, il faut être calme, pas de clash
- Avoir téléphoné à Argoud le samedi 23 en sortant de l’entretien avec DG pour lui
dire : j’annule mes précédentes consignes, je vous laisse libre, débrouillez-vous.
- Suzanne (Massu) a téléphoné le 22 et le 23 à « son adjoint » siégeant au P.C. du boulevard Laferrière. Elle a eu Sanne au bout du fil. Elle lui aurait dit : « Arrangezvous pour qu’il ne se passe rien ».
(Il faut consulter les déclarations faites à ce sujet par Lagaillarde qui a parlé de trois communications téléphoniques).
Or Argoud m’a appris dans la nuit du 22 au 23, alors que nous quittions ensemble le Palais d’Eté, que Massu lui avait téléphoné, après son entrevue avec Challe venant de la conférence de l’Elysée, qu’il lui laissait carte blanche et qu’il annulait les consignes qu’il lui avait donné jusqu’ici d’éviter toute manifestation à Alger. « A vous de jouer, faîtes pour le mieux ».
Dans son témoignage, Massu omet donc une communication téléphonique avec Argoud qui se situe dans la soirée du 22 et qui oriente Alger vers la manifestation, dès la matinée du 23.
Le 20 janvier (mercredi)
Conseil des ministres : On y renouvelle la volonté de poursuivre la politique algérienne « définie par le chef de l’Etat, décidée par le gouvernement et approuvée par le parlement ». Donc aucun espoir de voir l’abandon de l’autodétermination ou de favoriser son orientation vers la solution la plus française.
Le communiqué ajoute qu’aucune décision importante ne doit être prise ou annoncée lors de la réunion au sommet prévue à l’Elysée pour le vendredi 22/1. Pourtant DG doit prononcer une allocution le 29/1.
La perspective de la conférence de l’Elysée et d’un discours du chef de l’Etat accentue l’inquiétude de ceux qui s’interrogent sur l’avenir de l’Algérie.
Les responsables civils et militaires de l’Algérie, Delouvrier, Challe, Jacomet ainsi que les généraux de Corps d’Armée encore IGAME vont donc s’absenter d’Alger que l’affaire Kempski a mis en effervescence. Cette vacance du pouvoir est étonnante s’il ne s’agit que d’une conférence de routine. On persiste donc à craindre qu’une nouvelle étape soit franchie à cette occasion. Certains bruits alarmants n’ont-ils pas été propagés par ceux qui approchent le pouvoir ? Un sénateur d’Algérie, sortant de l’Elysée, n’a-t-il pas lancé dernièrement, dans les couloirs du Luxembourg, la nouvelle d’un cessez-le-feu imminent négocié à Tunis ? Un ministre, Robert Lecourt, n’a-t-il pas, lui aussi, fait état, devant le Comité National du M.R.P., de très prochains développements du problème algérien ? Massu-Kempski Les déclarations de Massu à l’envoyé de la Süddeutsche Zeitung, ont été, on le conçoit aisément, fort bien accueillies à Alger et le démenti diffusé par le commandement dans la nuit du 18 au 19 n’a atténué en rien la satisfaction générale. On se félicite, au contraire, du bruit qui est fait autour de l’incident. Tout le monde sait que Massu est parti pour Paris la veille au soir (mercredi 19) et on estime que les explications exigées par Guillaumat lui donneront l’occasion de souligner sa pensée. Personne ne croit encore que sérieusement que les sanctions puissent aller jusqu’à une relève brutale de son commandement. Pourtant, dans la soirée du 20, le second démenti, qui suit l’entrevue avec le ministre des Armées, étonne les milieux militaires qui commencent à se poser des questions.
Madame Massu quitte Alger ce soir-là, mais sans ses enfants. Il semble donc que rien ne soit encore joué, d’autant plus que Massu, qui s’est entretenu téléphoniquement avec Argoud, à sa sortie de la rue Saint Dominique, a insisté pour qu’Alger ne bouge pas.
Plan Balancelle L’Etat-Major donne des instructions préliminaires pour l’application éventuelle du plan Balancelle qui, en cas de troubles sérieux, prévoit le renforcement de la garnison d’Alger par des unités prélevées sur les réserves opérationnelles. C’est tout à fait normal que le Généchef qui, pendant les jours à venir, devra commander depuis Paris, oriente ses subordonnés sur les mesures à prendre si la situation venait à se détériorer. Malheureusement, les billes sont trois régiments de la 10ème D.P., l’ancienne division Massu, et qui ont mené la bataille d’Alger ! Ce choix est certes singulier. Certains y ont vu un trait d’humour du commandant en chef. Ce n’est certainement pas le cas car Challe n’est pas de ceux qui plaisantent avec les choses graves. Si c’est lui qui a personnellement désigné les trois régiments, peut-être a-t-il voulu marquer son souci de ne pas brusquer les Algérois. Mais le choix des unités a aussi bien pu être fait par de Boissieu, chef d’Etat-Major, ou même par Cousteau, chef OPS, en fonction de considérations tactiques ou logistiques. Les régiments en cause sont, en effet, les plus proches puisqu’ils exploitent, en Kabylie, les résultats de l’opération Jumelles, alors que les autres moyens réservés sont engagés dans le Constantinois contre la Willaya II. En outre, le 1er R.E.P., et le 3ème R.P.C. ont leurs bases arrière dans l’Algérois, détail qui facilite, dans une large mesure, les problèmes de stationnement et de soutien. Il importe donc, à mon sens, de ne pas donner trop de signification au choix des régiments para. Pourtant, pour ceux qui n’aspirent pas à l’épreuve de force, la perspective de l’ordre assuré à Alger par Broizat, Dufour et l’ancien régiment de Bigeard est encourageante.
Jeudi 21 janvier 1960
Le récit de cette journée par le colonel Godard a été publié dans le numéro 19 du 4ème trimestre 2008 du Bulletin des Amis de Raoul Salan et n’est pas repris ici.
Vendredi 22 janvier
Alger ouvre les yeux. Massu, exclu de la « party » présidentielle, ne reviendra pas. C’est maintenant certain malgré les démentis d’hier soir ! La presse parisienne, qui annonce la nouvelle, avec d’énormes manchettes « à la une », a été interceptée dans les aéroports. C’est Delouvrier qui, de la capitale, en a prescrit la saisie. C’est maladroit et puéril. La radio n’est pas muette, le téléphone non plus. Les serviettes des passagers qu’Air France et Air Algérie amènent à Maison Blanche sont bourrées des toutes dernières éditions. La police, elle-même ne livre pas tout au pilon. Après avoir barré les feuilles du tampon « Interdit », elle les diffuse à tous les « officiels » et Dieu sait s’il y en a ! La prose défendue circule, ensuite, de mains en mains, des mains nombreuses et avides. Alors, pourquoi saisir ? L’éviction de Massu n’en demeure pas moins la grande nouvelle et est ressentie, ici, comme un soufflet. S’estimant provoqués, même les plus raisonnables qui, hier, refusaient de bouger avant de savoir, c’est-à-dire avant d’avoir écouté le message du 29, deviennent partisans d’une action immédiate. Laquelle ? Ils n’en savent rien. Ils veulent simplement accuser le coup dans l’espoir de peser sur ceux, ou plutôt sur celui, dont dépend leur sort.
A dix heures, le gratin du Domaine Réservé s’engouffre à l’Elysée : Debré, mal à l’aise – on le comprend sans peine – , Couve soigneusement « cranté », Guillaumat des Armées cadençant la foulée pour paraître martial, Moris qui n’est que la script-girl inscrite au générique, Delouvrier et Challe, tous les deux très soucieux. D’après le protocole, ils devraient être suivis des trois I.G.A.M.E. – commandants de Corps d’Armée. Mais il n’y a derrière eux que Gambiez, ridicule comme c’est son habitude. Massu est au coin et Olié, dit-on, cloué à Constantine par une mauvaise grippe. Rigolade ! Qui ignore en effet que si Olié garde la chambre, dans son fief de l’Est algérien, c’est sur ordre et pour tenir les commandes en cas de rififi. Il porte à l’épaule déjà quelques étoiles, mais il aspire à plus ; il a donc choisi d’être inconditionnel et, pour être dans le vent, s’est déjà déchargé de ses fonctions civiles, geste fort apprécié par Max Moulins, imité en cela par toute la » Préfectorale » ainsi que par Paris. Malgré ces évidences, certains optimistes orientés s’empressent d’interpréter cette absence comme une sobre prise de position contre l’abandon. Seconde hilarité, et celle-là, alors, tout à fait générale ! Vers midi, quand l’Elysée rejette dignement ses hôtes, les caméras ne fixent que des visages graves et fermés. Attente du communiqué que Tricot mitonne avec soin et auquel de Gaulle met une dernière main. Le fidèle Bonneval lâche enfin le papier. Les amateurs de sensationnel en sont pour leurs frais et l’espoir est rendu à ceux qui s’attendaient à une catastrophe. La montagne, en effet, accouche d’une souris. L’Algérie demeure, certes, condamnée à s’autodéterminer, ce qui n’est que redite. La pacification sera « menée jusqu’à son terme ». C’est là une formule qui ne veut pas dire grand-chose. Le terme d’une guerre, c’est ou bien la victoire ou bien la défaite. Duquel de ces deux termes s’agit-il en l’occurrence ? Mystère. Des mesures visant à l’accélération de la répression judiciaire du terrorisme vont être mises à l’étude. Intention louable mais suffira-t-elle à ceux qui sont des cibles ? Pour finir, annonce d’une prochaine inspection du chef de l’Etat, sans doute pour que les chefs de popote prennent, en temps utile, les dispositions qui s’imposent. Fin de citation, comme dit l’O.R.T.F.
Après le communiqué, les commentaires. Il y a de plus en plus de gens qui se prétendent bien informés, sans jamais dire comment. (Que le commissaire Caille ne se croit pas touché). Certains, parmi eux, disposent de précieuses relations à Matignon et même Faubourg Saint Honoré. Il ne faut donc faire fi de leurs bavardages. Ils racontent, ce soir, que de Gaulle est resté inflexible au sujet de Massu, son turbulent féal, malgré les objurgations du Généchef soutenu, à fond, par le Délégué Général. Challe, dit-on, a offert de rendre sa casquette mais de Gaulle l’a refusée. Après cette belle passe d’armes, il a été question de Ferhat Abbas mais simplement pour dire que jamais, au grand jamais, on ne discuterait avec ce pharmacien en rupture d’officine.
Pas de négociations politiques, donc. C’est bon pour le moral de nos compatriotes d’Algérie et Gardes va pouvoir y puiser de quoi sauver la face. Rien que la face, sans doute, car Alger ne se précipite pas sur l’os qu’on lui jette à ronger. Depuis dix-huit mois, il y a eu trop de promesses oubliées et d’engagements reniés pour qu’on ne doute pas, maintenant, des meilleures paroles. Et puis, même si Ferhat Abbas est mis sur la touche, n’y a-t-il pas, à Tunis ou au Caire, un autre pharmacien qui se nomme Ben Khedda ?
Dans la soirée, on s’arrache « Le Monde« . Viansson-Ponté, l’homme des grandes occasions, y présage le prochain dégommage de Challe, remplacé par Jacquot. L’effet est désastreux. Challe n’est certes pas l’idole de l’Algérie. Elle ne lui pardonne pas d’être venu s’asseoir dans le fauteuil militaire de Salan. Mais Jacquot, dont Malraux a fait un général, c’est pire que Catroux. L’armée, elle non plus ne goûte pas la nouvelle. Elle se méfie, encore, des généraux, politiciens de gauche…
Somme toute, le sommet n’a fait que souligner, de façon éclatante, l’éviction de Massu. Il n’en sort rien de bon pour les civils qui ne veulent pas d’autodétermination et pour lesquels le départ de Massu est une provocation. Rien de bon, non plus, pour l’Armée. L’histoire de Massu la laisse indifférente ou presque ; elle a l’habitude des mutations rapides et même des limogeages. Et Massu n’est-il pas jalousé par nombre de généraux, comme les paras le sont par beaucoup d’officiers ? Par contre, elle est profondément heurtée par la perspective d’être écartée de l’arène à l’heure décisive. En septembre 58, sans urnes truquées, les Musulmans ont voté Oui massivement, c’est-à-dire France, malgré les menaces des tyranneaux de l’O.P.A. Pourquoi ? Simplement parce qu’ils ont suivi, jusque dans l’isoloir, le conseil des capitaines et des lieutenants, présents parmi eux dans le bled et s’employant, avec plus de passion que les administrateurs de feu les communes mixtes, à apporter solution à tant de leurs problèmes. La prochaine fois, qui sera sans appel, de Gaulle entend que ce soit différent, ordre étant donné à l’Armée de ne pas s’en mêler. Les Musulmans, poussés par la confiance viendront pourtant, encore une fois, lui demander la couleur du bulletin qu’il convient de glisser dans l’enveloppe. Et il faudra leur dire de faire comme ils l’entendent !
C’est trop pour le lieutenant S.A.S. auquel la jeunesse a épargné les épreuves de 39-45 mais qui a connu les rizières du Tonkin. C’est trop, aussi, pour son interlocuteur, vétéran moustachu, médaillé militaire à Cassino qui, en 58, a accepté d’être maire.
« Alors, mon lieutenant, qu’est-ce que c’est que ça ? Tu nous a fait au douar une belle fontaine. Tu nous a fait le chemin pour l’auto. Tu nous a aussi donné les fusils. Alors, plus de « chouf » pour le F.L.N. , plus la cotisation. Avec les fils, on a fait la défense et aussi tout le travail que, toi, tu nous a dit. Quand le général de Gaulle, il est passé, au douar, avec le « ventilo » pour nous faire bonjour, nous, on est venu, tous, avec les femmes, pour dire qu’on est content et tout est bien comme ça. Maintenant, pourquoi tu dis plus rien ? Peut-être tu t’en vas ? »
Que pourra répondre le S.A.S. ? Rien. Il lui faudra se taire, la discipline lui imposant la servitude et lui refusant la grandeur. Le douar se souviendra alors du certifié primaire qui, en 57, se disait commissaire politique de la Kasma locale. Certains iront le voir et lui, il donnera des ordres…
L’été dernier, l’Armée a accepté sans enthousiasme, de soumettre au verdict de l’autodétermination l’œuvre qu’elle poursuit avec acharnement, depuis plus de cinq ans. On lui a expliqué, avec beaucoup de talent, que des considérations de haute politique imposeraient d’offrir trois options. Pour des raisons obscures, au terme d’intégration, banni du langage officiel, a été substitué le curieux néologisme de francisation. Ceux qui, dans les rangs de l’Armée, croient encore avoir le droit de penser savent que, comme tout conflit, celui d’Algérie n’a que deux issues. Victoire ou défaite, Algérie et Sahara français ou Indépendance. Quant aux termes, ils n’ont d’importance que par leurs contenus et les meilleurs d’entre eux n’ont que de mauvais synonymes. Un de ces derniers, francisation, n’a pourtant pas été désigné comme le but à atteindre. Malgré ces ombres qui sont autant de risques, l’Armée a choisi de jouer le jeu avec la conviction de conserver, non pas la liberté, mais le devoir de mettre le paquet pour gagner la bataille, celle de l’intégration.
Après coup, un tel raisonnement peut paraître simpliste. Il ne l’était pas tellement à l’automne 59 du fait des engagements pris, à maintes reprises, par un général devenu Chef d’Etat, s’adressant, en soldat, aux soldats du pays.
Un exemple suffit. Fin août 59, au P.C. Artois, sur les hauts de la forêt d’Akfadou, d’où Challe, comme un vulgaire fantassin, dirige personnellement l’opération « Jumelles ». Tous les généraux et tous les colonels sont convoqués pour écouter de Gaulle. Par contre, aucun journaliste, tout étant « Top Secret ». En hors d’œuvre, Gracieux et Challe exposent la manœuvre menée à bien contre la Willaya kabyle. Ensuite, c’est le tour de Guillaumat. Il parle plutôt mal et surtout pour ne rien dire. De Gaulle, enfin. Il élève le débat et livre l’essentiel de son prochain discours. Sa conclusion enlève le morceau. « Si nous perdions l’Algérie, dit-il, je disparaîtrais personnellement avec cette perte et, avec Moi, les institutions de la France ». Ces paroles solennelles délivrent de toute incertitude et, à ce grand moment, des larmes de joie coulent sous beaucoup de visières. Soulagé, moi aussi, emballé peut-être, je me souviens m’être tourné vers mon voisin de gauche, Alain de Boissieu, colonel de blindés et gendre du « Très Haut », pour lui déclarer que, s’il s’agissait de cela, on ne pouvait qu’y aller.
Mais depuis août que de désenchantements !
L’Algérie « civile » n’a pas digéré la prose du 16 septembre. Les Musulmans n’ont pas compris et les Européens ont répugné à s’autodéterminer. Personne, pourtant, n’a bougé, l’Armée ayant admis comme Massu l’a signifié à Ortiz.
En Métropole, par contre, applaudissements unanimes ou presque. Seuls quelques isolés, certains de marque, certains de bonne foi, d’autres cherchant tremplin, ont fait quelques réserves. Soustelle est parti inspecter les lointaines poussières, vestiges de l’Empire. Demeurant ministre, il s’est contenté de suggérer à l’U.N.R. de se pré-déterminer en faveur de la bonne solution.
Au Parlement, neuf députés sur deux cents et quelques U.N.R., ont marqué l’intention de ne pas dire oui. Au moment du scrutin, ils n’étaient plus que quatre et Béraudier, la doublure de Soustelle n’était pas parmi eux. En fin de compte, c’est une majorité écrasante qui a entériné la recette triple à options. Quatre cent quarante contre vingt et encore grâce au Non des cocos qui n’avaient pas encore reçu les consignes de Moscou !
Devant un tel triomphe, les gaullistes ont foncé pour exploiter à fond. Sûrs de leurs arrières, ils se sont engouffrés dans la brèche, sabre au clair et à bride abattue, avec l’intention de prendre à revers, à la fois la Droite et la Gauche.
Contre l’aile gauche, l’action s’est limitée à un piteux « Grand Guignol » : Mitterrand attenté, à l’Observatoire, par le poujadiste Pesquet, ancien R.P.F. et surtout besogneux… La ficelle, un peu grosse et puant la barbouze, a fait sensation mais rapidement long feu.
Contre les Nationaux, l’entreprise a été plus musclée. C’est Neuwirth qui en a donné le coup d’envoi le soir même du scrutin victorieux. Dans une surprenante déclaration à la presse, le super-gaulliste député de Saint Etienne a, en effet, annoncé qu’il fuyait en Israël pour échapper aux tueurs, décuplés par Alger, qui avaient déjà franchi la Crête des Pyrénées : Verdier, conscient des devoirs d’un Directeur Général de la Sûreté passé sans heurt d’une République à l’autre, a relayé Neuwirth en dénonçant un complot, dit « d’octobre ». Perquisition au M.P.13, inquisition au siège des anciens d’Indochine, cinquante gardes à vue à Paris, une trentaine d’autres en province, Bidault consigné à la chambre, Arrighi suspect et Berthommier, ex-élu poujadiste, arrêté en Belgique. Rien à Alger, par contre, les activistes les plus innocents, se souvenant du 13 mai, ayant, quand même flairé une incitation à l’erreur. L’affaire se soldant finalement par la mise au trou d’un lampiste. Debré l’a étouffée, tout en y puisant des consignes de vigilance.
Malgré son échec et un ridicule qui aurait du être fatal à ses auteurs, la pièce montée a pourtant porté quelque fruit, puisque, à l’U.N.R., elle aura servi à bazooker Soustelle. L’ancien Gouverneur Général est rentré à Paris après un mois d’absence, après aussi que le Parlement ait donné sa caution à l’organisation de l’abandon. Il a retrouvé l’Etat-Major de son U.N.R. dominé par Frey, chauffé à blanc par Debré et très monté contre les comploteurs. Dans ces conditions, il a renoncé à ouvrir un débat sur le fond du sujet, sur le choix d’une option et s’est contenté de demander ou plutôt d’implorer la grâce, non pas des cinq de ses amis qui avaient persisté, mais seulement de quatre autres qui s’étaient dégonflés. Et il est tombé sur un bec… Curieuse attitude d’un Ministre en profond désaccord avec la politique d’un gouvernement dont il partage les responsabilités ! Etonnant comportement aussi de la part du fondateur d’un mouvement fait, sur mesures, pour l’Algérie Française qui admet la condamnation de ceux qui n’ont pas trahi sa pensée ! Pourquoi n’a-t-il pas, alors, rendu son tablier ? Pourquoi a-t-il perdu un combat d’arrière garde sans couper les ponts dont dépendait sa liberté de manœuvre ? Alger ne l’a pas compris. Moi-même, j’ai estimé qu’à force de finesse, à force de prudence et aussi de trop d’éclipses, Soustelle avait perdu une manche qui, pour d’autres, constituait la partie. Si je crois que les choses peuvent être ce que l’on veut qu’elles soient, je reconnais, par contre que les hommes sont, eux, ce qu’ils sont. Soustelle est, sans aucun doute, un parfait honnête homme, un très brillant cerveau et un grand patriote mais il n’est pas et ne sera jamais un sabreur. On l’a appelé « Gros Matou ». Son nom lui va comme un gant sous réserve toutefois de ne pas oublier que le matou en question a sacrifié la pâtée pour honorer l’idée.
Après octobre et son complot, novembre n’a rien apporté de bon. La conférence de presse du 10 novembre a été, sans conteste, un appel à la négociation avec « ceux qui déploient du courage sous les armes ». S’il arrive à de maigres katibas de se battre honorablement, surtout en embuscade, les guerriers de Boumedienne sont confortablement installés hors de portée, à l’abri des frontières marocaines et tunisiennes. Quant aux porteurs de bombes, ils ont battu en retraite dès que leurs gestes criminels dans les autobus, dans les stades ou dans les casinos ont comporté des risques.
Après avoir apporté en 58 « la paix aux braves », le nouveau coup de chapeau à l’adversaire prétendu valeureux est du seul domaine de la démagogie. Il a heurté Alger et ouvert les yeux à bien des militaires. La total liberté garantie à tous « les Algériens », non seulement pour le vote, mais aussi pour les préliminaires, faisant suite à des directives à l’Armée, datées de fin octobre, et lui interdisant d’opter, n’a fait que confirmer la rupture du combat dans une dignité qui ne serait qu’une honte. Le G.P.R.A., poussant ses avantages, a rendu quelque espoir en désignant, pour la négociation, les captifs de l’île d’Aix. Quel soufflet pour de Gaulle dont il s’est tiré, à Colmar, par une entourloupette. Si Ben Bella a été finalement mis hors de combat, ce n’est certainement pas par de Gaulle !
1er Congrès de l’U.N.R. à Bordeaux, ensuite, où Ali Mallem a joué un scénario digne de la chicaya arabe.
Le 22 dans l’après-midi, Faure vient à Alger et confère avec Ortiz. Je ne crois pas qu’il l’ait encouragé à l’action. Faure sait très bien que sa 27ème D.I.A. engluée en Kabylie et constituées de régiments d’appelés ne constitue pas un moyen d’intervention en faveur d’Alger insurgé. Et Faure, lui aussi, sait que même les éléments les plus déterminés de l’Armée ont encore l’espoir de jouer la francisation, certes à défaut d’intégration, mais avec de raisonnables chances de succès, si de trop lourdes erreurs ne sont pas commises. Il laisse pourtant un de ses officiers de confiance en observateur. Il s’agit du capitaine Campana. Mais Ortiz se doit de sauver la face. Il est trop discuté et n’a pas le poids nécessaire pour imposer le calme. Il dira par la suite quand l’affaire aura tourné au vinaigre, et pour se justifier dans l’esprit de ses boys, que les journaux et les colonels n’ont pas tenu leurs engagements. Mais ce n’est là que des mots destinés à BEO ( ?)
Pendant ce temps là, Martel dénonce la provocation et Lagaillarde traîne la savate dans Alger, en prenant le vent.
Le 22 à 18 heures, réunion du F.N.F. à la Maison des Etudiants – Ortiz absent – laïus violents de Susini, Perez et quelques autres « La limite est dépassée, il est temps d’agir », « S’il le faut nous irons chercher Massu à Paris », mais sans distribution de consignes ! Il est inexact que dès ce vendredi soir des tracts invitant la population à se rassembler en armes le surlendemain aient été distribués à Alger (ces tracts n’ont d’ailleurs jamais existé). Peut-être quelques bruits de ce genre ont-ils couru, mais n’y a-t-il pas partout des excités ?
Certes la tension a brusquement monté au cours de cette journée de vendredi, mais c’est à l’Elysée que l’on a bloqué les soupapes de sûreté.
Le vendredi 22, tard dans la soirée, une dernière bonne ( !) nouvelle pour les Algérois, celle de la nomination de Crépin à la tête du C.A. d’Alger. Crépin, polytechnicien, artilleur, F.F.L. de la première heure, Compagnon de la Libération, est l’inconditionnel parmi les inconditionnels. Il est brutal aussi et cette brute étoilée risque d’accentuer considérablement l’inquiétante orientation du trio Costes – Fonde – Debrosse. Encore une soupape de bloquée.
Pourtant, le 22, après la réunion du F.N.F., Ortiz hésite encore. Il est déjà dépassé. Ses lieutenants sont désolés.
Pendant ce temps, Delouvrier et Challe ont rejoint Alger dare-dare mais en clandestins et sur la pointe des pieds. Leur retour fait songer à une fuite à Varennes à rebours. Etant chargé de les convoyer de Maison Blanche au Palais d’Eté, j’ai été un des rares à connaître ce retour. Delouvrier était terriblement inquiet, Challe affectait un calme imperturbable mais lui aussi était très tourmenté. Au débotté, conférence au Palais d’Eté en présence de Crépin et des proches collaborateurs du Délégué général et du Commandant en chef. Dans la salle à manger du rez-de-chaussée , le Délégué et le Commandant en chef exposent brièvement les résultats de la conférence de l’Elysée qu’ils estiment positifs sauf, bien entendu, en ce qui concerne Massu dont ils n’ont pas pu obtenir le retour. Challe précise que Crépin prend immédiatement son nouveau commandement. Puis, on en vient très rapidement à la situation à Alger. J’exprime alors l’opinion suivante : la nouvelle de la sanction qui frappe Massu n’a été connue que dans la journée, mais il est certain qu’elle a amené beaucoup d’eau au moulin des plus turbulents, compromis l’apaisement relatif qu’aurait pu apporter la diffusion des conclusions de la réunion de l’Elysée. Il y aura certainement de l’agitation dans les jours qui viennent mais il n’y a aucun danger immédiat. C’est-à-dire pas la nuit prochaine et le lendemain. Je ne crois pas à un coup de force, mais par contre, j’estime qu’il sera difficile d’empêcher les mouvements nationaux, qui se sentent poussés par la masse, d’organiser des manifestations. Mais, dans l’esprit de ceux qui en prendront l’initiative, ces manifestations n’iront pas jusqu’à l’émeute si l’autorité sait apaiser et si quelques provocateurs ne mettent pas le feu aux poudres.
Delouvrier affirme alors la nécessité de faire respecter l’autorité de l’Etat et Challe se déclare décidé à réprimer tout désordre. Crépin écoute et ne dit pas grand-chose mais il opine néanmoins du bonnet avec une évidente satisfaction devant un tel étalage de fermeté.
Au cours du dialogue qui a suivi, je me souviens avoir soulevé deux problèmes. D’abord celui de l’apaisement. A mon sens, des faits, et l’éviction de Massu en est un, ne peuvent être contrés que par d’autres faits, et non par des mots qui sont souvent vagues et qui ne sont pas toujours crus. Or une des causes de l’agitation est la lenteur et la mollesse et la douceur de la répression. Dans ces conditions, ne pourrait-on pas faire exécuter, sur le champ, certaines sentences de mort qui ont été prononcées contre des assassins. Challe a l’air d’être assez favorable à cette suggestion. Delouvrier semble la retenir tout en faisant observer qu’une telle initiative requiert des accords supérieurs.
J’ai ensuite demandé à Challe de préciser les limites de la « fermeté ». S’agissait-il d’engager les paras au close-combat contre les manifestants ; il était alors inutile de les engager avec P.M. ou carabines qui, dans la mêlée sont toujours des instruments encombrants et dangereux. S’agissait-il, au contraire, de leur prescrire de faire usage de leurs armes dès le moment où les barrages qu’ils devaient constituer se trouveraient débordés ; il importait de le faire savoir à la population, au préalable et clairement. Je reconnais que la question était délicate, mais elle était d’importance. Il fut un temps où, quand les Européens s’énervaient, il suffisait que l’Armée se prononce et montre sa force pour que tout rentre dans l’ordre. Massu, depuis 57, pouvait se la permettre parce qu’il inspirait confiance. En janvier 60, ce n’est pas le cas, ni pour Crépin, ni pour Costes, ni surtout pour le tandem Fonde – Debrosse. D’autre part, puisqu’il s’agissait de maintenir l’ordre au nom de la légalité, il importait de demeurer strictement dans cette légalité. Or les conditions d’emploi des corps de troupe dans les opérations de maintien de l’ordre sont fixées avec précision. Elles font l’objet d’une instruction interministérielle datant, je crois, de 1947. Je l’avais découvert quand, avec le Bataillon Parachutiste de Perpignan, j’avais participé à la réoccupation des mines du Nord, tenues par les grévistes. Je savais, depuis, que les forces, dites de 3ème catégorie, c’est-à-dire toutes les forces autres que les C.R.S. et les gendarmes, ne pouvaient faire usage de leurs armes, hors du cas de légitime défense, qu’après avoir été requises, à cet effet, par un officier de police judiciaire, c’est-à-dire généralement par un commissaire de police, qui, lui, était tenu à être revêtu de son écharpe et à procéder, au préalable, à des sommations dont le cérémonial comprenait des batteries de tambour ou des sonneries de clairon. Les pouvoirs spéciaux, qui chargeaient l’armée de la responsabilité du rétablissement et du maintien de l’ordre en Algérie, ne la dispensaient pas de ces règles, sans doute un peu désuètes mais toujours juridiquement valables. Il me faut reconnaître que Challe ne s’est pas dérobé devant ma question et qu’il y a répondu en affirmant qu’il n’hésiterait pas, en cas de nécessité, de prescrire l’ouverture du feu. Crépin ne s’est pas manifesté mais a parfaitement enregistré, et cette fois, c’est Delouvrier qui a opiné du bonnet. En ce qui me concerne, je n’ai pas été épouvanté par la réponse de Challe. Tirer sur des Français me paraissait certes impensable, mais j’avais la conviction qu’il ne s’agissait là, de la part du commandant en chef, que d’une attitude dictée par le devoir de rester maître de la situation en toute circonstance alors qu’au fond de lui-même, il était bien décidé de ne pas aller aussi loin. D’ailleurs, il ne s’agissait alors que de chercher à empêcher une manifestation. Or, quand un début d’agitation dégénère en fusillade, c’est rarement le fait d’une autorité supérieure, mais généralement celui d’un échelon très subordonné, chef de section ou commandant de compagnie, qui s’est estimé menacé ou qui a perdu le contrôle de ses nerfs. Le haut commandement peut certes penser, certes prescrire aux troupes de faire emploi de leurs armes pour remplir coûte que coûte leurs missions de barrage ou de dispersion. Mais de telles décisions exigent des instructions précises, je crois même écrites, en préalable à l’engagement des unités. De telles instructions sont rares et je suis certain qu’elles n’ont pas été données par Challe pour l’exécution du plan Balancelle.
Le Délégué Général a ensuite exprimé le désir de prendre un contact immédiat et personnel avec l’ensemble des autorités militaires d’Alger. Le Palais d’Eté a donc été envahi, pacifiquement cette fois, par une tripotée de généraux et de colonels, dont Argoud et Fonde, qui ont été reçu individuellement par Delouvrier en présence de Challe. A tous, il a prodigué de bonnes paroles tout en sondant les états d’esprit. L’entretien avec Argoud a été assez long.
Challe, essentiellement préoccupé de maintien de l’ordre, pose la question de l’emploi du feu à Costes. Costes, et il l’a dit au procès, a alors « franchi le Rubicon » (ce sont ses propres termes) et s’est déclaré prêt à accomplir son devoir sans faiblir, parce que, d’après lui, le soldat est fait pour obéir pour tout ce qui lui est commandé pour le bien du service, l’exécution des règlements militaires et l’observation des lois. Pour lui, toute autre attitude est lâcheté ou trahison.
Il admet quand même que la notion de Patrie est sublimée et dépasse le cadre de la loi. Pourtant il estime que le serviteur de l’Etat en uniforme n’a pas à discuter la loi et l’obéissance à la loi. « Befehl ist Befehl », et c’est ainsi que de « braves généraux » allemands se sont associés à tant de saloperies. Costes a avoué, par la suite, que, dès le 23 janvier au soir, il savait que la position qu’il avait choisie menait à la catastrophe. « Maintenir l’ordre et manifester sa résolution, c’est aller au devant du drame » a-t-il déclaré au Procès. Il a pourtant voulu se dissocier de ce qu’il appelle « une armée », celle dont l’attitude avait permis le 13 mai.
Au cours de cette soirée interminable qui a empiété largement sur la nuit, Challe a manifesté quelque humeur en apprenant que Faure n’était pas à Tizi-Ouzou mais était venu à Alger dans la journée. Comme il était introuvable à Alger, et finalement signalé sur le chemin du retour en Kabylie, ordre fut immédiatement donné à tous les postes de l’intercepter et de lui transmettre l’ordre de faire demi-tour pour se présenter dans les moindres délais au Palais d’Eté. L’ordre fut ponctuellement exécuté et Faure s’y présente, souriant, et décontracté.
Je connaissais Faure de longue date et avais beaucoup d’admiration pour l’exceptionnelle harmonie des ses qualités intellectuelles, morales et physiques. Il était lieutenant déjà ancien au 13ème Chasseurs de Chambéry quand j’ai commencé à servir au 27 à Annecy. Il a été mon maître à l’Ecole de Haute Montagne de Chamonix. Nous nous sommes ensuite croisés souvent sur les pistes, à l’occasion des compétitions de l’Armée des Alpes d’alors. Croiser n’est sans doute pas le terme exact car, sur les pistes, il me dépassait en général quand le tirage au sort le faisait partir après moi. C’était alors un athlète étonnant, une vraie locomotive qui, sur 18 ou 25 km, ou à la tête d’une patrouille militaire, atteignait la classe des Suisses. J’ai toujours le souvenir de cette course de patrouilles militaires de la F.I.S., à Chamonix en 1937, et j’entend encore Faure, portant le sac d’un de ses équipiers, me demandant la piste avec sa gentillesse habituelle et, au passage, engueulant un de ses sergents qui ramait parce qu’en bon Savoyard il n’avait pas complètement renoncé au vin blanc.
Faure n’était pas qu’une mécanique qui tournait bien. Il avait été admis à l’E.S.G. en 39 aussi bien que ceux qui sont studieux. En 40, en retour en Angleterre après Narvik, il avait refusé d’opter pour de Gaulle et s’était retrouvé au Maroc. En 42, il s’était affirmé plus giraudiste que gaulliste. Il avait quand même ensuite mis sur pied le Régiment parachutiste de la France Combattante, le 1er R.C.P. qui, sous les ordres de Broizat, était en ces jours de janvier 60, un des pivots du plan Balancelle. De 45 à 47, Faure m’avait fait venir à l’E.M.A. où il dirigeait le 3ème Bureau. Il s’y est affirmé en entraîneur d’hommes qui avait les qualités requises pour un E.M. mais qui ne s’y complaisait pas. Il en est donc parti assez rapidement pour prendre le commandement d’un G.A.P. dans le Sud-Ouest. et je l’ai suivi de près rejoignant le 11ème Choc, en 1948, à la citadelle de Montlouis. Nous nous étions ensuite perdu de vue puisque jusqu’en 58 nous ne nous sommes rencontrés qu’une seule fois. C’était à l’automne 53, Faure était en voyage d’étude en Indochine et j’étais alors stationné à Muong Sai au Nord Laos, d’où nous devions partir, quelque temps après, vers Muong Khoua, Nam Rai et Muong Goi pour assurer la liaison avec des éléments de l’OPS Castor largués sur Dien Bien Phu. A ma grande surprise, j’ai vu Faure débarquer un jour d’un Dakota venant d’Hanoï. C’était au moment de la querelle de la C.E.D. à laquelle Faure était opposé. C’est le viet qui m’accaparait et tout cela me paraissait bien lointain. Je me souviens pourtant de la joie de Faure quand, à peine arrivé au poste, il a appris par la radio le veto du maréchal Juin. Nous étions ensuite allé faire un tour en Beaver jusqu’à Muong Sing, aux confins du Laos, de la Birmanie et de la Chine. C’était vraiment le bout du monde et Faure était rayonnant de découvrir la véritable brousse.
Quelques années après, Faure, promu général, avait été affecté à Alger. C’était fin 56 alors qu’avec la 10ème D.P., nous rongions notre frein à Port Saïd et Port Fouad. A la suite de paroles imprudentes, que le sous-préfet Teitgen prit soin d’enregistrer sur un magnétophone camouflé sous son bureau, Faure eut quelques ennuis et, suspect de complot, fut renvoyé en métropole. Il se présente ensuite à des élections législatives à Lyon avec l’étiquette poujadiste, mais ce fut un désastre. Il revint en Algérie après le 13 mai pour prendre le commandement de la 27ème Division Alpine qui tenait la Grande Kabylie, et cette affectation d’un officier général qui n’était ni gauchiste ni bradeur pour faire face à la Willaya d’Amirouche vint, dans les milieux militaires, contrebalancer, dans une certaine mesure, la fâcheuse impression des mutations qui frappaient les officiers un peu trop partisans de l’Algérie Française et de l’intégration. Il faut dire qu’on donna à Faure un inconditionnel comme adjoint, le général de Camas qui accepta par la suite de commander les troupes françaises en Algérie, après l’indépendance – c’est tout dire !
Revenons à la nuit du 22 au 23 janvier. Dès son arrivée, Faure est introduit auprès de Delouvrier et de Challe et, lui aussi, reste longtemps en tête à tête avec eux. Il repartira pour Tizi-Ouzou aussitôt après ce dialogue. Delouvrier et Challe me parurent beaucoup plus décontractés.
J’ai finalement quitté le palais d’Eté tard dans la nuit en compagnie d’Argoud. C’est à ce moment qu’il m’apprit que Massu avait donné son accord pour une manifestation à Alger dans les prochains jours, alors que, les jours précédents, il s’y opposait.
Les limiers des Renseignements Généraux n’ont vraiment jamais été formés, même quand ils sont courageux – ce qui n’est pas toujours le cas – c’est-à-dire quand ils ne sont pas trop soucieux de se couvrir ou de s’orienter dans le sens du pouvoir. Ils ignorent la synthèse et se refusent à comprendre, qu’à partir d’un certain échelon, il faut interpréter et offrir aux patrons, non pas des informations fragmentaires, parfois contradictoires mais opter entre quelques hypothèses. Je parle d’expérience pour avoir mis, un jour, le service des R.G. à l’épreuve en lui faisant adresser un message anonyme annonçant une vague tentative d’attentat. Quelques jours après, hélas, l’information m’est revenue, par la voie hiérarchique, mais elle était imputée « à une source généralement bien informée ». Depuis ce jour-là, j’ai jaugé le capitaine C…. Impopulaire, sans véritable envergure, sans relations aussi, sans informateurs bénévoles parce qu’il donne l’impression de mener le mauvais combat. Il n’a que quelques indics, chichement rétribués et qui sont autant de risques d’intoxication. Dans ce domaine, il importe de ne pas jeter la pierre aux policiers seuls. Combien de colonels, et même de généraux, tiraient des conclusions définitives de ce que leur épouse avait pu tirer, au cours de la journée de leur fatma qui faisait son ménage! Dans ces conditions, il ne faut pas reprocher à Delouvrier d’avoir cru dur comme fer que le F.N.F. disposait de 40.000 hommes armés jusqu’aux dents et organisés en groupes d’assaut. Et pourtant, ce n’était que du bidon !
Challe était mieux outillé mais ses moyens d’investigation s’appliquaient à la rébellion. Il connaissait le détail de l’armement des willayas comme leurs effectifs; il perçait les intentions des rebelles mais
était beaucoup moins amplement informé des desseins et des possibilités des milieux européens. Quand dans une situation de subversion, qui constitue un tout politico-militaire, on rétablit la séparation des pouvoirs entre généraux et préfets, comme entre le Délégué Général et le Commandant en Chef, on perd la vue d’ensemble, suffisante pour faire front dans toutes les directions dangereuses. Il est inévitable, alors, que le militaire concentre ses efforts contre celui qui, d’évidence, est le véritable ennemi et qui attente à l’intégrité du territoire. Et brusquement, après l’avoir éloigné d’autorité de tout souci d’un autre ordre, peut-on le charger d’assumer la responsabilité de l’ordre public quand il est susceptible d’être troublé par des nationaux qui se réfèrent à l’intégrité du territoire national ? N’est-ce pas exiger des militaires d’agir en aveugles, en mercenaires, à la S.S.. Le soldat, parce qu’il porte un uniforme doit-il être privé d’idée, de jugement, et de toute conscience et n’être qu’un instrument de force entre les mains du Pouvoir du moment. Je ne le crois pas. La discipline doit être inflexible et totale dans la guerre étrangère. Elle a été ainsi à Verdun. Le problème est différent quand il se situe entre Français. Prétendre le contraire, c’est vouloir une armée de fayots, ou alors que les préfets conservent toutes leurs prérogatives en période de crise interne et demeurent responsables de toutes les C.R.S., des gendarmes et de toutes les polices, y compris et surtout de la D.S.T. qui est, elle, strictement faite pour cela.
Dans le prochain numéro, le samedi 23 janvier, la nuit du 23 au 24 et une partie de la journée du 24
La Nouvelle République datée des samedi 4 et dimanche 5 février 1961
LES AMIS DE RAOUL SALAN Site Internet : www.salan.asso.fr Adresse électronique : info@salan.asso.
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