Bulletin 10
Disparition / Robert Abdesselam
Nos adhérents ont publié
Le Général Salan et la cuvette de Dien Bien Phu (2/2) par Jacques Vallete
Biographie / le Général Jean Gilles
Photographie / le 18 juin 1945, Le Général Salan défile sur les champs Elysées
Disparitions
Jeune député en 1958 |
Robert Abdesselam est né le 27 janvier 1920 à El Biar. Diplômé de Sciences Politiques et joueur de tennis accompli, il participe à la Campagne d’Italie comme officier de liaison avec le général Clark. Avocat à la cour d’Alger, membre de l’équipe de France de tennis de Coupe Davis, membre du cabinet du docteur Sid Cara (secrétaire d’Etat à l’Algérie dans les cabinets Biourgès- Maunoury et Gaillard en 1957-58), il est élu député d’Alger-Banlieue en novembre 1958. Jusqu’en juin 1962, il tentera tout ce qui est en son pouvoir pour éviter la catastrophe finale qu’a été la fin de l’Algérie Française |
Jeune député en 1958 | |
Robert Abdesselam est né le 27 janvier 1920 à El Biar. Diplômé de Sciences Politiques et joueur de tennis accompli, il participe à la Campagne d’Italie comme officier de liaison avec le général Clark. Avocat à la cour d’Alger, membre de l’équipe de France de tennis de Coupe Davis, membre du cabinet du docteur Sid Cara (secrétaire d’Etat à l’Algérie dans les cabinets Biourgès- Maunoury et Gaillard en 1957-58), il est élu député d’Alger-Banlieue en novembre 1958. Jusqu’en juin 1962, il tentera tout ce qui est en son pouvoir pour éviter la catastrophe finale qu’a été la fin de l’Algérie Française Peu avant sa disparition |
Robert Abdesselam a été élu député d’Alger-Banlieue lors des élections du novembre 1958. En Algérie, le scrutin était un scrutin de liste à un tour. Sur 67 députés élus, 46 étaient Musulmans et 21 Européens.
Quatre listes étaient en présence, à Alger-Banlieue. Toutes étaient engagées totalement en faveur de l’intégration et de l’Algérie Française. Les colistiers de Robert Abdesselam étaient : Philippe Marçais, doyen de la Faculté des Lettres ; Marc Lauriol, professeur à l’Ecole Supérieure de Commerce, et Mlle Sid Cara, professeur de Lettres. Les remplaçants éventuels étaient M. Mustapha Chelba et André Rosfelder (membre de notre association). La profession de foi de la liste, intitulée « Liste d’action pour l’Algérie Française et la promotion musulmane par l’intégration », présentait ainsi Robert Abdesselam :
38 ans, petit-fils du Bachaga Abdesselam, Grand Officier de la Légion d’Honneur, Avocat à la Cour d’Appel d’Alger, Licencié en droit, Diplômé de l’Ecole des Sciences Politiques, Chevalier de la Légion d’Honneur, Officier de réserve, ancien combattant 19391945, Campagne D’Italie, Croix de Guerre, 3 citations, Bronze Star, Vice-Président de l’association des Anciens du Corps Expéditionnaire Français en Italie, plusieurs fois champion de tennis de France, Champion du Mexique, des Indes, de Suède, de Tchécoslovaquie, Champion du Monde universitaire, 60 fois international, 25 matches de Coupe Davis, Militant de la cause de l’Algérie Française comme Délégué de la France aux 11ème et 12ème sessions de l’O.N.U. à New York, comme chargé de mission du Gouvernement dans les pays nordiques et en Angleterre, comme ancien conseiller technique au cabinet du Docteur Sid Cara, alors secrétaire d’Etat au Gouvernement de la République et comme membre du Comité de Salut Public du C.S.P.A.S.
Robert Abdesselam a en effet joué un rôle important, en particulier lors de la session de 1957 de l’Assemblée Générale de l’ONU. Le FLN avait lancé le 28 janvier 1957 un ordre de grève générale en parallèle à une intensification de son action internationale avant l’ouverture de cette session. La grève avait été brisée à Alger et la délégation française à l’ONU, menée par Jacques Soustelle, avait mené un travail intense de ce qu’on appelle aujourd’hui le « lobbying » auprès des délégations étrangères afin de les convaincre de ne pas voter de résolution imposant quoi que ce soit à la France en Algérie. C’est là que Robert Abdesselam fit un excellent travail puisque le vote final de l’Assemblée Générale n’exprima qu’un vœu très général en faveur d’une solution pacifique au problème algérien.
Nous regrettons – le mot est faible – que l’AFP, pourtant sollicitée par François Moreau de Balasy, président honoraire de l’Association Française pour la Communauté Atlantique, n’ait diffusé aucune dépêche lors du décès du grand Français que fut Robert
Abdesselam.
Nos adhérents ont publié
Voici l’un des ouvrages les plus frappants et les plus vrais sur le sort imposé en 1962 aux populations d’Algérie par le régime de l’époque dirigé par Charles De Gaulle. Serge Groussard, en vrai reporter, a voulu vivre l’exode qu’ont vécu les habitants d’Algérie en juin 1962, les attentes invraisemblables sur le port d’Alger de ceux qui sont partis avec une ou deux valises, souvent avec une angoisse et un désespoir immenses car l’un des leurs avait disparu ou avait été enlevé par le F.L.N..
Serge Groussard ne fait que raconter ce qu’il a vu ; aucun pathos dans son écriture. Le résultat en est le plus terrible réquisitoire contre ceux qui à partir du 19 mars 1962 ont, en toute connaissance de cause, abandonné les populations françaises, d’origine européenne ou de souche nord-africaine, pour beaucoup à des sorts atroces, en interdisant à l’armée et à la gendarmerie, qui en avaient les moyens, de les protéger : monsieur Messmer doit parfois avoir des nuits blanches…
309 pages Editions Plon 1972
André Galabru, en 1988, dans son premier ouvrage, « L’assassinat de Félix Faure », avait dévoilé les dessous ténébreux et non encore mis en lumière, les raisons véritables et soigneusement occultées par l’histoire officielle de la mort du « Président Soleil ».
Ici, il révèle, à l’occasion du centenaire de l’Affaire Dreyfus, le rôle qu’entre autres l’argent et le crime ont joué dans ce cataclysme politique et social dont les conséquences sont toujours vivaces aujourd’hui puisque, là aussi, il est interdit de s’écarter, sous peine de persécutions, du schéma officiel.
Nul doute que les amateurs d’histoire non trafiquée apprécieront cette approche non-conformiste de l’Affaire et les documents peu connus livrés à la curiosité du lecteur.
180 pages Samizdat autoédité diffusion : Duquesne Diffusion
La Villa Abd-el-Tif, à Alger, est l’un des trois lieux, avec la Villa Médicis et la Casa Velasquez, où de jeunes artistes, délivrés de soucis matériels immédiats, ont pu donner libre cours à leur talent ou, pour certains, à leur génie et les y faire mûrir. La Villa Abd-el-Tif, de style mauresque, sur les hauteurs boisées du Jardin d’Essai, a ainsi accueilli de 1907 à 1962, plus de quatre-vingts artistes, en majorité peintres, qui ont tous été fascinés par la lumière du sud de la Méditerranée et au-delà.
L’ouvrage, en deux parties, présente l’histoire de la Villa depuis la création de la fondation jusqu’à son abandon sans aucun prolongement, en 1962 ; un dictionnaire des artistes qui en ont été pensionnaires complète l’ouvrage. Parmi eux: Jean-Désiré Bascoulès, Berthommé Saint André, Maurice Bouviolle, Marius de Buzon, Léon Cauvy, Pierre Deval, Paul-Elie Dubois, André Hambourg (collaborateur du colonel Salan au périodique « Combattant 43), Paul Jouve, Jean Launois, Georges Le Poitevin, Pierre Pruvost.
335 pages Association Abd-el-Tif 2002 53€
Le général Salan et la cuvette de Dien Bien Phu (2/2)
Suite de l’article paru dans le N°6 du bulletin
Jacques Valette
Le général Salan avait toujours noté que des opérations en Haute région ne pourraient que s’appuyer sur Dien Bien Phu. La capitale politique du Pays Thaï, Lai Chau, ne pourrait jamais remplir ce rôle tactique à cause de son encaissement dans une vallée étroite et surtout d’une piste d’avion difficile en hiver à cause d’un crachin épais et, en été, de la brume sèche. Comme rien n’était prévu, il avait négligé de faire reprendre Dien Bien Phu, qu’occupaient encore des unités régionales du Viet Minh.
Il n’eut aucune responsabilité dans la préparation de la bataille, il avait quitté l’Indochine en mai 1953 et il n’y revint qu’en juillet 1954, comme adjoint au général Ely. Pourtant ses archives renferment des documents significatifs.
1) Les faits
Navarre avait conçu une base autour d’une piste d’aviation de 1500 mètres, entourée d’un camp de 6 kilomètres sur 3 kilomètres avec un satellite près d’une deuxième piste, éloigné de six kilomètres. Des points d’appui sur quelques gradins de l’amphithéâtre entourant la cuvette assuraient la protection de la piste principale. Les gradins supérieurs furent vite contrôlés par des observateurs ennemis.
Y furent hissés des canons de 105 et des mortiers lourds, protégés par des casemates secrètes et ne sortant que le temps de tirer avant de se remettre à l’abri. Le dispositif des assiégeants était protégé par des ravins et par une épaisse jungle.
Tous les auteurs militaires ont relevé la mauvaise installation des pièces françaises d’artillerie, au fond d’alvéoles circulaires sans camouflage ni protection efficace. Leurs servants étaient dans l’obligation de tirer dans toutes les directions et de procéder à des trajectoires croisées, donnant, selon la doctrine, un tir court mais puissant. Enfin, l’aviation, qui avait à faire un long vol aller-retour eut vite une action limitée. La piste fut la première cible de l’artillerie adverse.
Au cours de l’action, d’autres difficultés apparurent. Tous ces faits sont évoqués dans divers documents des archives Salan, comme le rapport du colonel Sauvagnac et celui du commandant Bigeard. Le général Salan a recueilli aussi les messages émis par le P.C. du général de Castries ; on suit ainsi la chute progressive des points d’appui jusqu’au dernier du 7 mai 1954.
- Les plaintes du général Cogny
Le général Cogny, commandant des Forces Terrestres du Nord Vietnam (FTNV) n’a cessé de vouloir dégager sa responsabilité. Il avait la réputation de flatter les journalistes passant par Hanoï, et dès la chute de la base, il aurait alimenté une campagne sur la nécessaire « rétractation », c’est-à-dire un repli rapide sur le Delta « utile » (Hanoï-Haïphong). Il semble qu’il ait essayé de manipuler le général Salan, adjoint militaire d’Ely, pour se démarquer de Navarre.
On trouve trois documents :
- « Choix de Dien Bien Phu et conception de la bataille », daté du 13 mai 1954, soit moins d’une semaine après la fin du siège
- « Responsabilité du général commandant les FTNV concernant la conduite de la bataille de Dien Bien Phu », non daté
- « Responsabilité de Dien Bien Phu », un réquisitoire non daté contre Navarre.
Cogny rappelle qu’il ne fut qu’un chef sans moyens. Etaient décidés à Saïgon l’emploi de l’aviation, des unités de parachutistes et même l’envoi de renforts. Il ne fut pas entendu en proposant de ne faire de Dien Bien Phu qu’une base occupée par deux ou trois bataillons, facilement repliables, et qui aurait servi de relais aux maquis du GCMA (Groupement de Commandos Mixtes Aéroportés) du Laos. Jamais il n’a cru à la place forte d’arrêt fixant des attaques. Navarre lui refusa même une action offensive au nord du delta, accrochant une partie des grandes unités ennemies dans une région, « la source des forces de l’armée ennemie ». Enfin, il insista, vainement, sur l’urgence de couper l’axe du ravitaillement chinois par Langson. Ce flux continu de matériel chinois permit à Giap de remporter ce succès.
- Vers une explication
On sait aujourd’hui que Navarre avait changé d’avis en quelques semaines. Alors qu’en juin 1953, il avait refusé à Cogny de reprendre Dien Bien Phu pour protéger le Pays Thaï, cinq mois plus tard, il lui ordonna de le faire avant le 1er décembre 1953 pour protéger le Laos, seul état indochinois lié à la France par un traité d’amitié et d’association.
La clef est sans doute dans le rapport du chef du 2ème Bureau des FTNV, le lieutenant-colonel Levain, daté du 15 juin 1953. Depuis des semaines, il suivait par les écoutes radio la mise en place de l’ennemi. Il avait signalé la concentration des livraisons chinoises près de Dien Bien Phu, l’arrivée de canons anti-aériens, la progression des équipes de renseignement, les mouvements des divisions. Il en avait dégagé deux hypothèses :
- Giap préparait une campagne contre Lai Chau. Ce fut « l’objet d’une recherche SR accrue à compter du 20 octobre, avec des prolongements d’action envisagés vers la province de Phong Saly et peut-être aussi de Luang Prabang : l’essentiel du corps de bataille ennemi doit y être engagé ».
- Il signale que l’opération « Castor » sur Dien Bien Phu « suivie de notre évacuation de Lai Chau début décembre et de la liaison avec nos forces du Nord Laos désorientent passagèrement le commandement adverse, qui craint un repli généralisé de nos unités vers le sud et appréhende de voir sa campagne tomber dans le vide ».
- Giap ne tente pas de reprendre l’invasion du Laos Septentrional comme en 52-53, mais « une reprise de l’offensive dans le delta du Tonkin » précédée « d’une intense préparation SR et logistique ». Mais cela ne servirait qu’à garder les « zones vitales », celles du riz abondant, en fixant au maximum les unités françaises. L’objectif réel est une campagne « menée sur le Centre et sur le Nord-Ouest ».
Cette conclusion est confirmée par les recherches récentes dans les archives du Viet Minh par Christopher Goscha. En 1953, Giap prépare de grandes offensives sur les Hauts Plateaux de Tay Nhuyen au Laos et au Cambodge.
Il veut s’ouvrir la route du sud, route du ravitaillement et aussi route d’invasion de la Cochinchine.
Sa méthode est adoptée par le Politburo en présence d’Ho Chi Minh, en janvier 1953 : accepter la collaboration des « Laos Libres ou Lao Issara », conduits par un jeune métisse de Vietnamien et de Laotien, Kaysone, créant des « zones libérées », comme à Sam Neua, au Laos. A cette date, la marche vers le sud débutait seulement, aucun poste français important n’était encore tombé. Cette manoeuvre n’échappa point à Navarre. En juin 1953, il projetait de porter son effort dans le centre Annam, en acceptant provisoirement « une situation difficile dans le delta ». Dans son analyse, la réoccupation de Dien Bien Phu ne servirait qu’à couvrir Luang Prabang contre des unités venues du Tonkin.
Tout allait changer à l’automne 1953.
- Les services chinois fournirent à Giap des renseignements sur le plan de Navarre. Il serait intéressant d’exploiter Dien Bien Phu, en y obtenant la victoire au moment où débuterait la Conférence de Genève. En octobre 1953, le Politburo et la « Commission Militaire du Parti » en une séance commune mirent leur plan au point : attaquer Lai Chau, couper Dien Bien Phu du Laos, renforcer l’axe logistique vers la Chine. Ils ne renonçaient pas aux attaques dans le Moyen et le Sud Laos, dans le Nord-Est du Cambodge, dans la région des Hauts Plateaux, la maîtrise des zones « libérées » demeurant prioritaire. Pour le moment, rien ne serait fait dans le delta.
- Quant à Navarre, il a été obligé d’accepter de livrer bataille à Dien Bien Phu, investi par le gros des divisions Viet Minh, sans pouvoir manœuvrer faute de moyens. Dès avril, il notait : « Le résultat a été de nous engager, dès ce printemps, dans une bataille contre la totalité du corps de bataille Viet Minh, bataille générale que notre plan était de reculer jusqu’en octobre 1954, date à laquelle notre corps de bataille était assez fort pour nous permettre de l’accepter dans de bonnes conditions. Survenue huit mois plus
tôt, il n’est pas douteux que cette bataille générale nous place en ce moment en
sérieuses difficultés ». (1)
Le commandant Bigeard, durant sa captivité, avait reçu confirmation de cette analyse. Navarre n’avait prévu qu’une « attitude stratégiquement défensive dans le Nord Indochinois, nos moyens n’étant pas suffisants pour y obtenir une décision ». Il entendait, en liquidant dans le sud les unités régulières ennemies, « récupérer le maximum de troupes au profit du nord ».
Mais Giap, conseillé par des officiers chinois, avait lancé sa campagne «susceptible de lui assurer des succès politiques à moindre prix que l’attaque du delta ».
Cette affaire malheureuse révéla, trop tard, la défaillance du système de commandement en Indochine. En 1954, le général Catroux, dans son rapport, mit en relief ceci « … il ressort que le gouvernement n’est intervenu ni dans la décision d’occuper Dien Bien Phu, ni dans la bataille qui en a été la conséquence….Le général Navarre, en effet, pris de lui-même l’initiative de se saisir de ce point en question…sa décision du 3 décembre 1953…d’accepter la bataille en vue de conserver la position n’a pas non plus fait l’objet d’une consultation ni d’une approbation de Paris… le gouvernement s’était abstenu de fixer sa position relativement à la défense du Laos lorsque le commandant en chef l’avait sollicité…une décision intéressant la conduite de la guerre a été prise non pas à l’échelon du gouvernement mais à celui du commandant en chef…faisant confiance au général Navarre et sans doute insuffisamment informé des développements que pourrait prendre l’affaire de Dien Bien Phu, le gouvernement (a) approuvé a posteriori la décision d’occuper le point en question et celle d’y accepter la bataille avec le gros des forces ennemies ». (2)
Dès le 9 mai 1954, au lendemain de la chute de la base, le général Ely avait écrit à Navarre en ce sens : « En aucun moment, il n’est venu à l’idée de nos dirigeants politiques ou militaires de discuter les décisions qui avaient abouti à l’installation du camp retranché » (3)
Pourquoi Dien Bien Phu ? La réponse n’est pas simple.
- En 1953, ni Giap, ni Navarre n’avait projeté de livrer une bataille décisive sur ce site. Giap voulait commencer la descente vers le Sud et Navarre n’avait pas l’intention de reprendre la tactique de Salan au Laos en 1952-53 : s’appuyer sur des camps retranchés pour amener les divisions adverses à piétiner loin de leurs bases et à rendre insolubles leurs problèmes logistiques
- Ce sont les conseillers chinois de Giap qui ont fait adopter une stratégie nouvelle : détruire les meilleures unités de réserve françaises sur ce site
- Enfin Navarre fut amené à prendre une décision politique, protéger le Laos, sans aval du gouvernement, non par indiscipline intellectuelle mais parce que n’existait aucun moyen de le piloter depuis Paris.
Notes :
- – Navarre, Note sur la situation militaire en Indochine à la veille de la Conférence de Genève, 21 avril 1954, cité par Jules Roy, La Bataille de Dien Bien Phu, Paris, Julliard, 1963, p.526 et suivantes
- – Commandant Beaudinier, rapport Catroux sur Dien Bien Phu, Revue Historique des Armées, N° 1, 1994, p.70 à 76, – ce texte est tiré du Fonds Catroux, SHAT, M 1K 232
- – Ely, Lettre du 9 mai 1954, citée par Navarre, Agonie de l’Indochine, Paris, Plon, 1954, p.268
Sur l’ensemble de la stratégie de Giap, au travers des archives Viet Minh, voir Christopher Goscha, « Une guerre pour l’Indochine : le Laos et le Cambodge dans le conflit francovietnamien », Guerres modernes et conflits contemporains, N°211, juillet – septembre 2003, p.25-58
Biographie du général Jean Gilles
Jean, Marcellin, Joseph, Callixte, Gilles est né le 14 octobre 1904 à Perpignan. Son père, Joseph Marius est Saint-Cyrien ; capitaine, il sera tué au tout début de la guerre de 1914-1918. En 1916, Jean Gilles est admis au Prytanée National Militaire de La Flèche. Il intègre Saint-Cyr en 1922, à l’âge de 18 ans (promotion 1922-24, Metz-Strasbourg, celle de Leclerc de Hautecloque, Bailly, Grout de Beaufort, Dodelier, Garbay, Lecomte, Le Puloch, Masson,). Lors d’un exercice de tir ; il est blessé par un éclat et perd un œil. L’œil de verre qu’il a par la suite lui vaudra d’être surnommé « le Cyclope ». Affecté à la sortie de l’Ecole au 24ème Régiment de Tirailleurs Colonial, il part au Maroc combattre les rebelles du Rif dirigés par Abd-el-Krim et y obtient à 20 ans sa première citation et la croix de guerre des T.O.E. Par la suite, pendant une dizaine d’années, méhariste, il parcourt le Niger et la Maurétanie, aussi bien soldat qu’administrateur ou ethnologue.
En 1933, Jean Gilles épouse Suzanne Tivolle dont il aura quatre enfants, Pierre qui sera aviateur, Michel qui sera Saint-Cyrien et sera tué en Algérie en février 1961, Louis qui disparaîtra prématurément en 1967 et Henri.
De retour en métropole en 1938, le capitaine Jean Gilles prépare l’Ecole de Guerre et y est reçu. Il n’y entrera pas : la guerre éclate. Après une campagne de France à l’Etat-Major de la 7ème D.I.C. dans les Ardennes, Jean Gilles est affecté à la Direction des Troupes Coloniales. Comme de nombreux officiers qui n’acceptent pas la défaite, il demande et obtient sa mutation en Afrique française. Il prend le commandement du cercle de Bilma à 500 km à l’est d’Agadès, au Niger. Il commande ensuite le bataillon d’Agadès avant d’être rappelé en Métropole en 1942, et d’être démobilisé avec l’armée d’armistice à la fin de 1942.
Le commandant Jean Gilles, cherche à gagner l’Afrique du Nord par l’Espagne. Il y est arrêté et interné au camp de Miranda. Son œil de verre lui permet de se faire libérer et de rejoindre la 9ème Division d’Infanterie Coloniale à Alger ; il y prend le commandement du 2/13ème R.T.S. composés de tirailleurs « sénégalais », d’Européens d’Algérie et d’ « évadés » de métropole et débarque sur l’île d’Elbe, sous le commandement de de Lattre, le 17 juin 1944.
Après le débarquement de Provence, le lieutenant-colonel à titre exceptionnel Jean Gilles participe avec le 23ème R.I.C. aux campagnes de France et d’Allemagne.
Dès octobre 1945, il rejoint l’Indochine, d’abord en Cochinchine avec le 23ème R.I.C. pour prendre la relève des troupes anglaises du général Gracey, puis à Haïphong, en mars 1946, pour reprendre le Tonkin tombé dans les mains d’Ho Chi Minh après la chute du Japon. Il est alors au 3ème bureau de l’état-major, sous-chef opérations du général Leclerc, commandant en chef des forces en ExtrêmeOrient. Colonel à titre exceptionnel en 1946, il rentre en métropole en 1947 et part prendre à Ravensburg le commandement du Régiment Colonial de Chasseurs de Chars. En 1948, il est instructeur à l’Ecole de Guerre ; il passe son brevet militaire de parachutiste à l’âge de 44 ans. En 1949, il commande la 1ère Demi-Brigade de Commandos Parachutistes Coloniaux à Vannes-Meucon avant de devenir Inspecteur des Troupes Aéroportées en métropole.
Le colonel Gilles sur le terrain d’aviation de NaSan
Appelé par le général de Lattre en Indochine, il participe, entre autres, à la couverture de l’opération d’évacuation d’Hoa-Binh en février 1952 comme adjoint au général commandant les Forces Terrestres du Nord Vietnam. Le colonel Gilles, commandant le Groupement Opérationnel de la Moyenne Rivière Noire (G.O.M.R.N.), se voit confié par le général Salan le commandement de Na San ; il en fait, en un temps record – de la mi-septembre à la mi-novembre1952 – un camp fortement retranché bénéficiant d’une piste d’aviation. Le 23 novembre, les troupes Vietminh attaquent en masse et submergent, au prix de lourdes pertes, plusieurs points d’appui dont certains sont repris par des éléments du 5ème R.E.I. et du 3ème B.P.C.. Dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre et dans celle du 1er au 2 décembre, nouvelles attaques en masse, nouvelles prise de points d’appuis, nouvelles contre-attaques menées par les mêmes éléments et d’autres du 2ème B.E.P. et du 3ème R.E.I.
Le 2 décembre, le feu vietminh cesse, Giap retire ses troupes. Il a essuyé de très lourdes pertes. Trop loin de ses bases, il n’a pu soutenir la résistance et la riposte des défenseurs de Na San ; Il saura tirer les leçons de cet échec
L’empereur Bao-Daï, le général Salan et le colonel Gilles (de dos) lors d’un « briefing » à Na San Après mai 1953, le général Navarre succède au général Salan et fait évacuer le camp retranché de Na San. Cette opération, très délicate est menée avec succès par le colonel Gilles ; il est promu général de brigade et grand officier de la Légion d’Honneur.
Le 17 novembre 1953, Navarre révèle à ses grands subordonnés sa décision de reprendre la base de Dien Bien Phu et d’en faire un camp retranché. L’opération « Castor » est lancée le 20 novembre 1953 ; elle est confiée au général Gilles. En cinq jours, plus de 5000 hommes ont été parachutés avec leurs armes, ainsi que 90 tonnes de matériel. La piste d’aviation a été remise en état et est opérationnelle.
Le 29 novembre, le général Navarre se pose à Dien Bien Phu.
Jean Gilles, quitte Dien Bien Phu le 8 décembre ; épuisé, il vient de subir un premier infarctus, il revient en métropole en mars 1954.
Inspecteur des troupes aéroportées, il prend le commandement de la 25ème D.I.A.P. à Bayonne avant de partir avec elle pour maintenir l’ordre dans les Aurès dès novembre 1954. En septembre 1956, à la tête des troupes aéroportées, il participe à l’opération de Suez. L’ultimatum russoaméricain empêche les forces françaises de poursuivre ses opérations victorieuses ce qui permet à Nasser de clamer victoire et de démontrer aux dirigeants du F.L.N. la faiblesse politique de la France.
Après avoir commandé l’Est Constantinois, le général Gilles commande le Corps d’Armée de Constantine au moment du 13 mai 1958. Il a été approché peu avant, ainsi que Bigeard, par Chaban-Delmas, alors ministre de la Défense Nationale qui manoeuvre. Le 15 mai, il est à Alger avec Bigeard. Le général Salan le prie de retourner à Constantine où la situation est difficile. Il la reprend en main rapidement. Le 5 juin 1958, le général Gilles reçoit à Constantine le général de Gaulle, nouveau chef de gouvernement, accompagné du général Salan. Par la suite, à l’Etat-Major Interarmées à Alger, il organise les commandos de chasse et de réserve générale.
Le 1er juillet 1960, général de corps d’armée depuis septembre 1959, Jean Gilles prend le commandement de la 5ème région militaire à Toulouse et de la Zone de Défense Métropolitaine n¨2. Très affecté par la mort de son fils en février 1961 tombé à Aïn Zerga, il est également marqué par le sort réservé au général Challe et à ses compagnons après l’échec du coup d’Alger et par les mesures discriminatoires prises à l’encontre des parachutistes dont il prend la défense.
Le 14 juillet 1961, le général Gilles est cependant élevé à la dignité de Grand Croix de la Légion d’Honneur. Le 10 août 1961, le général Gilles décède d’une crise cardiaque à Mont-Louis. Il était titulaire de 17 citations, dont 13 à l’ordre de l’Armée.
Le général Gilles à Constantine le 18 juin 1958
Le 18 juin 1945, sur les Champs Elysées,
des éléments de la 14ème D.I. , commandée par le général Salan,
et de la 4ème Division Marocaine de Montagne défilent ensemble (F.T.P., F.F.I., Métropolitains, Pieds Noirs, « Indigènes »)